lundi 4 avril 2016

Déchéance d'autorité présidentielle, par Francis Sitel (Ensemble)

« J'ai décidé de clore le débat constitutionnel » (François Hollande le 30 mars 2016). 

Depuis des semaines le suspense était éventé. Prise en tenailles entre stigmatisation des Français binationaux – objet de révolte à gauche – et création d’apatrides – dont s'est saisie la droite pour refuser une main secourable à Hollande -, l'opération constitutionnalisation de la déchéance de nationalité était à l'agonie. Le Président a pris acte du décès. 


En partie éclipsé par les mobilisations de rue contre cette autre « grande» réforme gouvernementale qu'est la loi dite El Khomri, le renoncement présidentiel doit-il être relativisé ? Point du tout ! Le fiasco est énorme. Et puisque, de l'aveu de tous, l'affaire relevait du symbolique, il restera emblématique de l'échec global du quinquennat de François Hollande, le moment où probablement il lui aura fallu renoncer à l'espoir d'un second mandat, voire de candidater à l'épreuve. 

L'éditorialiste Paul Henri Du Limbert explique : « Cela signifie que même sur des sujets que l'on présenterait presque comme "accessoires", aucune forme d’unité nationale n'est possible dans ce pays » (in Le Figaro, 31 mars 2016). Au regard de ce pourquoi elle était officiellement préconisée - la lute contre le terrorisme – la mesure n'était pas seulement "accessoire", mais nulle. Car sans rapport avec le problème autre que mystificateur (le fameux symbolique !). 

Il s'agissait en vérité d'un coup politique. Ce qu'on appelle triangulation, ou à présent transgression : alors qu'on est prétendu de gauche emprunter à la droite et à l'extrême droite un thème qui à gauche a toujours été condamné. L’objectif étant d’asphyxier politiquement l'adversaire, quitte à déstabiliser son propre camp. C'est osé, mais peut s'avérer tactiquement habile. Encore faut-il ne pas se tromper sur la gravité du thème en question. Là fut la faute. 

Face à la menace terroriste, est décisive une forme sinon d'unité nationale mais de solidarité du peuple. Y œuvrer est de la responsabilité des gouvernants. Or, la mesure proposée, outre qu'elle était bricolée juridiquement, allait politiquement à l'inverse de cet impératif : elle divisait la communauté nationale. Et elle heurtait les valeurs républicaines qui sont essentielles à la gauche. 

Loin de le comprendre et de se raviser, quatre mois durant Hollande s’est entêté. Parce qu'elle avait été annoncée par lui, le 16 novembre, en grande solennité, devant les deux assemblée réunies en congrès, à Versailles, comme réponse aux crimes qui venaient d'endeuiller le pays. Parce que Jean-Christophe Cambadélis, alors que l'imbroglio juridique était déjà patent, avait cru malin d'évoquer « le respect de la parole présidentielle ». Parce que Hollande en était venu à désavouer sa garde des sceaux, Christiane Taubira, amenant celle-ci à la démission.... 

De tout cela le prix à payer est fort élevé. Accuser la droite d’être responsable de l’impossibilité de réaliser cette forme constitutionnelle n'y changera rien. Et ne l’empêchera pas de dénoncer l'incompétence du pouvoir. 

Au sein du peuple de gauche la brèche ouverte ne pourra être colmatée. A ce gouvernement qui prétend imposer des réformes qui vont contre les fondements mêmes de ce qui identifie la gauche, il convient de s'opposer. 

Pour l’empêcher de nuire davantage la voie de la mobilisation s'impose légitimement. Le 9, puis le 31 mars, la rue a dit cette évidence à présent établie.

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