26 avril 2012, le candidat Hollande répond aux opposants; |
Nous venons d’horizons divers. Et c’est pour diverses raisons que nous nous sommes intéressés au sujet controversé et singulièrement médiatisé depuis un an d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Malgré la forte mobilisation citoyenne et les failles du dossier, il semble que l’État persiste dans sa volonté de réaliser un projet vieux de plus de quarante ans. Le préfet de région vient en effet de publier les derniers arrêtés qui autorisent le démarrage des travaux. Personne ne peut croire que cela se fera dans le calme sur le terrain. Aussi, avant que l’irréversible ne se produise, nous en appelons à l’opinion publique et à la plus haute autorité de l’État, car ce dossier est symptomatique de toute une série de graves dysfonctionnements qui ne peuvent être passés sous silence.
Il faut d’abord réformer la manière de mener le débat public en France et faire cesser le « saucissonnage » des procédures. Est-il raisonnable de déclarer en 2008 l’utilité publique d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes et de n’examiner qu’en 2012 ses impacts environnementaux ?
Il faut aussi admettre l’expertise contradictoire car les citoyens ne peuvent plus accepter d’être consultés seulement pour la forme alors que le projet est, au fond, déjà décidé.
La mise en place de trois commissions, en fin d’année 2012, avait fait naître l’espoir d’un débat objectif. Hélas, il n’en a rien été au bout du compte! La Commission du dialogue avait fort sagement demandé que soit expertisée l’hypothèse d’un maintien de l’aéroport actuel. Or ces études complémentaires qui devaient être contradictoires ont été menées par les services de l’État, à la fois juge et partie. Comment s’étonner dès lors qu’elles répondent à la commande qui leur a été faite : justifier à nouveau le projet de Notre-Dame-des-Landes ?
La contre-expertise portée par les opposants (pilotes, personnalités du monde aéronautique, bureaux d’études, élus et citoyens), bien que reconnue comme sérieuse, a été balayée d’un revers de main, sans débat réel et sans arguments recevables.
L’État prétendra certes qu’il a discuté, voire qu’il a écouté. Mais dans une démocratie éclairée, il ne suffit pas d’écouter, il faut aussi entendre et surtout vouloir rechercher la vérité. Il est temps de mettre en cohérence les discours et les actes. On ne peut à la fois parler d’économies nécessaires et gaspiller l’argent public pour un équipement nouveau dont l’utilité n’est nullement avérée à l'heure du réchauffement climatique et alors que l’ère des énergies fossiles bon marché semble bel et bien révolue.
On sait qu’il y a trop d’aéroports en France, que régions et villes renoncent à subventionner toute une série de lignes aériennes. Condamner l’aéroport actuel de Nantes tout en le gardant pour l’entreprise Airbus relève de la plus insigne mauvaise foi et d’un irréalisme préoccupant. Les professionnels savent parfaitement qu’un nouvel aéroport ne créera pas de nouvelles lignes aériennes, ni ne saurait modifier la stratégie des compagnies.
On ne peut pas non plus affirmer d’un côté la nécessité de préserver les terres agricoles, les zones humides et la biodiversité et de l’autre déstabiliser un bassin agricole exemplaire, détruire un bocage patrimonial, artificialiser une vaste zone humide dont la richesse faunistique et floristique est reconnue et dont la destruction ne pourrait être « compensée », comme l’a précisé le rapport scientifique rendu au printemps 2012.
On ne peut demander aux autres (collectivités, citoyens) de respecter la loi sur l’eau et la bafouer soi-même. Car la réalisation d’un aéroport et de ses infrastructures associées à Notre-Dame-des-Landes signe de fait la fin de la protection des zones humides en France !
A un moment où la crédibilité de l’action publique est au plus bas, au moment où le fossé entre les citoyens-contribuables et les politiques ne cesse de s’élargir, est-il envisageable de continuer dans cette voie ?
Le gouvernement s’honorerait à reconnaître l’impasse juridique, politique et stratégique dans laquelle ce dossier l’enferme. Et puisqu’il s’agit d’aéroport, nous lui suggérons une piste de sortie par le haut : annoncer une expertise technique indépendante, comme cela a été le cas à Toulouse, où se posait aussi la question d’un éventuel transfert de l’aéroport.
Dans l’attente de cette étude et de la fin des recours juridiques engagés ou à venir, nous lui demandons instamment de ne pas engager les travaux prévus par les arrêtés préfectoraux.
Geneviève Azam, économiste
Jacques Bankir, ancien dirigeant de compagnies aériennes
Jean Gadrey, économiste
Susan George, économiste et essayiste
Arnaud Gossement, avocat
Marie-Monique Robin, journaliste et réalisatrice
Patrick Warin, ancien dirigeant dans le secteur financier, consultant.
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