samedi 30 mars 2013

Forum Social mondial Tunis : troisième journée des ateliers


Aujourd’hui, vendredi 29 mars, s’achevait la troisième journée des ateliers. Au total, ce sont près d’un millier d’activités autogérées qui se seront tenues au cours de ce forum. Ce matin, les Alternatifs animaient un atelier : « Education : quel école pour l’émancipation ? » qui a été un succès numérique et qualitatif, introduit par nos camarades, Bruno Della Sudda et Pedro Mesas de los Alternativos (Etat espagnol) et en co-animaient un autre avec Transform intitulé : « Appropriation sociale et autogestion », introduit notamment par Richard Neuville, nous y reviendrons demain.

En fin d’après-midi, les assemblées de convergence ont débuté et l’Assemblée des mouvements sociaux s’est tenue dans une ambiance surchauffée et combative. Demain matin, samedi 30 mars, les assemblées thématiques se poursuivront et l’après-midi se déroulera la marche de solidarité avec le peuple palestinien dans le cadre de la journée de la Terre, à laquelle les Alternatifs participeront. 

Avant même de tirer un bilan collectif de ce forum, il est permis d’affirmer que ce FSM a été un succès en termes de participation (50 000 personnes) et d’organisation. La présence tunisienne aura été significative et ce forum aura permis aux militant-e-s du monde entier de manifester sa solidarité au peuple tunisien et aux mouvements sociaux. 


Richard Neuville

Dynamique des femmes et femmes dynamiques au FSM 

Tout au long de ce forum, les femmes étaient très présentes tant par leur participation que par le nombre d’ateliers abordant les thématiques féministes. L’assemblée des femmes a même ouvert le Forum Social Mondial de Tunis renouant ainsi avec la tradition altermondialiste. Elle était à l’initiative de l’Association des Femmes Démocrates Tunisiennes et de la Marche Mondiale des Femmes. Dans une ambiance dynamique , effervescente et combative , plus d’un millier de personnes hommes et femmes ont repris en chœur des slogans internationaux : el pueblo unido, free free Palestine , le peuple veut savoir qui a tué Chokri Belaid , so so so solidarité avec les femmes du monde entier… Les prises de paroles étaient donc un peu difficiles dans une atmosphère plus proche de la manifestation que d’un débat. 

Les revendications des femmes que ce soit celles des tunisiennes, des égyptiennes , palestiniennes sénégalaises , polonaises, brésiliennes vont toutes dans le sens de la recherche de plus de démocratie, de liberté et de droits pas uniquement pour les femmes d’ailleurs mais pour toute la société. Elles luttent partout dans le monde contre la double oppression patriarcal et capitaliste. 

En Tunisie , comme en Egypte , elles ont joué un rôle important dans la révolution comme dans les événements qui l’ont précédée mais elles sont aujourd’hui inquiètes. Dans cette phase de transition post-révolutionnaire, elles se sentent exclues des processus constituants ou mal représentées et les premiers signes donnés ne vont pas dans le sens de l’égalité hommes femmes. 

Ainsi, en Tunisie il a fallu une très forte mobilisation des femmes et de la société civile pour combattre le projet d’article de la constitution visant à rendre la femme « complémentaire » de l’homme plutôt que son égale. Depuis l’Indépendance, les droits des femmes étaient dans la loi (code du statut personnel) sans garantir pour autant l’égalité. Aujourd’hui, avec l’arrivée au pouvoir d’Ennahdha, l’écriture d’une nouvelle constitution risque d’ouvrir une brèche permettant de remettre en cause les acquis et d’empêcher l’avènement de nouveaux droits notamment sur le plan politique. La dynamique des mouvements sociaux et en particulier féministes doit permettre de résister aux attaques et d’obtenir de nouvelles avancées. Rien n’est joué, la révolution est encore en cours. 

Florence Ciaravola et Nathalie Marcu 

Nouvelles constructions à gauche 

 « Les nouvelles constructions à gauche pour dépasser le fractionnement » : l’atelier proposé par Transform ! et Espace Marx a tenu ses promesses malgré l’absence dommageable de dernières minutes du Front Populaire de Tunisie pourtant annoncé. 

Cet atelier a d’abord été l’occasion pour Theano Fotiou, députée de Syriza, d’évoquer la situation dramatique de la Grèce, les récentes grèves dans ce pays dont la Troïka a programmé la destruction, mise en œuvre par la politique d’hyper-austérité de la coalition de la Nouvelle Droite, du PASOK et de DIMAR (Gauche Démocrate). Les propositions alternatives de Syriza, notamment sur sa conception du traitement de la dette et son rôle d’opposition au parlement et au mémorandum, ont été mentionnées. 

En tant qu’alliance de la gauche radicale dont le KKE (PC orthodoxe) et l’essentiel de l’extrême gauche trotskiste restent à l’écart, Syriza incarne à l’échelle de masse les résistances et l’alternative, défend et favorise les pratiques alternatives de celles et de ceux qui, dans les décombres, reconstituent les circuits d’échanges et de solidarité et tentent d’inventer les réponses pratiques de résistances à l’hyper-austérité. 

Babacar Diop, membre du Forum social africain, a évoqué la situation au Sénégal en insistant sur la dynamique d’une coalition rassemblant toute la palette des forces de gauche de son pays. 

Ce fut au tour de Pierre Laurent, en tant que président du Parti de la gauche européenne (PGE – rassemble une partie des forces de gauche des différents pays d’Europe et plusieurs composantes du Front de Gauche en France) de prendre la parole. Il a d’abord rappelé l’ampleur des mutations à l’échelle planétaire des trente dernières années et signalé l’importance nouvelle de l’écologie dans les défis du XXIème siècle, avant d’insister sur la nécessité de repérer les nouveaux problèmes, de réfléchir à de nouvelles réponses et d’élargir les alliances susceptibles de proposer ces nouvelles réponses, au-delà des seules forces du PGE. Celui qui est aussi le secrétaire du PCF a saisi l’occasion de rappeler la brève histoire du Front de Gauche : celui est présenté comme la réponse unitaire à la nécessité de donner un prolongement politique à la victoire du Front de Gauche contre le projet de TCE en 2005. 

Pierre Laurent a insisté sur le fait que la dynamique du Front de Gauche implique à la fois pluralisme et ouverture de sa part, rappelant que ce dernier n’est pas un parti et précisant le passage de trois composantes originelles à neuf aujourd’hui. Enfin, Pierre Laurent a annoncé le projet du PGE de mettre sur pied un forum des alternatives à l’échelle européenne et de renforcer sa coopération avec le Forum de Sao Paulo (organe de liaison des différentes composantes de la gauche Indo-Afro-Latino-Américaine). 

Ensuite ce fut Obey Ament (Espace Marx Amérique Latine) qui évoqua les liens existants entre les différentes forces politiques de la gauche latino-américaine raccordés au contexte politique globale de cette région du monde marquée par de profonds changements depuis près de deux décennies. 

Enfin, pour le rendez-vous d’Athènes les 7 et 8 juin, Walter Baier (Transform!) a rappelé la démarche et l’objectif de l’Alter Summit. Ce processus est conduit par les mouvements sociaux et les forces syndicales avec le soutien des forces politiques dont le PGE. Un rendez-vous qui a donné l’occasion d’un débat avec la salle, avec des questions portant notamment sur l’Alter Summit, les projets annoncés par Pierre Laurent et le devenir en question du Forum Social Européen. 

Bruno Della Sudda 

Projet d’un logo mondial pour l’urgence et la justice climatique 

Fait nouveau, pour la première fois dans un FSM se tenait à Tunis un ESPACE CLIMAT qui a organisé un grand nombre de réunions et d’ateliers. Et pour manifester l’importance de cette thématique à l’initiative de plusieurs personnalités participant à la dynamique de forums sociaux mondiaux (Susan George, Naomi Klein, Bill Mikibeen, Wanjira Mathai, Paul Nicholson, Bobby Peek, Adolfo Perez Esquivel, Vandana Shiva, Pablo Solon) a été proposé la création d’un logo mondial pour l’urgence et la justice climatiques. 

Sur les cinq continents des millions de gens luttent, se mobilisent contre les causes du changement climatique. Ils réclament un nouveau modèle de société et d’économie qui respecte la nature et ses grands équilibres, qui protège les populations et en particulier les plus démuni-e-s. Il leur a semblé qu’il était temps que naisse un symbole unifiant toute ces voix, toutes ces mobilisations et donc qu’il fallait imaginer un logo permettant de rendre visible en tout lieu et à tout moment l’urgence et la justice climatiques. 

Pour être le symbole mondial et unificateur nécessaire, un tel logo ne doit être rattachable à aucune culture, langue ou alphabet particulier. Et encore moins à une quelconque organisation. Il doit pouvoir être reproduit avec les moyens ou l’absence de moyens de chaque personne sur la planète. Nous n’avons qu’une planète ! Aussi devons nous faire fleurir des milliers de discussions et des millions de prises de conscience sur l’urgence de se mobiliser pour lutter contre la crise climatique et les conséquences dramatiques qu’elle représente pour les générations futures. 

 Roland Mérieux 

OSER A NO-VOX ! 

Depuis plusieurs années, No-Vox, la voix des « sans », crée son réseaux essentiellement axé sur le logement: mal logés, SDF, expulsions et ce, de forum en forum, dans maintenant nombre de pays. Si souvent ce sont de petits collectifs locaux, ceux-ci se regroupent eux aussi en réseaux dans leur propre pays. A cet atelier, nombre de pays avaient des représentants et je pense utile de les citer: Japon, Portugal, Chili, Burkina Faso, Benin, Mali, Brésil, Maroc, Tunisie, Brésil, Canada, et bien sur France. 

Si le réseaux existe beaucoup par le « net », il y a aussi de nombreux déplacement depuis la France pour les aider à construire leur collectif. L’un des grands principes d’action est le soutien aux expulsés, aux déguerpis en Afrique, par les envois de mail venant du monde entier et ce au ambassades ou ministères et ça marche ! Les conditions sont si différentes par pays qu’il serait fastidieux, en dehors d’une thèse comparative de les détailler. Du juridique aux us et coutumes, de l’existence de cadastre à l’histoire, chaque pays a ses complexités. C’est donc sur le principe des droits humains au logement que se fonde l’action. 

Les tours de parole ont été optimistes quant à la montée en force des mouvements face à des situations aussi dramatiques les unes que les autres: déguerpis en plein Bamako mais blocage du plan d’urbanisme « à l’occidentale », occupation au Portugal pour reloger les retraités expulsés, multiplication des anecdotes de prostitution pour payer les loyers au Canada, emprisonnement de deux militants japonais pour avoir simplement dit à la police qu’ils tuaient en expulsant, manifestation monstre actuellement au Chili… En France nous savons la compétence du DAL en rapport avec la réalité des forces ; ce modèle s’exporte bien !!! 

 ALAIN MARCU.

La question amazighe au Maghreb 

Les Imazighen, appelé longtemps berbères, forment la population originelle du nord de l’Afrique, du fleuve Sénégal et des Canaries jusqu’à la rive occidentale de la vallée du Nil. La revendication de la reconnaissance de la langue amazighe, déjà ancienne en Algérie (printemps « berbère » en 1980) et au Maroc, s’est réveillée en Tunisie et en Libye avec les révolutions. En Libye, la population amazighe (10 à 20 % de l’ensemble selon les estimations) était totalement marginalisée à l’époque de la dictature où Kadhafi considérait que tous les Libyens étaient arabes. La revendication amazighe, longtemps bridée, s’est montrée au grand jour avec la révolution et les Imazighen libyens réclament une place dans la société comme dans le pouvoir. 

En Tunisie, la population amazighe est très faible (à peine 2%) et très dispersée dans le pays. C’est le pays où la culture amazighe est la plus menacée. Plusieurs associations ont été constituées récemment mais elles se heurtent au pouvoir d’En-Nahda qui les insulte en les traitant de « sionistes » et de « franc-maçons » ! 

Le mouvement amazigh s’est donné, il y a une quinzaine d’année, une structure internationale, le congrès amazigh mondial que les révolutions tunisienne et libyenne ont redynamisé. Cette dynamique du mouvement amazigh se manifeste en particulier par la généralisation de la fête du début printemps appelée yennayer. 

 Jacques Fontaine 

Un sujet « bateau » qui ferait bien de naviguer dans la tempête libérale ! 

Le sujet est récurent dans les forums divers, mondiaux ou européens: . Voilà ! j’ai compilé les sujets de deux ateliers, initiés par ATTAC et le réseau « Transform » où les participants étaient pour beaucoup les mêmes, aussi bien dans l’assistance qu’à la table. 

Pour les organisations, beaucoup sont déjà dans le processus « Altersommet », lui même issu de la JSC (Joint Social Conférence) qui est un tour de table européen d’organisations syndicales et d’associations « représentatives » comme la « marche européenne des chômeurs », la LDH, SNU-FSU, Solidaires, ATTAC… Cela fait un peu poupée russe de réseaux unitaires, certes, mais réponds au besoin d’une réaction européenne des peuples aux attaques de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la « Troïka « Étaient là les mouvements, ou plus exactement, se présentant comme des « individus participant à », Occupy Espagne, des Indignés (France), une coordination grecque, des étudiant québécois. 

La multiplication de ces rencontres peut paraître lancinante mais les suspicions de part et d’autre sont importantes. Comme exemple je citerais les étudiants canadiens qui sont très remontés contre les syndicats. En effet, la seule réponse, à leur mouvement énorme contre l’augmentation des frais d’inscription étudiant, a été des lois anti manifestation d’une rigueur rare! Tous les partis, du centre à la gauche ont réagis et infléchis leur position mais aucun syndicat ! 

Une grande incompréhension aussi est sur les temps de réaction et de mobilisation entre syndicats et mouvements. Les structures, les syndicats, sont plus lents, ils ont leur propre calendrier, leurs priorités et aussi plus des difficultés à mobiliser souvent. Quant aux mouvements eux n’ont pas ces contraintes et sont facilement réactifs, grâce aussi à leur culture des réseaux sociaux. (Même les organisations de chômeurs comme AC!, APEIS ou MNCP, sont en butte à cette suspicion) 

Des collectifs de quelques personnes qui peuvent bousculer leur calendrier, lancer un appel du jour pour le lendemain via le « net » et pensent que la terre entière est au courant. Leur travail au quotidien est largement positif, réactif, mais pas toujours régulier notamment lorsqu’il s’agit de tenir des permanences Les rencontres et autre forum semblent fastidieux, mais que faire d’autre que de se rencontrer encore et encore pour aplanir les incompréhensions. 

Gageons que la manifestation européenne prévue à Athènes le 5 juin, initiée par l’Altersommet rassemblera toutes ces composantes et qu’il en sera de même pour celle à Francfort en juillet à la BCE, à l’initiative des réseaux « Occupy » et Indignés. En conclusion du débat, Emmanuel Wallenstein, fit consensus en faisant un historique plein d’espoir des fluctuations du mouvement social dans les luttes, les fronts unis divers et des mouvements populaires en donnant bien sur comme dernier exemple ce qu’il est convenu d’appeler « le printemps arabe ». 

 Alain Marcu

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