lundi 18 avril 2016

L’alliance avec la droite, c’est maintenant !, par Guillaume Liégard


De Valls à Macron en passant par Le Guen et Cambadélis, le PS et le gouvernement préparent le terrain au grand rapprochement à venir. Appels du pied, lancements de bidules attrape-tout : pour survivre, cette gauche compte sur la droite. 

C’est Jean-Marie Le Guen, en éclaireur des basses besognes, qui a balisé le terrain : « Ça ne me choquerait pas que demain, après 2017, il y ait des personnalités d’horizons différents qui travaillent ensemble ». Le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement ajoute : « Est-ce qu’on peut penser véritablement qu’on va gouverner la France demain avec 25% ou 30% avec les réformes et les difficultés liées au terrorisme ? » Et pour que cela soit tout à fait clair, il précise encore son propos au sujet des futures législatives : « Si demain, c’est le candidat de gauche qui est en tête au premier tour, enfin qui est qualifié, il faudra qu’il aille chercher les électeurs de droite. Si c’est le candidat de droite, il faudra qu’il aille chercher les électeurs de gauche. Pas en les méprisant, pas en ne passant pas des compromis avec leurs aspirations ». 


"Dépassement des clivages", formation "non partisane" et "belle alliance" Signe que les fameux éléments de langage sont bien en place, Manuel Valls ne déclare pas autre chose dans une récente interview à Libération. En vrac on y apprend que la prochaine élection présidentielle « ne pourra pas être une répétition des précédentes avec l’affrontement classique entre la droite et la gauche. Je ne vois pas non plus les gagnants gouverner seuls, et les perdants reprendre leur cycle de congrès ou d’assises », et qu’évidemment il « continue à penser que le dépassement des clivages partisans s’impose » et que tout naturellement droite et gauche peuvent « parfaitement nouer des pactes ». 

De son côté, la nouvelle formation En marche, lancée par le ministre de l’Économie, ne sera « ni à gauche, ni à droite » et se revendique d’une « démarche non partisane ». Adoubée par le chef de l’État, cette initiative a été encensée par Jean-Pierre Raffarin et qualifiée de « rafraîchissante » par Pierre Gattaz. Bref, rien que de très normal. 

Pour que le tableau soit complet, il manquait la touche d’inventivité du premier secrétaire du Parti socialiste. C’est chose faite avec la Belle alliance populaire. Cette fédération qui, selon Jean-Christophe Cambadélis, vise à « la substitution au PS d’une formation politique rassemblant tous ceux qui auront participé » à la prochaine élection de 2017. On ne peut pas dire que le casting – ni beau, ni populaire à dire vrai – fasse bien envie : Jean-Luc Benhamias (ex EELV, ex Modem…), l’inévitable Jean-Vincent Placé, la recrue de choix qu’est l’ancienne ministre de Sarkozy, Fadela Amara… Ajoutons un soupçon de Parti radical de gauche et la boucle et bouclée. 

Unir la gauche pour gouverner avec la droite 

Pourtant, les mêmes enjoignent toute la gauche, sous peine de cataclysme ou d’apocalypse, à se rassembler dès le premier tour derrière François Hollande. Unir toute la gauche pour gouverner ensuite avec la droite relève assurément d’une conception subtile de la dialectique. 

Mais le pari des fossoyeurs de l’Élysée et Matignon peut se résumer ainsi : 

1. D’abord essayer d’assurer une présence au second tour de François Hollande face à Marine Le Pen, synonyme de réélection même si le score risque d’être étriqué. C’est à dire vrai, le plus compliqué. 

2. La réélection du président sortant devrait logiquement susciter une déflagration au sein de la droite parlementaire face à ce qui aurait dû être une élection imperdable. Une partition devrait alors s’opérer entre le secteur le plus réactionnaire qui se tournera vers le Front national et le secteur plus modéré qui s’y refusera. 

3. François Hollande sait parfaitement que son éventuelle réélection le serait par défaut et qu’il ne bénéficierait d’aucune dynamique au moment des législatives. En bref, il sait qu’il n’aura pas avec ses seuls soutiens de majorité parlementaire et qu’il lui faudra s’appuyer sur une partie de la droite modérée. 

Hollande et sa clique ne sont pas seulement responsables d’un quinquennat calamiteux et déshonorant. Ils ambitionnent désormais de parachever leur œuvre par un gouvernement gauche/droite qui est la norme au sein de l’Union européenne. Il ne s’agit pas là d’un quelconque procès d’intention, mais le constat d’une orientation pleinement assumée et exprimée comme telle. 

Face à un tel projet, chacun à gauche est désormais devant ses responsabilités et doit en tirer toutes les conséquences. Le temps n’est plus aux arabesques et aux circonvolutions, mais à l’affrontement.

- article publié initialement sur Regards

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