"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
mardi 12 avril 2016
Notre-Dame-des-Landes : les étonnants oublis du rapport des experts sur la question écologique, par les Naturalistes en Lutte
Si les Naturalistes en lutte se réjouissent de constater qu'une autorité publique prenne enfin en considération la possibilité de réaménager l’aéroport actuel de Nantes Atlantique comme alternative crédible à la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, il n’en demeure pas moins que le rapport, peut-être très éclairé sur les aspects socio-économiques du débat, pêche cruellement dans son analyse des aspects écologiques.
Depuis trois ans, les Naturalistes en lutte mènent des inventaires de terrain et assurent une contre-expertise sur les dossiers environnementaux du projet d’aéroport. Ils ont analysé le rapport rendu public le 5 avril.
Il apparaît qu’une fois de plus les chiffres concernant les milieux humides et les habitats européens prioritaires sont minimisés. De même, les notions essentielles de connectivité et de fonctionnalité sont froidement ignorées.
Quant aux mesures compensatoires, elles sont validées d’un trait de plume alors que les porteurs du projet sont toujours incapables de produire les contrats qu’ils ont eux-mêmes prévus.
L’étude menée par les inspecteurs de l’environnement à la demande de la ministre de l’environnement et rendue le 5 avril 2016 reconnaît certes des enjeux environnementaux sur le site, en particulier ceux qui concernent les populations de batraciens, de reptiles et de chiroptères. Elle reconnaît aussi des éléments que les Naturalistes en lutte ont mis en avant comme l’absence d’impact de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur le lac de Grand-Lieu (et invalide donc les mensonges sans cesse répétés par les partisans du projet dont on peut mesurer la mauvaise foi). Elle reconnaît aussi partiellement le non-respect de l’esprit de la procédure « Éviter-Réduire-Compenser ».
La présence des espèces protégées nouvellement découvertes est acceptée, bien que celles-ci soient traitées comme des espèces protégées de seconde zone.
Une analyse des habitats d’intérêt communautaire tronquée
Cette étude persévère dans la négation de certains aspects que le travail des Naturalistes en lutte a mis en évidence. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les surfaces sous-estimées des habitats d’intérêt communautaire issues de l’étude d’impact officielle sont toujours utilisées, pour aboutir à une minimisation de la richesse de la zone. Pour ne prendre qu’un exemple, la surface de l’habitat « prairies humides oligotrophes » est de 8 ha dans l’étude d’impact alors que nous avons inventorié plus de 37 ha, soit presque cinq fois plus !
Notons, malgré tout, que dans le tableau présenté, la destruction de pas moins de 10 % des landes humides de Loire-Atlantique est prévue dans le cas de la construction de l’aéroport. La diversité des habitats concernés, leur état de conservation, l’exceptionnelle connectivité écologique entre ceux-ci et la valeur de lien entre deux bassins versants majeurs par cette zone préservée sont tous des éléments ignorés. Sa position dans les corridors écologiques, malhonnêtement niée dans l’étude d’impact, n’est pas rétablie. Certes, le temps a manqué pour répondre à la commande ministérielle mais il y a bien là un des biais habituels liés à la formation des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts : ce ne sont pas des ingénieurs écologues.
Le rapport évoque le gel de la ZAD depuis cinquante ans ainsi que la présence de sols pauvres préservés. Mais c’est pour dénoncer comme un effet pervers le fait que ce gel aurait abouti au « renforcement des populations d’espèces protégées » ; tout à fait comme si la destruction par l’agriculture intensive à laquelle le site a échappé justifiait celle, irréversible, que provoquerait l’aéroport.
Le rapport ose même dire que « le drainage et la fertilisation des terres pourraient aboutir à une régression de ces qualités, sans pour autant qu’il y ait une indignation à cette évolution ». Comme s’il n’y avait personne pour s’inquiéter de la disparition de ce type de milieux déjà rares et comme si l’indifférence de certains justifiait tous les massacres !
Une compensation illusoire pour justifier le projet
Enfin le projet de « compensation » basé sur les coefficients de destruction et de compensation ainsi que sur des mesures de compensation dans des bassins versants indépendants n’est pas remis en cause, bien au contraire. La « préparation du terrain » pour les banques de compensation et le marché de la biodiversité est donc un processus pérennisé par cette mission du ministère.
Le fait que les porteurs du projet ne puissent pas produire les contrats de compensation prévus à quelques mois du début des travaux souhaités par eux aurait dû entrer dans l’évaluation de faisabilité du projet.
Comment, donc, ne pas s’inquiéter de cette validation d’un système qui s’oriente subrepticement, malgré les avertissements lancés par de nombreux scientifiques, vers le modèle compensatoire « américain », mais présentant encore moins de garanties.
Un site d’importance communautaire
Des comparaisons injustes et absurdes sont aussi faites entre la zone de Notre-Dames-des-Landes, qui serait détruite en son cœur, et la richesse du lac de Grand-Lieu (dont il est reconnu qu’elle n’est pas impactée) ou avec la portion de zone humide qui serait détruite par un allongement ou la réorientation de la piste de Nantes-Atlantique.
Rappelons simplement que les Naturalistes en lutte ont trouvé dans la ZAD 11 habitats d’intérêt communautaire là où les bureaux d’étude n’en avaient vu que 6, ce qui en soi justifierait amplement la création d’une zone Natura 2000, par exemple.
La comparaison avec Grand-Lieu qui n’offre que 6 habitats d’intérêt communautaire montre bien que l’approche comparative du rapport est sélective et orientée. Ces considérations permettent, sur le plan environnemental, de trouver des aspects positifs à un projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pourvu qu’il ne comporte qu’une piste, plus courte, et des parkings moins grands.
Ce projet ne comporte guère de changements quant au démembrement de cette zone exceptionnelle, rappelons-le, par sa structure d’ensemble et sa position entre bassins versants. Il reste donc tout à fait inacceptable du point de vue qui concerne les compétences des Naturalistes en lutte.
Il n’y a aucune fatalité à la destruction des espaces naturels de Notre-Dame-des-Landes, contrairement à ce que laisse entendre le rapport qui les croit voués à l’agriculture intensive s’ils ne sont pas massacrés par les pistes, les parkings et les routes. Il existe de nombreux moyens pour en assurer la préservation en lien direct avec ceux qui y vivent et avec le soutien des outils que la législation et les traités internationaux prévoient.
https://naturalistesenlutte.wordpress.com/2016/04/08/projet-daeroport-les-etonnants-oublis-du-rapport-des-experts-sur-la-question-ecologique/
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