mardi 12 janvier 2016

Notre-Dame-des-Landes : "l'affrontement tant redouté, se profile". "Nous sommes des opposants à abattre"


A la veille de l'audience au tribunal de Nantes, où à la demande de Vinci, le tribunal est appelé à se prononcer sur l'expulsion des quatre paysans et des habitants de la ZAD, la tension grandit autour de Notre Dame des Landes. La Préfecture annonce l'arrivée de nouvelles forces de police. Le président du conseil régional LR et son collège PS du département ne trouvent pas de mots assez violents pour exiger la mise au pas des "extrémistes" qui s'opposent au projet d'aéroport et appeler au début des travaux. "L'affrontement tant redouté se profile" conclu ce mardi matin le quotidien Ouest-France.


A la veille du procès et du rassemblement citoyen à 10h30 devant le Palais de Justice, nous publions ci-dessous l'intervention prononcée samedi par Marcel et Sylvain, paysans sur la ZAD.

"Merci d’être venus vous battre contre cette demande d’expulsion. Un des risques face à la justice face au rouleau compresseur de l’Etat et de Vinci, c’est de se sentir seul. Merci, d’être si nombreux. Les porteurs du projet devront prendre en compte cette foule, nous ne sommes pas seuls contre ce projet. Il faudra tenir compte de cette foule qui ne veut pas d’un aéroport à Notre Dame des Landes. 

En effet, ce n’est pas seulement pour nous que vous êtes là. C’est pour dire que ce projet ne doit pas faire un seul pas dans la direction d’un début de travaux. 

Qui sommes-nous ? Des habitants, locataires bien avant 2008 ; par exemple Alphonse qui vit ici depuis plus de 80 ans. Beaucoup y ont vécu toute leur vie d’adulte. 

Tous nous étions ici pendant l’opération César, avec une foule de combattants harassés voire blessés, avec les flics à proximité. Tous nous avons vécu l’occupation policière qui a suivi. Nous avons mis à disposition de la lutte la Vache Rit, la Rolandiére, les Fosses Noires. 

Avec l’aide des terres de Bellevue, nous avons réorganisé l’usage du foncier pour gérer les dégâts de l’opération César et s’organiser avec les activités agricoles de sème ta Zad. Les paysans ont acheté soit du foncier en bordure de zone, soit une maison dans la zone pour limiter l’emprise de Vinci. Les paysans ont participé d’une façon ou d’une autre à la grève de la faim. Hervé était le premier occupant illégal en s’installant en 78 sur les terres de ses parents. 

Nous ne gênons pas physiquement Vinci pour l’année 2016, quels que soient ses projets. Mais nous sommes des opposants à abattre, nous n’avons pas encaissé les chèques des expropriations et nous n’avons jamais signé de bail annuel avec Vinci pour vivre dans nos maisons ou utiliser nos parcelles historiques. Selon la bible de Vinci, notre activité agricole est illégale et donc nous devons partir. 

Pour dire vrai, cette procédure nous a surpris. Après les jugements de 2012, nos dossiers dormaient tranquillement. Depuis 1974, beaucoup de dossiers marqués Notre dame ont dormi et longtemps. Nous avons pensé qu’il s’agissait du sommeil qui précède la victoire. Nous nous sommes habitués à vivre cette situation instable, à le vivre sereinement et à tenir nos maisons et nos fermes comme si le projet n’existait pas. Nous vivons dans cette zone dite de non droit, à côté de ces gens dits ultra violents. Nous le vivons plutôt bien, il y a des complications bien sûr, mais si vous connaissez une communauté de 300 personnes sans complications, faites nous signe. 

Face à la propagande criminalisant les zadistes, il y a maintenant ce film de 25mn auto réalisé et disponible sur le net, et le dossier agricole de la Zad dans Campagnes Solidaires. Les gens peuvent aimer ou pas, mais au moins ce sera en connaissance de cause. 

Cette ambiance sur la Zad a permis des réunions, entre différentes composantes de la lutte pour réfléchir à notre avenir après la victoire. Cet avenir de la zone, nous le voulons sans aéroport. Nous le voulons commun. Nous voulons que tous historiques agriculteurs et locataires, et occupants d’autre part y aient une place. Nous voulons prendre soin de tous les habitants. 

Aujourd’hui, c’est l’enjeu, prendre soin des historiques pour qu’ils puissent rester à Notre dame. Expulser les historiques, c’est finalement un bon angle d’attaque. On peut communiquer sur les longs délais qu’ils ont eu pour s’organiser y compris pour faire les recours. 

Les Ailes pour l’ouest ont déjà essayé de faire le buzz sur « tout l’argent qu’ils touchent, ils ne sont donc pas maltraités ». Le coup de génie, c’est les astreintes financières qui les feront partir sans besoin de la force publique. 

Nous, on imaginait les CRS mettant les vaches dehors et là ça craignait. Ils ont de bien meilleurs moyens que cela : les astreintes. Mais Déloger les historiques seuls n’a pas de sens. Vinci ne peut pas se contenter d’obtenir notre départ sous quelques mois, détruire tout trace humaine pour éviter une réoccupation et revenir voir six mois plus tard. 

Non le calendrier est étroit. 2017 ne peut pas être une année de conflit à cause des élections. La période d’intervention pour la destruction des espèces les limite au printemps et donc au printemps 2016. 

Aussitôt le départ des historiques fixé, il faudra attaquer l’expulsion des occupants, manu militari s’il le faut. Et dès le lendemain attraper 3 tritons de blasius, 2 crossope aquatique, 1 campagnol amphibie, quelques plantes rares et déposer tout cela dans un zoo du bocage nantais. 

Expulser les historiques, c’est bien séparer des composantes de la lutte, ce que nous ne voulons pas. Mais c’est surtout le premier pas de début des travaux et cela il n’en est pas question. Nous ne le laisserons pas faire. Vous ne le laisserez pas faire. 

Pourtant nous ne demandons pas la lune, juste le respect de la parole du président. Concrètement, nous demandons le retrait du référé expulsion des historiques et de toute procédure d’expulsion jusqu’à l’épuisement des recours. 

Avant de se quitter, je voudrais que nous ayons une pensée pour notre collègue paysan Philippe Layat, opposant au grand stade de Lyon, exproprié et qui s’est fait tabasser le 25 décembre dernier chez lui. 

La violence peut prendre différents visages, mais nous gagnerons tous ensemble".

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