Contributions individuelles, auditions de personnalités,
mouvements et partis, et Convention de Lille ont dessiné le programme de
la France insoumise et J.-L. Mélenchon. Samy Joshua en donne ici une
lecture. L’Avenir en commun sera développé par 40 livrets thématiques. À
débattre.
France Insoumise vient d’adopter une mouture presque définitive de
son programme en vue des échéances électorales de 2017, L’Avenir en
Commun (AC dans la suite du texte). Fermement antilibéral et social,
profondément marqué par les préoccupations écologistes, comme par le
souci de passer à une nouvelle République ou par celui de défendre
l’ensemble des droits démocratiques. Sur de nombreux points AC est bien
plus à gauche du positionnement de Corbyn en Grande Bretagne,
certainement plus radical que celui de Bernie Sanders et même plutôt
plus que celui de la direction de Podemos. Une bonne base pour la
campagne engagée par Jean-Luc Mélenchon. Mais anticapitaliste, il l’est
assez modérément, et très peu autogestionnaire, ce qui n’est pas sans
effets. Internationaliste certainement, mais avec certaines analyses et
options qui sont pour le moins à discuter (la Syrie, la sous estimation
de l’impérialisme français, etc.)
L’ancrage écologique
Un des points les plus remarquables de ce programme est l’ampleur de la prise en compte de la crise écologique. « Face à la crise climatique, la planification écologique ». Mais la portée est plus ambitieuse encore. « Le
temps de l’écosystème, c’est le temps long. Le temps court de la
finance et du productivisme saccage tout. La reconquête du temps long
est la principale exigence. C’est le but de la planification écologique ». Tous les thèmes issus des réflexions et des mobilisations des dernières décennies sont balayés.
« Adopter un plan de transition énergétique avec un double axe
sobriété/efficacité » ; « Faire bifurquer le modèle de production, de
consommation et d’échanges ». « Le nucléaire n’est pas une solution
d’avenir » ; « Plan de rénovation écologique de tout le bâti ».
« Développer les transports publics écologiques » ; « Relocaliser les
productions » ; « Consommer autrement » ; « Sauver la biodiversité » ;
« Souveraineté alimentaire et révolution agricole : pour une agriculture
écologique et paysanne »
De plus la question n’est pas cantonnée à ce chapitre spécialement
dédié, mais irrigue l’ensemble du document, avec la claire volonté de
décrire la manière dont la préoccupation écologique impacte tous les
autres choix politiques. Il ne s’agit pas là d’un « green washing »
quelconque, mais bien d’un tournant marquant pour cette partie de la
gauche radicale, dont on mesure l’évolution sur ce point depuis le
programme du Front de Gauche en 2012, l’Humain d’abord. Et que le PCF
pour sa part a du mal à suivre, lui qui s’est encore dernièrement
majoritairement prononcé pour la construction de l’aéroport à Notre Dame
des Landes.
Mais au regard de l’ambition même énoncée, une question de fond
surgit. Peut-on envisager un tel bouleversement dans le cadre du
capitalisme ? Il n’y a aucune référence dans le document à
l’écosocialisme, concept devenu pourtant clé dans la gauche radicale
mondiale, et dont le PG lui-même s’est fait le promoteur. Et même
d’ailleurs aucune référence au socialisme tout court, mais on y
reviendra. Certes le document se propose de « Créer un pôle public de l’énergie pour mener une politique cohérente en renationalisant EDF et Engie (ex-GDF) ».
Mais si le mécanisme moteur décisif dans la société demeure le principe
capitaliste, celui de la mise en valeur de la valeur, comment imaginer
même la possibilité d’une "planification écologique" ? Le PG, comme
parti, ne voyait pas comment. Mais pas AC, et (semble t-il) sans que ça
ait soulevé débat dans le rang des Insoumis.
Combattre l’Europe libérale
L’expérience grecque et ses résultats désastreux sont passés par là.
AC ne veut plus se payer de mots quant à la possibilité de mener une
politique différente en restant dans le cadre des traités néo-libéraux
imposés au fil des ans. Certes, c’est une question difficile : comment
ne pas se laisser enchaîner par ces traités sans pour autant prendre la
responsabilité préalable de détruire les liens européens "d’en bas",
entre les peuples ? Comment défendre la souveraineté populaire sans
glisser dans l’idée à la fois impraticable et terriblement dangereuse du
retour aux frontières du passé ? La question est délicate, oui. Et une
partie de la réponse viendra du mouvement lui-même. Mais AC y répond de
manière très convaincante, en se servant des réflexions menées dans
toute la gauche européenne autour de la problématique du "Plan B".
« Face à la crise européenne, sortir des traités européens ».
« S’exonérer du pacte de stabilité et des règles européennes encadrant
les déficits ; Cesser d’appliquer unilatéralement la directive sur le
détachement de travailleurs en France : la législation nationale doit
s’appliquer totalement… Refuser les traités de libre-échange : le traité
transatlantique TAFTA entre l’UE et les États-Unis, CETA avec le Canada
et le traité TISA de libéralisation des services »
Bien entendu, toutes ces mesures sont des mesures de ruptures, mais qui seront avancées dans le cadre d’un : « Plan A : Proposer une refondation démocratique, sociale et écologique des traités européens par la négociation ».
Puis la parole serait donnée au peuple : « En cas d’accord, le
résultat des négociations sera soumis à référendum du peuple français
qui décidera souverainement de sa participation à l’Union européenne
refondée ou de la sortie. »
Le plan A :
« - Mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne, modifier ses missions et statuts…
- Organiser une conférence européenne sur les dettes souveraines
débouchant sur des moratoires, une baisse de taux d’intérêts, des
rééchelonnements et annulations partielles. Dans un autre chapitre il
est dit : « Réaliser un audit citoyen de la dette publique pour
déterminer la part illégitime ».
- Mettre fin au dumping à l’intérieur de l’UE par une politique…
d’harmonisation… avec inscription d’une clause de non-régression des
droits sociaux.
Ce plan peut-il réussir ? Cela dépend de l’état de l’UE à ce moment
là, de la manière dont l’Allemagne réagira à la menace de la cassure
définitive de l’Union (la France n’est pas la Grèce du point de vue de
la puissance économique), et de comment réagiront les peuples eux-mêmes.
Mais ne pas rester paralysés en cas de blocage, et donc :
« Appliquer un "plan B" en cas d’échec des négociations ». Dont :
- « Réquisitionner la Banque de France pour transformer l’euro en monnaie commune et non plus unique
- Mettre en place un contrôle des capitaux et des marchandises »
Ceci avec la volonté constante de « Défendre et développer les coopérations avec les autres peuples d’Europe ».
Sans qu’on puisse en faire reproche à AC, la maigreur du Plan B est
frappante. L’ampleur envisagée avec justesse pour le Plan A induirait,
s’il est refusé, des rétorsions massives, on le sait bien. Mais alors on
ne peut envisager une nouvelle monnaie et un contrôle des capitaux sans
socialiser l’ensemble du système financier.
Et, étant donné leur
imbrication, sans des incursions sérieuses dans toute la grande
propriété privée. De l’anticapitalisme donc. Non par choix idéologique,
mais par nécessité. Ce qui est envisagé par AC est une véritable
révolution européenne, il faut s’en féliciter. Or, comme pour toute
révolution, s’arrêter en cours de route, c’est mourir.
Nouvelle République et libertés démocratiques
Ce chapitre ouvre le document, c’est dire l’importance que France
Insoumise y donne. La nouvelle République est annoncée sur les ruines de
la Cinquième, dont le procès est fait, et très justement fait. Il en
faut donc une nouvelle, qui dépendra d’une « Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution ». Pour les spécialistes, un coup de chapeau est donné aux constituants de la Grande Révolution en ceci que « Aucun parlementaire des anciennes assemblées de la Ve République ne pourra siéger dans cette assemblée constituante ».
Puis AC s’engage sur le contenu possible, d’une « République permettant l’intervention populaire »,
avec l’ensemble des thèmes largement débattus sur la question :
reconnaissance du vote blanc, droit de vote à 16 ans, proportionnelle,
non cumul, libertés communales, droit de révocation, référendum
d’initiative citoyenne. « Abolir la monarchie présidentielle » par un régime parlementaire, remplacer le Sénat par une « Assemblée de l’intervention populaire et du long terme ».
Bien entendu, « Reconnaître le droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers »,
défendre le droit du sol, faciliter les naturalisations, rétablir la
carte de séjour de dix ans. Dans un autre chapitre, il est demandé de « Régulariser les travailleurs sans-papiers pour assurer l’égalité sociale entre travailleurs ». Plus généralement, il faudra : « Abolir
les ségrégations, interdire le contrôle au faciès et assurer l’égalité
réelle et combattre les discriminations fondées sur le genre, le
handicap, l’apparence, la couleur de peau, l’âge, l'orientation
sexuelle, la religion ou la croyance, l’origine sociale ou la fortune ».
L’ensemble des questions sociétales des dernières années est balayé,
avec une défense de la Loi de 1905 contre son instrumentalisation par
les intégristes et les racistes, ceux qui veulent « en faire un prétexte pour flétrir les musulmans », « La laïcité est la condition de la liberté de conscience et de l’égalité entre tous les citoyens ». Puis l’exigence de « Constitutionnaliser
la non marchandisation du corps humain et le droit fondamental de
disposer de soi en toutes circonstances : liberté de conscience, droit à
la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse, droit de
mourir dans la dignité (y compris avec assistance), accès garanti à des
soins palliatifs ». Une partie largement développée est consacrée à une grande ambition : « Abolir le patriarcat dans l'État et la société »,
avec une série détaillée de mesures pour l’égalité hommes/femmes et
contre le sexisme. Il faudra peut-être un débat spécial non sur ces
mesures (toutes bienvenues) mais sur la nature du patriarcat : comme
pour le racisme, il faut des luttes spécifiques, sans attendre qui et
quoi ce soit. Mais est-il possible d’atteindre l’égalité sur ces plans
sans "abolir" aussi le capitalisme ? Une immense littérature est
consacrée à cette question, mais sans faire consensus, c’est vrai.
L’ancrage social
Les chapitres 2 et 6 développent de manière détaillée ce que devra
être la politique économique et sociale. Il serait trop long de décrire
toutes ces mesures ici. Donnons plutôt les logiques générales qui
semblent guider les choix.
- Revenir sur tous les aspects des choix néo-libéraux des dernières
décennies. Avec le symbole que représenterait l’abrogation de la Loi El
Khomri, mais pas seulement. Tous les domaines sont concernés : temps de
travail et retraites, organisation du travail, niveau des salaires,
financiarisation de l’économie. Plus l’ensemble des contre-réformes dans
le domaine de la santé, de l’éducation du primaire à l’université, la
culture, le sport, les media, etc. Les militant-e-s syndicaux et de la
gauche radicale y reconnaîtront toutes les batailles perdues au fil des
ans, et sur lesquelles AC ne renonce pas à revenir.
- Ne pas se contenter du retour à une période plus favorable, mais
explorer des voies nouvelles : nouvelle fiscalité, aller vers les 32
heures, faciliter la constitution de coopératives, généraliser une
sixième semaine de congés, un SMIC à 1 300 euros net, instaurer un
revenu maximum, taxer les hautes transactions, éradiquer la pauvreté et
garantir un droit effectif au logement. Et encore le remboursement à 100
% de tous les soins prescrits, la légalisation, l’encadrement de la
consommation, la production et la vente de cannabis à des fins
récréatives, le traitement des nouvelles questions liées au handicap, à
la perte d’autonomie. Et encore des dizaines d’autres propositions
issues en ligne directe des mobilisations sociales.
- Mettre au pas la finance et définanciariser l’économie réelle,
mobiliser l’argent public en faveur des petites et moyennes entreprises,
la création d’emplois et la transition écologique.
Des choix antilibéraux radicaux et égalitaires donc, résolument
tournés vers la satisfaction des immenses besoins sociaux et sociétaux.
Même la réalisation du dixième de ces mesures constituerait un véritable
coup de mistral sur tant d’années de renoncements et de reculs. Mais la
logique stratégique qui les sous-tend reste à discuter. Il s’agit en
résumé de mobiliser les moyens de l’État dans une perspective
keynésienne approfondie tout en limitant (toujours par des mesures
législatives) le pouvoir du capital. Mais, encore une fois, sans toucher
au mode de production lui-même. Ainsi, c’est très modérément que des
possibilités de nationalisation sont envisagées. Tout au plus se propose
t-on de « Créer une mission parlementaire spéciale pour faire le
bilan de toutes les privatisations et faveurs fiscales décidées au cours
des trois décennies passées » et de « Revenir sur les programmes de privatisation (aéroports, autoroutes, parts publiques, etc.) ».
Une fois séparées banques d’affaires et de détail, les deux
demeureraient privées. Avec l’espoir certainement vain qu’un pôle public
bancaire suffira à limiter leur nuisance. Au-delà, comment imaginer
mener une quelconque politique écologiste sérieuse en laissant le
pouvoir que l’on sait à Total, Renault ou PSA ? Et défendre le droit à
la santé tout en maintenant la propriété privée des trusts
pharmaceutiques ?
C’est tout le problème avec le « protectionnisme solidaire »
qui revient à plusieurs reprises dans le programme. Levons d’abord un
faux débat. Il n’existe, c’est vrai, aucune possibilité d’une quelconque
politique progressiste qui ne se "protège" pas du capital
international. Qui ne se donne pas les moyens de contrôler le flux des
capitaux et des marchandises. Surtout quand, comme c’est raisonnable de
l’envisager, le pays qui s’engagerait dans cette voie doit s’attendre à
être isolé dans un premier temps. Mais Marx avait déjà discuté de la
même question. Opposé au "libre échange" certes, mais à condition que le
pays qui s’en protège soit lui-même protégé des méfaits du capital. Or,
la France a ses propres "multinationales" qui, à l’abri de ces mesures,
s’en donneraient à cœur joie, et d’une manière rien moins que
"solidaire". Comme souvent l’argument de Marx ne se met pas si aisément
de côté. L’option du programme est que grâce à l’État remis sur des
rails démocratiques et doté d’une nouvelle puissance, on pourrait tenir
en laisse "notre propre capitalisme". Option qui a été démentie tant de
fois à travers l’Histoire ! Au point que pas une seule fois elle ne
s’est révélée effective.
De plus, l’ambition sociale du document se
heurterait inévitablement à des forces réactionnaires considérables, on
en est tous d’accord. Impossible d’y résister sans une mobilisation d’en
bas d’une ampleur équivalente. Comment même l’imaginer si celles et
ceux "d’en bas" sont bridé-e-s dans une éventuelle prise de contrôle de
l’économie dans sa totalité ? On peut certes considérer que
l’anticapitalisme, le socialisme et l’autogestion sont hors d’atteinte
compte tenu des rapports de force. Mais ce ne sont pas des coquetteries
théoriques : ces options découlent de la logique même des processus
envisagés. La référence, aux mouvements sociaux, au respect de leur
autonomie et de leur dynamique propre est une grande absente du texte
plus généralement. Et, j’y reviens. C’est une révolution sociale qui, à
juste titre, est envisagée par AC. Mais comme pour toute révolution,
s’arrêter en cours de route, c’est mourir.
L’impérialisme français oublié
Les questions internationales ont provoqué pas mal de polémiques au
sein de la gauche radicale. Il a été rappelé ci-dessus combien
l’accusation infamante de "souverainisme" (comprendre commun avec le FN)
sur la question européenne ne tenait pas la route concernant AC. Mais
il reste trois autres questions, au moins, qu’il faut aborder : celle
des réfugiés, celle de la Syrie, et celle de la place de la France
elle-même.
« Lutter contre les causes des migrations » titre en premier
AC là où, c’est vrai, on attendrait plutôt d’abord un signal amical
donné aux femmes et aux hommes déjà poussés hors de chez eux. Élu dans
une Mairie des quartiers nord de Marseille dirigée par le FN, je sais
que c’est à ça qu’on juge : oui ou non on accepte des réfugiés dans nos
quartiers ? Après, mais après seulement, vient le traitement "de fond".
Cette question de priorité est loin d’être négligeable. Cela étant dit,
pas de faux procès. AC avance tout de même l’essentiel de ce qu’il y a
dire, si l’on met de côté la question de principe de la liberté de
circulation et d’installation (AC ne se prononce pas sur la question).
Non seulement donc quant à la question posée (les causes des
migrations), mais sur le traitement immédiat de celles-ci. Sur le plan
structurel d’abord, « sortir de l’impasse de Schengen et de
Frontex ; renforcer les moyens civils de sauvetage en mer Méditerranée
pour éviter les milliers de noyés… Refuser l’accord "Visa+adhésion
contre migrants" avec la Turquie ».
Sur « le devoir d’humanité » ensuite.
- Assumer notre devoir d’humanité envers les réfugiés arrivant en Europe
- Respecter la dignité humaine des migrants, leur droit fondamental à une vie de
famille et accompagner les mineurs isolés
- En finir avec le placement en centre de rétention d’enfants…
- Construire des camps d’accueil aux normes internationales sur le modèle de celui de Grande-Synthe…
- Réaffirmer et faire vivre le droit d'asile sur le territoire de la République, accueillir
les réfugiés qui en relèvent grâce à une administration adaptée à cette mission.
« Construire la paix en Syrie ». Qui peut être contre ? AC
demande, à juste titre qu’on en finisse avec nos alliances scandaleuses
avec les pétro-monarchies ultra réactionnaires. Comme avec notre
acceptation hypocrite de la dictature de Erdogan. Le soutien aux Kurdes
est évoqué à plusieurs reprises, même si on aurait pu attendre une
demande de levée de la mise du PKK sur la liste des organisations
"terroristes". AC exige encore une coalition anti Daech sous l’égide de
l’ONU. Plus enfin la tenue « d’élections libres ». Mais le nom
même de Assad est soigneusement évité. Comme s’il n’y avait pas eu de
soulèvement démocratique en Syrie, à l’instar de la Tunisie. Comme si ce
n’était pas la réaction meurtrière du dictateur qui avait précipité un
processus de soulèvement démocratique dans un conflit armé. Si bien
qu’on ne sait pas si, aux yeux de AC, le processus de paix comprend ou
pas le maintien du dictateur. Une omission rien moins que révélatrice,
et une divergence pour le coup indéniable.
La France est-elle impérialiste ? Pour AC, à l’évidence non, sauf
quand elle est à la remorque des USA. On se trompe du tout au tout quand
on reproche un tropisme pro russe dans AC. Il n’y en a pas la moindre
trace. Sauf que, comme le tout est ramené à "l’ennemi principal"
états-unien, les autres questions en sont automatiquement relativisées.
Certes, il faut sortir de l’OTAN, comme le demande très justement le
texte. Qui réclame aussi qu’on en finisse avec la Françafrique. On peut
aussi comprendre l’exigence de « Réaffirmer que l’ONU est le seul organe légitime pour la sécurité collective aux yeux de la France ».
Mais sans réforme de l’ONU ? Avec ce droit exorbitant donné aux membres
permanents du Conseil de Sécurité au détriment de l’Assemblée
générale ? Très justement aussi AC propose d’ « Engager la formation d’une nouvelle alliance altermondialiste »,
dont les données sont détaillées de manière très intéressante. Mais
ceci devrait passer par le renforcement militaire de la France ? AC
demande en effet : « adopter une nouvelle loi de programmation
militaire ayant pour objectif la restauration pleine et entière de
l’indépendance militaire » ; ce qui, à qui sait lire, signifie
qu’on n’exclut certainement pas une augmentation du budget militaire du
pays ! Et le renforcement de sa force de frappe nucléaire (sortir du
nucléaire devrait pourtant concerner sa partie militaire n’est-ce
pas ?). Pour se protéger de qui exactement ? Ou plus certainement pour
protéger "l’influence française" ? Mais on a besoin de l’armée pour ça ?
Si c’est le cas, c’est qu’il y a un problème non ?
Jaurès défend que « L’armée ainsi constituée a pour objet exclusif de protéger contre toute agression l’indépendance et le sol du pays ». Rosa Luxembourg a là-dessus un point de vue très critique sur le concept même. « Qu’est-ce
en fait qu’une guerre défensive ?… Qu’étaient les guerres
napoléoniennes ?… du point de vue de la France elles étaient des guerres
défensives, car elles étaient nécessaires pour défendre l’œuvre de la
grande Révolution... ». Un vieux débat que cette question de la politique militaire…
Une bonne base, des débats à poursuivre
Les débats entamés ici ne doivent pas tromper. AC fournit une bonne
base pour l’affirmation d’une perspective de rupture avec les politiques
passées des gouvernements successifs. De rupture plus généralement avec
le néo-libéralisme autoritaire et guerrier. Certaines questions
difficiles et de la plus haute importance comme la question européenne y
sont à mes yeux très correctement abordées. Et de toutes manières,
trouver un texte qui satisfasse en tout point toutes les fractions de la
gauche radicale n’est pas chose aisée. Raison de plus de poursuivre le
débat sur ce qui mérite de l’être, sans polémique inutile, pour gagner
l’unité la plus large.
Samy Johsua, le 11 novembre 2016. Publié sur le site de Cerises.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire