samedi 7 novembre 2015

Nantes, après le rassemblement sit-in contre les violences faires aux femmes, par Aline Chitelman


Imaginez. Mercredi 4 novembre 2015. Il est 19h30, il ne pleut pas, vous arrivez devant le Carré Feydeau à Nantes pour participer à un sit-in contre les agressions dont sont victimes les femmes sur l'espace public, suite au double viol d'une passante le 24 octobre. 

Militant-e féministe à Nantes de longue date, 19H30, vous êtes en terrain connu, cela vous évoque immédiatement les manifestations organisées le 25 novembre « femmes sans peur la nuit ». Vous avez mis votre autocollant : quand une femme dit non, c'est non. 


Les participant-es arrivent peu à peu, jusqu'à être un nombre conséquent. Un grand lien est tendu entre 2 poteaux pour pouvoir accrocher des témoignages, ou des réactions. On peut y lire : « je m'appelle pas bébé », « je ne suis pas ta jolie » « eh, mademoiselle, tu me fais un sourire, non, sale pute », « je ne veux plus avoir peur de croiser le regard d'un inconnu dans la rue » « j'en ai assez que mes amis rigolent quand je leur demande de me raccompagner devant ma porte », « XXIème siècle, du mal à penser que de tels actes puissent exister dans un monde prétendument civilisé » « tous les mecs ne sont pas des violeurs » et bien d'autres encore, contre les comportements sexistes, homophobes ou racistes. 

1ère surprise : pas de manif, pas de prise de parole, pas d'organisateur ou d'organisatrice à la manœuvre, pas de slogans, pas d'agressivité dans les expressions. 

A l'invitation de l'association Stop harcèlement de rue s'est jointe Osez le féminisme, avertie elle aussi via les réseaux sociaux. Elles distribuent un flyer sur lequel on peut lire : Lâche-moi STOP Arrêtez s'il vous plaît Laissez-moi tranquille NON Vous me faites peur Mais qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? 

Le flyer propre à Stop Harcèlement de Rue donne des conseils aux personnes harcelées comme aux personnes témoins de ces agressions. L'Université Populaire Gesticulante informe de la conférence gesticulée qu'elle tient le mercredi 25 novembre à 20h salle Bretagne à Nantes, sur le thème, qu'est-ce qu'un homme ? Qu'est-ce qu'une femme ? (en partenariat avec l'Espace Simone de Beauvoir) 

2ème surprise : vous cherchez des connaissances, vous n'en repérez que 3 ou 4, venues suite à l'information par la presse locale de ce rassemblement. Les autres, tous les autres, sont jeunes ; autant d'hommes que de femmes ; tous avertis par les réseaux sociaux. Tous venus en tant que simples citoyens, et qui tiennent à le rester. Et vous ressentez cette impression d'étrangeté, d'être dans un monde inconnu, mais qu'est-ce que je fais là ? Où sont les associations que je connais ? 

Réfléchissons 

A l'heure où d'aucuns affirment que les jeunes sont individualistes, c'est réconfortant de voir que l'indignation est encore un ressort puissant de réaction. Comme après l'attentat contre Charlie en somme. Et que la solidarité n'est pas pour eux un vain mot. 

 Mais cette coupure entre les organisations traditionnelles de défense des droits des femmes et les jeunes qui s'engagent via les réseaux sociaux, souhaitant avant tout garder leur liberté, craignant les engagements durables ne peut que nous interroger sur le langage à utiliser, les ressorts ? les moyens ? les méthodes ? à mettre en avant pour réduire cette coupure. Jusqu'à présent, le seul constat du vieillissement du mouvement féministe n'a pas permis d'y remédier. 

La Marche mondiale des femmes connaît un tassement dans sa fréquentation, les associations peinent à se renouveler, elles commémorent plus les dates historiques, 8 mars pour les droits des femmes, loi Veil pour l'IVG, 25 novembre contre les violences, qu'elles n'innovent dans leurs pratiques en direction d'un public jeune. 

Serons nous capables de résorber cette distance ? De ne pas attendre que les jeunes viennent dans nos associations traditionnelles ? Qu'ils reprennent nos mots d'ordre tous faits ? De trouver prise pour participer ensemble à la construction du monde humaniste auquel toutes et tous aspirent ? Rien n'est joué. Tout reste à inventer. 

 Nantes le 7 novembre Aline Chitelman(repris du site d'Ensemble!44)

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