Plusieurs jours après les attentats du 13 novembre, il est encore difficile de prendre la mesure du choc qui a frappé la société française. Plusieurs milliers de personnes ont eu un-e proche, un-e ami-e, un-e collègue de travail frappé-e par les terroristes. L’ensemble de la population a su faire preuve de solidarité. Les nombreux hommages publics qui ont eu lieu en témoignent.
La peur ne doit pas l’emporter. Il faut dans les prochains jours, amplifier les initiatives qui démontrent notre capacité collective à la mobilisation citoyenne, l’expression populaire, à la convivialité et à la solidarité, afin de surmonter cette épreuve.
Des moyens suffisants doivent être mis en œuvre pour arrêter les responsables de ces crimes atroces, protéger les populations et prévenir de nouveaux attentats.
Le « pacte de stabilité » qui arrime la France à l’austérité généralisée dans l’Union Européenne ne doit plus être suivi dans cette situation exceptionnelle pour donner place à un « Pacte de solidarité », dégageant les moyens pour renforcer la cohésion sociale, la justice et l’égalité (services publics, collectivités territoriales, prévention, éducation et santé en priorité), et qui ne peut se réduire au seul renforcement des effectifs de personnels de sécurité.
Cela peut et doit se faire dans le cadre de l’État de droit et sans remettre en cause les libertés publiques et la démocratie.
Mais la fuite en avant dans l’état d’urgence que François Hollande propose dans son discours au Congrès en le prolongeant pour trois mois est inquiétante. En reprenant les propositions de la droite et de l’extrême droite visant à faciliter les expulsions et la déchéance des binationaux/nales, il stigmatise une partie des citoyen-ne-s françai-se-s, sans répondre au défi auquel nous sommes confronté-e-s.
De même la proposition d’engager dans la précipitation une révision de la Constitution visant à créer un véritable « État d’urgence permanent » constitue une rupture politique dangereuse. Ce n’est pas d’une refondation sécuritaire et autoritaire de la République en cherchant à s’entendre avec la droite dont nous avons besoin, mais au contraire de la refondation d’une République sociale et démocratique, de la construction d’une démocratie plus forte, qui permette réellement à chacun-e de s’impliquer dans les affaires collectives.
Nous avons besoin de plus d’égalité, de justice sociale, de libertés. Il faut préserver le droit de se réunir et de manifester notamment pendant la réunion de la COP 21 et dans le cadre de la solidarité avec les migrant-e-s.
Nous devons renforcer l’aspiration à une société ouverte que l'organisation État Islamique veut détruire. Nous refusons tous les amalgames entre Islam et terrorisme. Nous combattons toutes les provocations et les agressions violentes des groupes d’extrême droite.
Contrairement à ce que propose Marine Le Pen, qui en fait des boucs-émissaires, il faut poursuivre l’accueil des réfugié-e-s notamment syrien-ne-s, irakien-ne-s, libyen-ne-s… qui ont été victimes, elles et eux aussi, des violences de milices et de groupes armés terroristes tels que l’organisation de État Islamique – et pour les syrien-ne-s, celles du régime de Bachar El Assad.
Alors que l'organisation État Islamique a multiplié ces dernières semaines les attentats en Égypte, au Liban, en Libye, en Turquie, c’est à l’échelle internationale qu’une issue pourra se dessiner. L’organisation de État Islamique est le produit des guerres qui ravagent le Moyen-Orient depuis plusieurs décennies maintenant, et, en particulier, des conséquences de l’intervention américaine en Irak et de la guerre meurtrière menée contre son propre peuple par Bachar El Assad.
De ce point de vue, la nécessité de la lutte contre l’EI ne peut justifier une alliance avec le dictateur syrien comme le réclament de nombreux responsables politiques français. Bachar El Assad depuis trois ans mène une guerre sans pitié contre son peuple qui a fait plus de 200 000 morts. Bien au contraire c’est la solidarité avec le peuple syrien, qui se bat en même temps contre l’ÉI et contre Bachar El Assad, qu’il faut renforcer. Comme il faut soutenir le combat mené par les kurdes, à l’encontre de la politique d’Erdogan.
Il y a urgence à construire des initiatives internationales, qui permettent de mettre en échec le projet totalitaire de l'organisation État Islamique, qui imposent un embargo sur le pétrole et les armes qu’il utilise, et qui fassent prévaloir les droits des peuples syriens et irakiens à un régime politique démocratique sous contrôle populaire, et aux droits nationaux du peuple kurde.
C’est la responsabilité des forces de gauche et des forces du mouvement social de contribuer à faire entendre la solidarité entre les peuples contre toutes les barbaries.
Il est nécessaire aujourd’hui d’ouvrir un large débat sur la politique étrangère de la France qui concerne tous les citoyens.
La fuite en avant dans une logique de guerre accentuée ne peut permettre de faire émerger des solutions durables. Pas plus que le maintien d’une « bonne entente » avec les dynasties et dictatures du Moyen-Orient.
Aux agressions meurtrières contre la liberté, il faut opposer très vite
une mobilisation, à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne,
pour faire valoir les exigences de la démocratie, de l’égalité des
droits et de la justice sociale à la place de l’austérité, une
fraternité universelle, un accueil européen des réfugiés, une humanité
solidaire.
Nous souhaitons que, dans la rue, dans les jours qui viennent, cela soit exprimé par la plus large convergence possible.
Le 18 novembre 2015.
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