mercredi 9 février 2011

Les Alternatifs en direct du FSM de Dakar : Soigne ta gauche (sénégalaise). Pauvre paysage politique sénégalais


Grandes absentes du Forum, les organisations politiques de gauche sénégalaises continuent de payer au prix fort un opportunisme électoral qui ferait pâlir un Besson ou un Kouchner, dans la catégorie « renégat ». Et cela dans un pays où les mouvements sociaux sont portants, dynamiques et nombreux, et où existe une forte culture politique.

À l’origine du désespoir de la gauche, le Parti Socialiste

Après l’indépendance, c’est le parti socialiste de Senghor qui va gérer le pays, d’abord comme parti unique, puis dans une démocratie pluraliste très encadrée. En effet, quand Senghor décide qu’il est temps de faire passer son pays dans la modernité démocratique, c’est lui qui détermine le paysage politique : il y aura un parti marxiste (il légalise une organisation clandestine prosoviétique), un parti socialiste (le sien), un parti de droite (de type gaulliste) et un parti libéral. Il désigne Wade pour diriger ce dernier, le PDS. Wade, qui se considérait «socialiste » convient être « social-démocrate » puis, sur l’insistance présidentielle, « libéral ». Le jeu électoral encadré permet au PS de continuer à concentrer tous les pouvoirs en maintenant un semblant de processus démocratique oscillant phase d’ouverture démocratique et de reprise en main. Wade se lasse de jouer le Poulidor sénégalais. L’éternel deuxième des élections arrête la politique et va refaire sa vie en France. L’usure du pouvoir, malgré le remplacement de Senghor par son dauphin, Diouf, finit par rendre imaginable une alternance.


Les deux partis communistes et le mouvement d’extrême gauche AJA/PADS sont portés par leur dynamique mais n’ayant pas de candidat suffisamment populaire pour avoir une chance de gagner l’élection présidentielle vont chercher Wade. Naît alors la coalition monstrueuse dite « Communiste-Libéral ».Dans ce dispositif « tout sauf le PS », Wade ne serait que l’homme de paille, le programme, négocié entre les forces de gauche, promet un virage radical à la société sénégalaise. Grosse erreur.

Après son élection et la constitution d’un gouvernement Libéral-communiste, Wade lâche quelques éléments de démocratisation, mais très vite initie une politique encore plus radicalement libérale que le précédent gouvernement. Il privatise à tout va, limite, si ce n’est interdit de fait, le droit de grève et limite les droits syndicaux. Les partis de gauche tardent à quitter le gouvernement. Cette phase de politique de droite validée par les communistes et l’extrême gauche, critiquée par le PS qui menait quelques mois avant la même, brouille durablement le clivage gauche-droite. Finalement, pour finir de compliquer la perception des débats politiques, ces organisations de gauche ont rejoint la coalition menée par le PS, un « tout sauf Wade » ».Pas la peine de chercher ailleurs l’origine de la saignée militante et électorale de ces organisations.

Un petit espoir générationnel

Après la chape de plomb postindépendance, les errements électoraux de la génération soixante-huitarde, une nouvelle génération semble vouloir reconstruire des organisations politiques clairement de gauche. Ainsi, par exemple, du tout nouveau Younou Askan Wi (mouvement pour l’autonomie populaire), qui axe son travail sur l’articulation des mouvements sociaux sénégalais. Alassane Guissé, son nouveau délégué général, évoque pêle-mêle le mouvement des Imams de Guédiawaye en lutte contre les coupures électriques, les mouvements de jeunesses, les syndicats, les mouvements de malades, les ONG environnementalistes. Il se réfère, comme la plupart des jeunes militants de gauche sénégalais présents au Forum, aux récents évènements maghrébins. Avec un certain optimisme, vu le paysage dévasté de la gauche sénégalaise, cette nouvelle gauche espère voir des changements assez rapidement dans la gauche du pays.

Élément déterminant de cet espoir, l’âge important des cadres politiques actuels dans un pays ou la moyenne d’âge est très jeune.


MC.
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Vive le président ! À bas le président !

Quelques semaines avant le Forum, le nouveau recteur de l’université (nommé par Wade) a ramené de moitié le nombre de salles allouées au Forum. La semaine précédant le forum, plusieurs ambassades sénégalaises révisent à la hausse les délais d’obtention de visas. Les hôtels A moins de 8 jours du forum, les hôtels qui ont fini par flairer la bonne affaire remettent en cause les réservations déjà passées. À 48h du Forum, Migniama Diouf, du comité d’organisation sénégalais lance un appel : il manque encore 60% du budget. Le Forum fil un mauvais coton.

Puis, à la veille du forum, les ambassades font un geste et le budget semble se rééquilibrer. Les mauvaises langues y voient moins un « miracle sénégalais » (à la fin, on va trouver une solution) qu’une aimable intervention de l’état, d’abord pour plomber le forum, puis pour le sauver, moyennant un (gros geste) politique. Et le geste, on le trouve facilement !En effet, à peine passée l’ouverture officielle du forum, en fin de manif d’ouverture, un événement plus officiel réuni l’ancien président brésilien Lula et … le président sénégalais Wade, champion local de la mondialisation libérale.

Mais ça va se conclure d’une façon plus morale : Lula est ovationné quand il parle de l’autonomisation nécessaire de l’Afrique, du rejet du consensus de Washington, du Libéralisme, quand il vente les résultats des campagnes d’alphabétisation et l’opération Faim Zéro. Wade grimace. Pire encore : quand il se félicite pour son œuvre, pour avoir « sorti les Sénégalais de la misère » et « avoir lancé le train de la prospérité » (ce qui est contredit par tous les indicateur internationaux) Wade est hué par la foule.

Le président s’enfonce alors dans son costume. Le lendemain, la presse libérale parle du coup des opposants, les journaux d’opposition de l’ego démesuré du vieil homme malade. Le crime ne paie pas forcément toujours.

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