"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
dimanche 22 novembre 2015
La gauche «est en train de sombrer dans la spirale du tout sécuritaire». Entretien avec Noël Mamère
Noël Mamère est l’un des six députés (dont trois écologistes et trois PS) à avoir voté contre la prolongation de trois mois de l’état d’urgence, le jeudi 19 novembre 2015 à l’Assemblée nationale française. Rue89
Pourquoi s’opposer au gouvernement sur l’état d’urgence ?
Noël Mamère: La prolongation de l’état d’urgence est accompagnée d’une profonde réforme de la loi de 1955 encore plus attentatoire à nos libertés, comme l’élargissement des assignations à résidence ou le recours à la justice administrative. Ce recul historique de la gauche, en train de sombrer dans une spirale tout sécuritaire, va être confirmé par une réforme constitutionnelle aussi floue que dangereuse pour nos droits fondamentaux.
C’est une rupture avec nos traditions, un renoncement dans la mesure où on ne croit plus à nos valeurs. Les Français vont se retrouver dans un pays quadrillé, où les policiers pourront être armés même quand ils ne sont pas en service, comme l’a proposé le ministre de l’Intérieur, où les policiers municipaux pourraient eux aussi être équipés d’armes à feu… Et dans trois mois, on va nous demander à nouveau de prolonger cet état d’exception?
Mais n’a-t-il pas permis d’agir de retrouver rapidement les djihadistes ?
Ce n’est pas d’état d’urgence qui a permis la réussite du travail de la BRI [Brigade de recherche et d’intervention] à Saint-Denis, mais les moyens humains d’enquête et d’intervention. Autant j’ai approuvé l’état d’urgence au lendemain des attentats de Paris, autant je désapprouve sa prolongation, car ce n’est pas lui qui va empêcher des terroristes d’agir. La priorité, c’est le renforcement des services judiciaires, qui doivent pouvoir mener leurs investigations dans des conditions décentes pour assurer la sécurité de nos compatriotes. Nous manquons d’enquêteurs de police judiciaire, de procureurs, de juges, pour pouvoir agir dans le respect de nos principes. Si l’arsenal de lois antiterroristes votées depuis Sarkozy marchait, on le saurait!
Les assignations à résidence ne sont-elles pas utiles pour contrôler les fichés S?
Les fichés S, ce ne sont pas que des terroristes ou des islamistes radicaux. Va-t-on assigner à résidence les zadistes [zad: zone à défendre, par exemple le territoire prévu pour la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes] et les militants antinucléaire? Le texte voté à l’Assemblée prévoit d’élargir ces assignations à «toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public». Je refuse cette société de surveillance généralisée.
La meilleure défense d’une démocratie, c’est d’être fidèle à ses principes. La COP21, la conférence internationale contre le changement climatique qui doit démarrer fin novembre à Paris, est maintenue. Mais le gouvernement a préféré interdire la marche pour le climat… La COP21 va se passer entre chefs d’Etat et se résumer à une négociation. Les citoyens vont être évacués de cette conférence et la société civile interdite de séjour alors qu’on ne fera rien sans elle contre le changement climatique.
Le gouvernement envoie un message anxiogène, alors que tous les messages de la place de la République, de la rue de Charonne, du Bataclan, de la rue Bichat… disent une seule et même chose: «Nous n’avons pas peur». Nous voulons continuer à vivre avec notre modèle, notre culture… Pire, en annulant ces manifestations, mais aussi la Fête des Lumières à Lyon, nous envoyons un message de résignation à l’Etat islamique. Entre la guerre qui se transporte à Paris et ces réactions politiques, c’est un très mauvais moment pour la vie démocratique de notre pays.
(19 novembre 2015)
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