"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
mercredi 25 novembre 2015
Macron : le "terreau" du djihadisme et le fumier du libéralisme, par Jerôme Latta (Regards)
S’exprimant sur les attentats de Paris et les racines du terrorisme, le ministre de l’Économie n’a pas pu s’empêcher de réciter son bréviaire libéral, sans en percevoir l’inanité – en pareilles circonstances et pour un tel sujet.
Huit jours : c’est le temps qu’il aura fallu à Emmanuel Macron pour livrer son analyse des attentats. Le temps a peut-être semblé long à un ministre perfusé à l’omniprésence médiatique. Rappelons qu’il figurait à la une du Monde daté du 13 novembre, sous le bandeau "Enquête sur la start-up Macron" tandis qu’en pages intérieures, le quotidien allait jusqu’à titrer ladite enquête "Le fantasme Macron" et à affirmer que « le ministre de l’Économie incarne un rêve dans la déshérence de la gauche ».
Entre-temps, depuis ce funeste vendredi, on a lu une impressionnante somme d’imbécillités et une poignée d’analyses passionnantes. On dira, avec un peu de charité, que les propos d’Emmanuel Macron n’entrent dans aucune de ces catégories. En fait, imperturbable, il traverse le décor de cette France sous le choc comme un lapin mécanique martelant sur son petit tambour la même vaillante petite marche.
« Ouvrir » la société
S’il a déposé sa bougie place de la République, samedi en compagnie de son homologue allemand Sigmar Gabriel, c’est lors d’une intervention à l’université du groupe de réflexion social-libéral "Les Gracques", ce même jour, qu’il a abordé le sujet [1]. Un public tout indiqué pour entendre notre ministre-préféré-des-Français réitérer qu’il fallait "ouvrir" la société contre la « défiance » que « nous avons laissé s’[y] installer ».
Ouverture, fermeture, on reconnaît la rhétorique macronienne, ses combats contre les « corporatismes » et la résistance aux réformes-nécessaires, lesquels seraient un « terreau » pour le djihadisme : « Je pense que ce sont des fermetures dans notre économie, dans notre société, les pertes d’opportunité, les plafonds de verre qui sont mis, les corporatismes qui se sont construits qui à la fois se nourrissent de la frustration sur le plan individuel et créent de l’inefficacité sur le plan économique. »
S’il déplore la rupture du « pacte de l’égalité » et les discriminations, s’il regrette que « nous avons progressivement abîmé cet élitisme ouvert républicain qui permettait à chacune et chacun de progresser » et « arrêté la mobilité sociale », Emmanuel Macron ne l’explique pas par le travail de démolition des politiques libérales appliquées depuis plus de trente ans, mais par la persistance supposée du modèle antérieur que ces politiques ont démantelé au profit du chaos actuel.
L’avenir selon Macron
La lecture du passé façon Macron peut laisser perplexe. En revanche, sa conception de l’avenir est plus limpide. D’abord, on reconnaît une politique déjà promue par Nicolas Sarkozy, consistant à assurer la promotion sociale en trompe-l’œil d’une minorité parmi les minorités (à l’image des places réservées dans les écoles de l’élite) sans chercher à assurer l’égalité pour tous les autres.
Ensuite, cet avenir dans lequel il vaut nous précipiter est déjà avenu chez nos voisins allemands ou britanniques, où la "modernisation" a obtenu une plus grande "efficacité économique" au prix d’une augmentation générale de la précarité, des inégalités et de la pauvreté.
Précarité, pauvreté, inégalités : il faudrait qu’Emmanuel Macron explique comment ce schéma peut ne pas constituer aussi un terreau pour de futurs terroristes. Au passage, on lui rappellera que les quatre auteurs des attentats-suicides de Londres en 2005 étaient tous des produits de la société britannique "ouverte" par les formidables réformes impulsées sous Margaret Thatcher – pour laquelle il ne cacha pas son admiration, il y a quelques mois. Le problème doit résider ailleurs, aussi pressé soit le ministre de raccrocher les wagons de l’actualité au petit train de sa politique.
On peut savoir gré à Emmanuel Macron de se soucier des souffrances sociales qui contribuent à alimenter les radicalisations. Mais sa pensée simpliste, gouvernée par une doctrine archéo-libérale dont il ânonne dévotement les mantras, est aussi incapable de livrer une analyse du problème que des solutions à celui-ci.
Notes
[1] Rappelons que ces Gracques avaient publié en juin dernier une tribune dont la scélératesse avait été résumée par son titre : "Grèce : ne laissons pas M. Tsipras braquer les banques !.
http://www.regards.fr/web/article/macron-le-terreau-du-djihadisme-et
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