jeudi 3 novembre 2016

Pendant les vacances scolaires de novembre, par Jean-Luc Mélenchon (blog)

Cette semaine, pour la première fois dans la jeune histoire du mouvement « La France insoumise », a été composée une délégation des partis et organisations qui constituent « l’espace politique » du mouvement. Cet espace est composé de divers groupes communistes du PCF qui se sont nommés « Communistes insoumis », de « la nouvelle gauche socialiste », du Parti de gauche et des militants de « Ensemble insoumis ». Il s’agit de rencontrer la direction du PCF à sa demande. C’est la première rencontre. D’un commun accord à la « France insoumise » il a été convenu que je n’y participerai pas. Il faut éviter d’être entrainé dans je ne sais quelle improbable négociation de primaires ou je ne sais quoi, ou bien dans une récupération du même acabit.


Que le PCF veuille faire croire à la possibilité d’un tel arrangement, nous le regrettons mais nous l’admettons car c’est son affaire. Mais nous refusons d’être instrumentalisés si peu que ce soit pour concourir à cette illusion. De plus, après les flots de mise en cause personnelle dont j’ai fait l’objet de la part de la direction communiste, je crois qu’il faut établir une ambiance moins crispée : ma mise en retrait devrait faciliter une expression plus respectueuse de notre démarche de la part de ces interlocuteurs. 


Nous sommes tous friands de dialogues. Si donc notre fin de non-recevoir est sans appel à propos des primaires et de n’importe quel arrangement de cette sorte avec le PS, tout le monde parmi nous est d’accord pour dire qu’il faut mettre sur la table le projet de charte pour les législatives sur lequel nous travaillons. Il s’agit de disperser les craintes que notre choix de lier présidentielle et législatives avec un mécanisme de label commun et de répartition de financements publics peut susciter.

Les questions qui se rapportent à cette charte sont bien traitées dans le post de mon ami Eric Coquerel. Je veux pour ma part préciser dans ce post les questions théoriques qui vont avec l’idée de « Mouvement » et de peuple. Je me l’autorise en dépit de la lourdeur du sujet parce que je me dis que ces questions doivent être évoquées pour que mes lecteurs puissent savoir où j’en suis sur ces thèmes qui guident mon action.



Chantal Mouffe et moi tenions débat public à l’invitation de « Mémoire des luttes » à la maison de l’Amérique latine il y a une quinzaine. Le sujet, « l’heure du peuple », c’était le peuple et son intervention politique à l’époque que Chantal Mouffe nomme « le moment populiste ». Comme le thème du « populisme » à définir, à combattre ou à revendiquer était évidemment très présent dans les conclusions, je vous propose un article d’Éric Dupin qui me semble bien résumer le moment du « débat » public sur le sujet.

Mais, bien sûr, notre dialogue n’avait d’académique que l’immense savoir de Chantal Mouffe sur l’histoire des idées dont elle rend compte à l’occasion avec brio. Pour le reste Mouffe et moi, nous nous faisons producteurs d’une doctrine globale destinée à l’action davantage qu’à la spéculation pure. Je ne crois pas qu’un autre débat de ce type existe ailleurs que dans notre espace. J’ai rendu compte du moment auquel il a commencé, entre Chantal Mouffe et Roger Martelli à Toulouse, à l’université d’été du Parti de Gauche. Martelli a donné dans la revue « Regards » une approche marxiste que je juge traditionnelle mais qui est ouverte et dialoguante. 

Cette soirée à la Maison de l’Amérique latine en était le prolongement, d’une certaine façon, même si l’invitant était « Mémoire des luttes ». Il me paraît important, dans cette phase de l’élection présidentielle, de rappeler que c’est dans cet énoncé doctrinal que se trouvent formulées la méthode et la stratégie qui inspirent, expliquent et animent la création et le développement de la « France insoumise »

Le journal « l’Humanité » rend compte fort aimablement de cette soirée de dialogue. J’en tire prétexte pour revenir sur le fond du sujet en critiquant amicalement la lecture qui en a été faite par Sébastien Crépel pour le journal communiste. Je suis conscient qu’il n’est pas facile d’en rendre compte à partir de l’écoute d’une vidéo. De toute façon, cet entretien croisé nécessite une attention très soutenue et un peu de connaissance des points de vue de départ. Ce n’est donc pas du tout un exercice facile. Mes remerciements pour l’intérêt manifesté pour ce dialogue si singulier ne vont pas jusqu’à dire que ce compte rendu rend vraiment compte de l’enjeu de la discussion. L’auteur du papier commet quelques erreurs qui modifient parfois de fond en comble mon approche. Il transforme la conflictualité que décrit mon livre L’Ère du peuple en son contraire : la recherche d’un consensus de toutes les catégories sociales à partir de l’opposition au productivisme.

Je veux être clair : mon point de vue n’est pas celui d’un nouvel « interclassisme ». Le peuple n’est pas, dans ma définition, une appellation sociale molle permettant de ré-inclure exploiteurs et exploités dans la même catégorie au nom d’un intérêt supérieur commun. Ça, c’est la définition du peuple telle que l’a toujours assumé l’extrême droite au nom de l’ethnie, la culture ou la religion censés le constituer. 

C’est pourtant ce que me fait dire le résumé du compte rendu de Sébastien Crépel. Écrire que, selon moi, l’intérêt général humain résultant de la dévastation de l’écosystème par le capitalisme productiviste rend possible la plus grande « transversale » entre « eux et nous » est un résumé comme d’aucuns en rêvent pour instruire mon procès. Je déclare au contraire que la menace de ruine de l’écosystème définit un intérêt général humain qui délimite la frontière entre « eux » (l’oligarchie responsable du productivisme et de la politique de l’offre)  et « nous » (le peuple en réseau, l’homo urbanus interdépendant dans les réseaux).

C’est-à-dire le contraire de ce qu’en dit le journaliste qui résume. Je crains que le tropisme « gauche plurielle » de l’auteur ne le subjugue.  Pourquoi ? Parce que la vision « gauche plurielle » se figure que l’alliance populaire repose sur une conjugaison d’appétits auxquels on doit répondre en « rassemblant la gauche ». Le cartel de partis « gouvernementaux » garantit à chacun sa place institutionnelle en la  lui assignant dans une répartition de rôles entre partis politiques : aux communistes le social, aux verts l’écologie, au PS la gestion.

L’erreur est d’autant plus dommageable que la bonne compréhension de ce qui fonde le « nous » qui s’oppose à « eux » est le point où s’articule la pensée de Chantal Mouffe et la mienne. Chantal Mouffe nous montre, à la suite d’Ernesto Laclau, que le « peuple » est une auto-construction qui se définit en traçant (découvrant/définissant/formulant) une frontière  avec une force adverse, le « eux ». De mon côté, j’ancre cette auto-construction dans sa dynamique matérielle à partir des rapports sociaux de production et d’échange spécifiques à ce que j’ai nommé « l’ère du peuple ».

Deuxième contresens du compte rendu : la lutte de classe n’est pas dépassée dans mon raisonnement par je ne sais quelle lutte « contre la prédation de masse de l’humanité sur son écosystème dont l’existence est désormais menacée ». La lutte des classes est décrite comme une conséquence d’un autre phénomène plus ample à l’intérieur duquel elle s’inscrit et la rend possible : les fluctuations du nombre des êtres humains. C’est l’augmentation du nombre des humains qui explique le développement des forces productives de l’humanité, rend possible l’existence de l’accumulation et la formation des classes qui vont avec. Si ce phénomène est d’abord secondaire, il devient premier à l’époque de « l’anthropocène » lorsque le nombre des êtres humains est tel que le mode de production de l’époque entre en contradiction avec la survie de l’écosystème du fait du niveau de prédation qu’il implique. 

Ce mode production et les rapports sociaux qui le constituent l’empêchent de se reconstituer au fur et à mesure de la prédation. La lutte des classes n’est donc nullement abolie par cette situation. Elle est au contraire portée à un nouveau niveau dramatique puisque son enjeu est la possibilité ou non pour le grand nombre de substituer à l’exigence aveugle du profit immédiat, les exigences de l’intérêt général humain. Et ceux-ci s’inscrivent nécessairement dans les cycles longs de la nature auxquels répond la planification écologique de la production et des échanges.

Je montre ensuite que la construction du « nous » procède d’une dynamique spontanée (et invariante d’époque) de recherche d’auto-contrôle. Auto-contrôle de l’individu sur sa destinée, auto-contrôle du groupe sur ses membres et sur le territoire qu’ils occupent. Et de là, je déduis que le « nous » n’a pas de meilleur liant que l’égalité comme vecteur (ce que le compte rendu note et met en valeur). Pourquoi ? Parce qu’elle seule abolit vraiment la domination que « eux » veulent exercer contre ce que nous voulons et souhaitons pour nous même et la société.

La rigueur de la pensée sur la réalité est une exigence traditionnelle de notre filiation dans le matérialisme historique. Je ne dis pas que tout ce que décrit L’Ère  du peuple soit suffisant, ni même parfois réellement assuré, ni autant argumenté et documenté qu’il le faudrait. Cependant il forme un tout, une cohérence dont je viens d’une certaine façon de résumer les fondamentaux. Je dis dans ce livre que c’est mon « programme ». D’autres diraient « mon projet ». Je compléterai en disant mon « mode d’emploi » pour ne pas laisser croire que j’agirai en fonction des exigences d’une utopie plutôt que des nécessités inscrites dans la réalité.

 


La description matérielle et « réaliste » du peuple que j’opère a une conséquence sur les autres compartiments de la doctrine d’émancipation qui doit à présent se déployer dans toutes ses applications. En particulier pour savoir quelle forme prend l’organisation politique correspondant à cette réalité sociologique nommée « peuple » après l’ère de « la classe » (et de son parti) comme accoucheur de l’Histoire. Il existe de nombreux textes établissant le diagnostic de la fin de la « forme parti ». Ils décrivent bien. Mais ils proposent peu sinon par des formules tellement générales qu’elles semblent sans réalité concrète. Du coup « le parti » apparait à chacun comme la forme la plus protectrice, même si c’est en se disant « faute de mieux ».

Et de fait c’est vrai. Seuls les partis ont été les acteurs de la permanence de l’action et de la conservation de la mémoire de l’expérience de notre combat. On connaît les conséquences tragiques de bien des auto-dissolutions. La dissolution du PCI (parti communiste italien) n’a donné aucune renaissance des idées et des pratiques progressistes en Italie. Au contraire. L’auto-dissolution du MIR chilien (mouvement de la gauche révolutionnaire) est un désastre de même ampleur si l’on voit ce qu’est devenue la gauche officielle dans ce pays. Mais à l’inverse, dans les faits, il y a longtemps que la permanence et la mémoire conservées sont visiblement conditionnés par les intérêts de ceux qui en sont dépositaires.

Je ne veux pas ici avancer davantage sur cet aspect. Le moment venu, il occupera bien assez nos conversations. Le moment venu ? Ce sera bien sûr celui de la recomposition générale qui va suivre le choc de la présidentielle de 2017, soit parce que nous aurons gagné soit parce que nous serons la première force face aux droites extrémisées. Ce n’est pas le plus décisif cependant à cette heure-ci. Ce qui compte, c’est ce que nous entreprenons avec « La France insoumise » pour traduire de façon concrète la conséquence de notre entrée dans l’âge de l’ère du peuple à l’époque de l’anthropocène.

Au siècle où les humains n’étaient « que » deux milliards, il y avait le « parti de classe ». Il était nécessairement aussi délimité que l’était « la classe » elle-même dans une société où elle n’était nullement hégémonique. En fait, les ouvriers constituaient une sorte d’archipel dans un océan de paysannerie et de travailleurs indépendants de la boutique et de l’artisanat. Sa verticalité correspondait à une organisation du travail lui-même. La centralisation découlait des moyens de transports et de communication autant que comme reflet de la centralisation de son adversaire. Bref, le « parti de classe » correspondait à une réalité sociale et matérielle qui s’est elle-même dépassée de toutes les façons possibles. L’émergence du « peuple » comme catégorie sociale protagoniste face à l’oligarchie de la période du capitalisme financiarisé dominant appelle sa forme spécifique d’organisation.

Cette forme, c’est le « mouvement ». Il peut disposer des moyens d’être représentatif de cet ensemble globalisant qu’est le peuple en réseau de notre époque. Et cela, sur le plan matériel et concret grâce aux moyens techniques des plateformes numérisées internet. Elles-mêmes étant une des applications de la généralisation du numérique, caractéristique de notre temps comme l’ont été l’automobile, la traction électrique et que sais-je encore dans l’épisode précédent. De la sorte, on trouve trois niveaux de définition du peuple. D’abord la multitude, homo urbanus, c’est-à-dire la population vaquant à ses mille et une occupations diverses et parfois opposées. Ensuite le peuple se mettant en mouvement sur ses revendications. Enfin le réseau qu’il constitue dans, par et pour l’action. Ces trois mots désignent trois états d’une même réalité. Ce n’est pas si rare. Le liquide, la glace et la vapeur sont trois états physiques d’un même corps, l’eau, en fonction de son degré de température. Et cette température, ce n’est jamais que la mesure de l’agitation des molécules qui la constituent.

La Convention à Lille, comme je l’ai déjà décrite était un lieu autant qu’un moment de cette réalité « sans bords » qui unit le mouvement et le peuple dont il est issu. Il l’exprime en le donnant à voir. Ce « donné à voir » des invisibles était le fil conducteur de cette assemblée. Et durant les onze heures de transmission en streaming, l’articulation entre cette salle, ses mises en vues et les participants qui regardaient et intervenaient par sms et tweets se mesurait dans le nombre des connexions fluctuant d’un instant à l’autre. Rien de tout cela n’est de la « com ». C’est de la pure politique.

C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre une bonne partie de ce qui nous oppose à d’autres composantes en ce moment. « La France insoumise » n’est pas un parti parmi les autres. C’est un label commun pour une action commune. Ce n’est là pas une idée si complexe. Par exemple certains font des « appels » (par exemple « l’appel des cents ») qui portent un nom de référence que chacun cite chaque fois quels que soient son origine politique ou ses raisons d’être là quand il veut se référer à l’action. Il en va de même avec « La France insoumise ».

Évidemment, ce label désigne l’action commune sur un objectif très ample : porter une candidature à l’élection présidentielle et avec elle un programme pour transformer le pays. À l’évidence, une telle action inclut des centaines d’activités très diverses et donne une complexité d’exécution qui demande des moyens d’organisation et des financements de grandes ampleurs. Compte tenu de l’enjeu, cette action a aussi un caractère très structurant bien au-delà des cercles qui l’animent. La mentalité, les engagements citoyens de type les plus divers s’y réfèrent de manière de plus en plus massive à mesure qu’on s’approche de l’élection et modifient tout leur environnement. Et compte tenu de la nature de l’élection, c’est toute la réalité politique qui est en état d’être transformée. C’est pourquoi le mouvement est une formule dont le contenu se précise à mesure que l’action avance. Il se précise d’après les nécessités de l’action. Cette démarche implique bien des conclusions concrètes. Je ne peux en faire le tour ici à présent.

Je veux mentionner seulement ceci : le strict respect de la nature du processus est la condition de son déploiement maximal. Et de cela je ne tire encore qu’une conclusion : rien des attributions d’un parti n’a de place dans un mouvement de cette sorte. Les volontaires y entrent et sortent librement. Chaque personne définit elle-même la forme et l’intensité de son engagement dans l’action et les modalités de celle-ci. Le mouvement n’a pas à être « démocratique » au sens basiste que souvent on donne à ce mot dans les organisations politiques où l’on doit alors affronter le climat de confrontation des courants et des textes qui les fondent avec les votes contradictoires, et pour finir des gagnants et des perdants. Le souci du mouvement c’est d’être aussi collectif que possible, aussi incluant que nécessaire, aussi poreux que possible. Il ne peut en être autrement.

D’ailleurs le mouvement inclut non seulement des individus mais aussi des groupes et même des partis dans ce que nous avons appelé faute de mieux « l’espace politique » où se retrouvent les représentants des partis politiques qui participent ou soutiennent l’action. « La France insoumise » est donc un label et, de fait, une organisation en vue d’une action et « seulement » cela. Elle n’annule aucun engagement pris par ailleurs par qui la rejoint. Il n’y a pas de carte. Il ne peut y avoir des cotisations mais seulement des participations financières à l’action c’est-à-dire des dons ou des versements réguliers pendant la durée de celle-ci. Il n’y a pas d’autre discipline que celle de l’action, c’est-à-dire celle que chacun s’impose dans l’action individuelle ou collective.

 

Ce titre m’enchante. Je le fais sur le mode « Le Lab d’Europe1 ». Il ne veut rien dire, c’est une pure invention. Mais il pique l’œil. C’est la mode. Bien de l’agitation sur les réseaux sociaux découlent souvent d’une origine aussi peu fondée que cet assemblage de mots. En effet, des médias officiels y ont ouvert des succursales dont l’unique activité consiste à provoquer des batailles de chiens pour alimenter la machine à buzz et fournir, partant de là, la matière première pour la vitrine officielle. Ainsi « Le Lab d’Europe 1 », cette semaine, a inventé une « réunion secrète » de la direction communiste avec des députés PS en vue d’un accord. J’ai vu passer un démenti du PCF. Et la meute de murmurer « il n’y a pas de fumée sans feu ». On en prend deux : une au buzz, l’autre au démenti. Chacun son tour !

J’ai eu droit de la part des mêmes à une invention aussi plaisante : Le Lab annonçait que j’allais tirer au sort les candidatures aux législatives ! Puis que je ne chanterai plus « l’Internationale ». Et ainsi de suite. Je ne fais pas la liste, ça me donne des aigreurs ou des éclats de rire déplacés. Inconvénient : le temps perdu à démentir. Avantage : il est super facile de les discréditer tellement ils sont caricaturaux. 

Leur discrédit rejaillit sur toute la profession et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai. Car la divine corporation assume et défend tout et n’importe quoi sans aucune autorégulation. Vérités, mensonges, trucages, pas de problème ! Au mieux « c’est pas moi, c’est le titreur, c’est le photographe, l’info vient du confrère et vous n’avez rien dit et gnagnagna ». Au pire : « la liberté de la presse et le devoir d’informer au risque de l’erreur ». Du coup, n’importe qui peut aussi les manipuler car ils ne vérifient rien. Raison de plus pour s’adapter et en rester à ce que l’on voit ou lit soi-même.

Cette semaine, j’ai été attiré par l’interview d’Arnaud Montebourg dans le JDD. D’une façon générale, le personnage est intéressant et talentueux. Il va sans doute gagner contre Hollande. Je m’en réjouis d’avance car ce travail-là sera fait et il en résultera une belle implosion de ce qu’il reste de ce parti. Il est franc : il dit clairement qu’il ne peut s’entendre avec moi en raison de ma « radicalité » et de mon « isolement ». J’admets parfaitement que me jeter des pierres soit une façon de cotiser au club des importants et je ne peux lui en vouloir de le faire pour évacuer les ambiguïtés que le système pourrait lui reprocher. D’autant que je me sens élégamment réhabilité quand l’intéressé ne manque pas de dire plus loin que « la radicalité est parfois nécessaire », certes à son sujet.

Peu m’importe qu’en matière d’isolement, ma situation me paraisse plus favorable que la sienne. Je n’entre pas dans les arguments que cela me suggère car je dois faire court sur le sujet.  Mais je l’ai lu avec soin.

Tout de même ! N’est-il pas le candidat soutenu par le porte-parole du PCF, numéro deux du parti et la direction de ce parti (sauf Chassaigne qui préférait Taubira) ? J’en déduis qu’il va sans doute bénéficier de l’aide d’ardents révolutionnaires qui vont donner des sous au PS et signer des allégeances pour pouvoir voter pour lui. Je ne lui reproche pas : c’est humain et de tels soutiens ne méritent pas que je les regrette. Mais j’ai pensé que mon devoir était d’étudier les propositions qu’il affiche pour comprendre ce qui capte  les faveurs de la direction révolutionnaire. J’avais gardé pour moi ce que j’avais pensé de ses précédentes expressions programmatiques. Je sais trop combien l’appareil de la « gôche » rêve d’une bataille de chiens entre gens « pourtant si proches ». Mais là je ne peux m’empêcher de dire « merci ». Arnaud Montebourg a procédé à une franche clarification. Je m’en tiens aux marqueurs de nos combats.

Quand Montebourg dit « je propose un code du travail différent pour les PME négocié branche par branche ». Il me semble que c’est pire que la loi El Khomri. En tous cas, c’est la fin du code du travail et de l’ordre public social républicain. Des naïfs diront qu’une PME, ce n’est pas une multinationale. Ils enfonceront une porte ouverte car le code différencie déjà l’application de la loi avec des seuils. Cette complexité est, entre autres, à l’origine de la taille (justifiée) du code du travail. Après quoi, il propose d’augmenter le pouvoir d’achat en abaissant la CSG. Sans dire que ce qui ne sera plus payé de cette façon aux organismes sociaux devra l’être d’une autre. C’est-à-dire par les impôts de tous. Le final est beau : pas d’augmentation de salaires sauf si c’est dans toute l’Europe.

Je ne commente pas davantage qu’en m’interrogeant : avec un tel programme, qu’est-ce que les communistes peuvent bien lui trouver ? Surtout quand il dit que si les communistes le veulent, ils sont les bienvenus pour faire cette politique. Humour quand, s’adressant à eux, il se réclame de François Mitterrand. Montebourg est un homme qui connaît son histoire. Il sait tendre la main sans le bras. Quand c’est moi qui parle de mon attachement à la mémoire de François Mitterrand, ce n’est pas nouveau et j’ai expliqué en cinquante pages du livre « L e Choix de l’insoumission » l’ampleur et les limites de ma réflexion sur le sujet. Bon, bref, il arrive aussi à leur faire admettre ce qu’ils n’ont jamais admis de moi à son propos ! Trop fort Arnaud !

Mais c’est trop. Je finis par soupçonner que son principal talent à leurs yeux me concerne : lui ce n’est pas moi. Et quand « n’importe qui sauf Mélenchon » est la ligne officielle, on se retrouve vite à manger des pierres faute de bon pain. On va voir bientôt que cette ligne va être un très grand succès. J’ai quand même de la peine pour mes copains communistes de la base qui doivent supporter toutes ces palinodies. Ils sont nombreux à « La France insoumise » et ils le seront très bientôt davantage encore. Ils y défendront sans complexe les augmentations de salaires, l’abrogation de la loi El Khomri, la retraite à 60 ans, la planification écologique, la Constituante et tout le reste de nos idées claires et nettes. Ensemble, on s’en tiendra au programme « L’Avenir en commun ».  Fabriqué à partir de « l’humain d’abord » rectifié pendant sept mois de travail collectif, je crois qu’il peut faire la différence. Je sais que ça va le faire en tous cas auprès des gens du commun pour qui les mots ont un sens.

Benoît Hamon doit avoir sa part ici de peur qu’on croie à des tendresses ou des dédains qui ne sont pas.  D’autant que ce weekend sur BFM, en manque d’arguments face à mon camarade Alexis Corbière, il a trouvé malin de m’attaquer sur mes votes au Parlement européen. Comment peut-il ignorer que mieux vaut ne pas s’en prendre à moi avec des mensonges sur des sujets sensibles pour lesquels j’engage mon vote public et fournis des explications écrites que chacun peut retrouver sur mon blog Europe. On chercherait en vain les siennes pour les années où il fut député européen et vota, par exemple, l e rapport favorable à TAFTA. Tsss ! Plaisantin!

Cette fois-ci, il s’agissait du rapport de ma camarade Marie-Christine Vergiat qui a été voté mardi dernier à Strasbourg. Benoît Hamon l’évoque pour insinuer sournoisement que je serais « contre le regroupement familial », puisque le texte l’évoque et que je « n’ai pas voulu voter » ce document. Une façon de laisser entendre que j’aurais voté contre. Évidemment « contre le regroupement familial ». Malin, non ? Non. Je me suis abstenu sur le vote final. Bien sûr, je n’ai nullement mis en cause le regroupement familial. Hamon sait comme moi qu’il s’agit d’un droit garanti par les Conventions internationales que la France a signées. J’invite Benoît Hamon à lire les points de mon programme sur ces aspects pour plus de détails. Le livret « immigration » étant en cours de rédaction, le moment venu, nous le lui transmettrons aussi. Sans doute nous fera-t-il connaître lui aussi son programme en la matière car celui du PS en général et celui du gouvernement auquel il a participé en particulier c’est la « méthode Léonarda ». Il l’a approuvé avec enthousiasme à l’époque car il était ministre. Expulsion inhumaine, blabla, répression aveugle et re-blabla.

Je sais très bien que l’intention de nuire et de suivre la feuille d’éléments de langage du PS contre moi était le principal souci de Benoît Hamon. Mais mon devoir est de lui répondre point par point. Car mon but est aussi de vous montrer quels genres de personnages sont ces gens. Ils mentent sciemment pour salir les autres et envenimer tous les débats. Puis ils reviennent vous voir la mine enfarinée sur le thème de « l’unitééééééé » beuglée à pleins poumons pour éteindre toute discussion sur leurs bilans collectif et personnel. Suprême élégance : le rapport dont il est question a été voté le jeudi précédant l’émission et, bien sûr, Alexis Corbière ne pouvait en avoir aucune connaissance. Hamon non plus d’ailleurs. C’était donc juste une de ces bonnes vieilles ruses des assemblées générales de la MNEF où le jeune Hamon a fait merveille dans sa jeunesse.

J’en viens donc au fond du rapport puisque c’est à son sujet que Benoît Hamon me prend à partie. Ce rapport s’intitule « Droits de l’homme et migrations dans les pays tiers ». Sa rapporteure est Marie Christine Vergiat, membre de mon groupe, la GUE. Il contient de très bons éléments ! Il rappelle la nécessité pour les État membres de l’Union d’assurer un accueil digne et humain, loin des conditions de « parcage » de Calais et ailleurs dont s’est accommodé des mois durant le gouvernement français actuel avec le soutien de Benoît Hamon. Le rapport souligne l’importance des politiques d’inclusion et d’intégration, par l’apprentissage de la langue du pays d’accueil ou encore le respect du droit du travail.  Il demande la mise en place de voies d’accès sûres et légales pour les migrants… Et bien d’autres éléments que je soutiens.

Mais lors de son examen en Commission, la droite a réussi à déformer le texte. Ainsi, le rapport se félicite également du travail de l’EUNAVFOR MED qui mène la chasse aux réfugiés dans les eaux méditerranéennes en affirmant qu’elle « est un moyen de lutter concrètement contre le trafic des migrants; invite l’Union à poursuivre et à intensifier ce type d’opérations ». Le rapport valide également le principe du fichage généralisé des migrants  afin « d’améliorer les flux d’information, la collecte, le croisement et l’analyse des données personnelles », en soutenant les fameux « hotspots », ces centres de tri indignes et inhumains. 

Pour ma part, je me refuse à valider cela. Tout comme je m’oppose à l’article 90 de ce rapport qui demande le renforcement de l’agence Frontex. Il s’agit de la Police des frontières qui remplace l’ancienne opération « Mare nostrum » dont le but était de sauver les gens.  Je note d’ailleurs au passage que ce paragraphe a été voté de manière séparée à la demande de mon groupe. Mais il n’a pas dû se trouver beaucoup de sociaux-démocrates pour s’y opposer car il resté tel quel dans le texte ! Le PS et Benoît Hamon ont le droit d’aimer Frontex et la police des noyades, mais cela ne leur donne pas le droit de donner des leçons à propos des regroupements familiaux que la mort rend impossibles.

D’ailleurs, lors du passage en plénière le texte a encore été déformé et affaibli. Les votes de droite et du PS ont supprimé les passages jugés encore trop progressistes. Ainsi le paragraphe 55, « demande que les migrants et réfugiés qui fuient la faim bénéficient d’une attention particulière de la part de la communauté occidentale, notamment européenne », a semblé trop « généreux » pour cet hémicycle : il a été rejeté avec l’aide des amis de Benoît Hamon. De la même manière, le paragraphe 81 a été amputé d’un passage pourtant bien intéressant. Il faisait le lien entre les accords économiques passés entre l’UE et des pays tiers provoquant les mouvements migratoires ! C’est donc refuser de dénoncer la politique commerciale destructrice de l’Union européenne. Ainsi, les amis de Benoît Hamon, et lui-même aussi sans doute, refusent-ils de dire que c’est bien la politique économique de l’UE qui déstabilise des régions entières.

Au final, je me suis donc abstenu sur ce rapport. Je ne pouvais voter contre compte tenu de la personnalité de la rapporteure, des bonnes intentions qui l’animaient et de son engagement constant pour les droits de l’homme. Mais je ne pouvais voter pour non plus ! Pas question pour moi de cautionner les ajouts de la droite que Benoît Hamon supporte sans mal. D’autant qu’en toute hypothèse, tout cela n’a aucune conséquence pratique. En effet il s’agit d’un « rapport d’initiative parlementaire ». Il n’a, rappelons-le, aucune conséquence sur quelque réglementation que ce soit.

Dès lors, quand il s’agit de voter des textes de déclarations sans conséquences, je préfère qu’elles reflètent pleinement mes convictions, sans devoir me trahir par des concessions aux réactionnaires et à leurs amis du PS, dont Benoît Hamon. Tout le monde n’est pas de cet avis, et certains préfèrent ménager et la chèvre et le chou pour se conformer à des rites de bons usages et belles manières entre « collègues » du Parlement. Le résultat ? Après avoir fait voter leurs amendements, les députés de droite ont voté contre le texte. Il a l’air malin, Benoît Hamon !

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