mercredi 13 avril 2016

Ce que Panama veut dire, par Jean-Luc Mélenchon

Onze millions de fichiers provenant d’un cabinet panaméen spécialisé dans les sociétés offshore ont « fuité » ! Le scandale est immense. Mais je note ceci : on ne connaît que ce que certains médias veulent bien publier ! Il y a donc ici trois sujets en un. D’abord la photographie nette sur la pourriture intrinsèque du système capitaliste de notre temps dont ces paradis fiscaux sont les veines jugulaires. L’autre concerne la façon de traiter l’information sur le sujet. Car la photo n’est pas assez précise et ça se voit. A cela s’ajoute pour nous, Français, le scandale particulier qui s’attache à la banque « Société Générale » et à ses liens avec les centres de décisions dans l’État. Il est temps de la mettre sous tutelle pour faire le ménage dans ses comptes, ses complicités, ses mensonges passés et présents.


Pour ma part, je demande aussi la publication intégrale de la liste des fraudeurs. Car après Snowden et Assange, c’est la troisième fois que nous devons nous contenter d’avoir des listes de voyous « expurgées » par les médias qui les traitent. Une vérité en cache souvent une autre dans le monde actuel. Les indices que tel est le cas de nouveau sont nombreux. J’en parle.

Mais avant cela, je fais mon devoir de député européen : je vous informe que la loi El Khomri est une demande peu aimable de « l’Europe qui nous protège ». Elle nous a prévenus qu’elle  « surveillait » nos discussions sur le sujet !

Je mentionne aussi trois bonnes nouvelles pour ne pas faire le blasé : premièrement, la bande à Marine Le Pen s’est fait serrer à Panama et va marcher désormais tête basse et mains sales. Si vous en connaissez un, soyez chic, offrez- lui un panama pour se couvrir ! Deuxio, les Hollandais ont rejeté l’accord de L’Union européenne avec l’Ukraine, ce pays ruiné présidé par le titulaire d’un compte à Panama ! Troisio, Bernie Sanders a encore gagné la primaire démocrate dans le Wisconsin. Et le clan Clinton comme l’appareil démocrate s’énerve vraiment beaucoup. L’Amérique peut changer, par la gauche. Et alors le monde changera. Mais nous on peut aussi beaucoup pour ça. Dans la rue le samedi 9 avril pour enfoncer le clou social et défendre le droit à une vie digne. Sur les places du pays, pour les « Nuits debout » du peuple redevenant souverain. Et ensuite en étant la France insoumise, quel que soit le contexte.



Le 31 mars 2016, alors que 1,2 million de salariés battaient le pavé pour demander le retrait de la loi Travail, le Commissaire européen en charge de l’euro et du dialogue social Vladis Dombrovskis était de passage à Paris. Il contre-manifestait en quelque sorte. Ce représentant de « l’Europe qui protège » s’est félicité de cette réforme. C’est normal, c’est lui qui l’a écrite. Ou presque. La loi Travail serait selon lui une « initiative qui est destinée à répondre aux rigidités du marché du travail, et qui devrait relancer l’emploi ». Ce n’est pas tout. L’ingérence s’étend. Car, selon ce monsieur, « Il y a 10 % de chômage depuis trop longtemps en France, il est donc important de s’engager dans des réformes rapidement ». Cet enthousiasme est révélateur. Il faut le savoir et le dire : la loi dite « El Khomri » n’est pas tant une proposition émanant du gouvernement qu’une réponse aux injonctions de la Commission de Bruxelles.

L’affaire remonte à juin 2014. Dans le cadre de ses « Recommandations pour la France » la Commission européenne indiquait qu’une « attention particulière devrait être accordée aux dispositions réglementaires du code du travail ou aux règles comptables liées à des seuils spécifiques qui entravent la croissance des entreprises françaises ». C’est beau comme du Macron. Il faut dire que le gouvernement n’a pas su obtempérer autant qu’il fallait. Alors, en juillet 2015, la Commission européenne s’est faite plus précise et plus pressante. Elle demandait à « réformer le droit du travail [pour] faciliter, aux niveaux des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l’organisation du temps de travail ; à réformer la loi portant création des accords de maintien de l’emploi d’ici à la fin de 2015 en vue d’accroître leur utilisation par les entreprises ». Il va de soi que la loi El Khomri est alignée sur cet ordre.

C’est pourquoi dans ses nouvelles « recommandations » transmises fin février 2016, la Commission triomphe dès les premières lignes de son rapport : « L’adoption et la mise en œuvre de la réforme annoncée du code du travail restent déterminantes pour faciliter les dérogations aux dispositions juridiques générales ». Tout le monde peut le vérifier : les grandes lignes de la loi Travail suivent en tous points les recommandations bruxelloises. Celles-ci encouragent avec enthousiasme les liquidateurs du droit social français : « Les réformes récentes (qui) ont commencé à s’attaquer aux rigidités de la procédure de licenciement pour les contrats à durée indéterminée et à en réduire la complexité et les incertitudes ».

En clair, dans son document, la Commission se félicite des projets de démantèlement du droit du travail et de réduction (ou gel) des salaires prévus par la France, qui correspondent à ses analyses. Car le manque de création d’emploi et la faible croissance sont, selon les experts de l’exécutif européen, liés aux « rigidités structurelles » de notre économie  et notamment aux difficultés de licencier des salariés : « La législation stricte régissant le licenciement des personnes en contrat à durée indéterminée accroît la complexité de ces derniers et accentue la précarité ». La Commission européenne regrette également que « les réformes menées récemment n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche. Cela limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins. Il conviendrait d’accorder aux branches et aux entreprises la possibilité de déterminer de façon flexible, au cas par cas et après négociations avec les partenaires sociaux, s’il y a lieu de déroger à la durée légale du travail de 35 heures par semaine ».

En lisant ces lignes on ne peut s’empêcher de ressentir un malaise. Comment se fait-il que ce soit à ce point mot pour mot ce que répètent le gouvernement et le MEDEF… La Loi Travail en est une déclinaison stricte et parfaite. Que Valls et El Khomri ne rêvent pas pour autant. Il y a encore bien du chemin pour que Hollande accomplisse son rêve d’être le « meilleur élevé de la classe européenne » comme il l’avait déclaré. Car évidemment, « l’Europe qui nous protège » n’est jamais vraiment contente. Pour elle, ça ne saigne pas assez en France. En particulier, cette « Europe qu’il faut ré-enchanter », comme ils disent à « gôche », trouve que les salaires sont trop élevés en France. Pour l’Europe, les salariés en France gagnent trop bien leur vie : « La récente modération salariale, dans un contexte de chômage élevé, demeure insuffisante compte tenu du ralentissement de la croissance de la productivité ».

De toute façon, le commissaire, Vladis Dombrovskis, révèle que la Commission « surveille avec attention le débat politique » autour de cette loi. Brrrrr ! Ils ne « suivent pas » nos débats et ceux de notre Assemblée nationale ! Ils le surveillent ! 

C’est tout un programme. Car en vertu des traités, et plus particulièrement du TSCG et de la procédure de semestre européen qu’il a mis en place, la Commission peut infliger à la France une amende allant jusqu’à représenter plusieurs points de PIB en cas de non suivi de ses recommandations. Mais aussi car compte tenu de sa position centrale au sein  de la zone euro, la France peut avoir un effet d’entraînement sur d’autres États membres, et peut donc être le maillon par lequel la chaîne craquera. Cette horreur n’arrivera pas, fait semblant de croire Valls. Mais le palais d’Haroun El Poussah contient plus d’une chausse-trappe et les eunuques y murissent maints complots. Et dans la rue on en est à « la Nuit debout », sans oublier un petit début d’incendie populaire boulevard Saint-Germain. Et quand ça se saura que la loi El Khomri, c’est l’Europe qui la veut, ça ne va rien arranger.



Du « Panama Papers », il faut d’abord dire l’essentiel qui est politique : le trafic fiscal n’est pas un dysfonctionnement du système. C’est une des veines jugulaires qui l’alimente en permanence et lui permet de maintenir sa pression mortelle et asphyxiante sur les États-nations et les systèmes de protection sociale ! Cette évasion fiscale représenterait 20 000 milliards de dollars dans le monde, 2000 milliards par an en Europe, 8o milliards en France. Ces montants sont ceux qui combleraient tous les « déséquilibres » et tous les prétextes à « assainissements » budgétaires et social. Quelle rage en lisant ces chiffres de penser à la vieille antienne des arrogants « il faut produire avant de redistribuer » comme ils aiment tant l’asséner avec cet air de gens raisonnables qui savent bien où sont les « réalités » devant lesquelles il faudrait s’incliner en silence. Sans oublier les récitants de la mondialisation heureuse qui font comme si la mondialisation ce n’était pas d’abord celle de la fraude, du trafic, de l’argent sale. Derrière chacun de ces « moralistes » il y a un voleur qui se marre. Le premier est l’alibi du second.

Sur qui compter pour faire la guerre à ces fraudeurs ? Que chacun se souvienne qu’en 2008, au G20, Obama et Sarkozy prétendaient mener une « lutte implacable contre les paradis fiscaux ». L’OCDE a établie plusieurs listes : une liste noire, une liste gris foncé, une liste gris clair. Panama figurait en bonne place sur la liste « gris foncé ». Puis quelques mois après, plus rien ! « Les paradis fiscaux, c’est terminé » a même osé dire Sarkozy à la veille du G20 suivant, en 2009 ! Le même Sarkozy a signé et fait ratifier une convention fiscale avec le Panama en 2011 pour permettre à ce pays de sortir de la liste des « pays non-coopératifs ».

Hollande n’a pas fait mieux. En 2012, il promettait « d’interdire aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux ». Dans les faits, la loi bancaire de 2013 a seulement obligé les banques françaises à déclarer leur filiale pays par pays. Sans aucune interdiction et encore moins de sanctions. Il faut dire que cette loi a été préparée en partie par Jérôme Cahuzac, à l’époque où on ne savait encore rien de sa fraude fiscale ni de son compte… au Panama ! Et depuis, le gouvernement a traîné les pieds au maximum. Au point que le ministre des Finances Michel Sapin a annoncé ce mardi 5 avril, suite au scandale des Panama papers, que la France réinscrirait le Panama sur sa liste « noire » des paradis fiscaux. C’est que le Panama n’y était plus depuis Nicolas Sarkozy ! Et sous Hollande, le gouvernement avait seulement décidé de replacer le Panama sous surveillance il y a quelques mois à peine dans une ambiance souriante et complice dont « le canard enchainé » révèle une photo troublante.

Et comment oublier aussi qu’en décembre dernier, le gouvernement Valls s’est opposé au Parlement à ce que la loi oblige les entreprises multinationales françaises de déclarer publiquement leurs résultats pays par pays. Cela permettrait de mieux suivre les circuits d’évasion fiscale par le jeu des échanges entre filiales d’un même groupe y compris dans certaines destinations exotiques. Les réseaux sociaux ont fait tourner en boucle le récit de cet épisode. Puisque la mode est aux listes de noms, je rappelle donc celle des députés ayant voté la suppression de l’amendement sur le contrôle de l’évasion fiscale des entreprises : Majorité PS : Frédéric Barbier, Jean-Marie Beffara, Jean-Claude Buisine, Christophe Caresche, Pascal Deguilhem, Sébastien Denaja, Jean-Louis Dumont, Jean-Louis Gagnaire, Joëlle Huillier, Bernadette Laclais, Jean-Yves Le Bouillonnec, Viviane Le Dissez, Bruno Le Roux, Victorin Lurel, Frédérique Massat, Christine Pires Beaune, François Pupponi, Valérie Rabault, Pascal Terrasse, Jean-Jacques Urvoas. Opposition de droite LR et UDI : Gilles Carrez, Marie-Christine Dalloz, Véronique Louwagie, Frédéric Reiss, Charles de Courson.

L’évasion et la fraude fiscales sont au cœur du capitalisme financier. Les grandes banques sont notamment très gourmandes en filiales dans les paradis fiscaux. Tout le monde a retrouvé avec colère la Société Générale et ses 979 filiales dans différents pays concernés. J’y viens plus loin dans ce post. Au total, 365 groupes bancaires ont fait appel aux services du cabinet d’affaires Mossack Fonseca d’où sortent les listes de noms du « Panama papers » ! On retrouve tous les grands groupes bancaires ou presque : HSBC, UBS, Crédit Suisse, et évidemment la Deutsche Bank, toujours dans les mauvais coups. Avant le scandale des Panama papers, trois ONG françaises avaient révélé l’ampleur de la présence des grandes banques françaises dans les paradis fiscaux.

Cette étude a été publiée mi-mars par le Comité catholique contre la faim et pour le développement, Oxfam et le Secours catholique. Elle révélait que BNP, la Société générale, Banque populaire Caisse d’Épargne, le Crédit agricole et le Crédit Mutuel-CIC ont réalisé 5 milliards d’euros de bénéfices dans les pays à la fiscalité très arrangeante ! Les trois ONG écrivaient que « les activités des cinq grandes banques françaises dans leurs paradis fiscaux sont 60 % plus lucratives que dans le reste du mondeCes chiffres doivent nous conduire à nous interroger sur l’usage que font les banques de ces territoires et la nature des activités qu’elles y mènent ou y localisent : transfert artificiel de bénéfices et donc réduction de leurs propres impôts, facilitation de l’évasion fiscale de leurs clients ou encore activités spéculatives et risquées, en contournement de leurs obligations réglementaires… ».
Comment ne pas voir aussi comment la caste s’est saisie de ce système pour s’enrichir illégalement, organiser la corruption ou soustraire à l’impôt  ses lucratives activités ? Cahuzac, Balkany, Frédéric Chatillon, un très proche de Marine Le Pen, la Société Générale et combien d’autres structures et personnalités de ce type sont impliquées dans l’alimentation des paradis fiscaux ? Comme l’écrivent si justement Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dans le Monde du mercredi 6 avril, « l’évasion fiscale est un des instruments de domination de l’oligarchie ».

Ils pointent notamment la règle exceptionnelle des poursuites judiciaires pour fraude fiscale en France. Aujourd’hui, le ministre des Finances dispose d’un droit de veto sur les enquêtes. Lui seul peut demander que des poursuites judiciaires soient engagées dans des affaires de fraude fiscale. Ce monopole lui permet aussi d’organiser des cellules de « dégrisement » ou de « régularisation » : les fraudeurs évitent ainsi un procès et une sanction pénale s’ils s’acquittent des arriérés d’impôts. J’ai bien l’intention d’inscrire la fin de cette règle dans mon programme de l’élection présidentielle. Les déserteurs fiscaux doivent être des justiciables comme les autres. La justice doit pouvoir enquêter même contre l’avis du ministre ! François Hollande a promis « des enquêtes ». C’est bien la moindre des choses. Mais sans la révision de cette règle, ces enquêtes pourront être enterrées par ce gouvernement ou le suivant. Sans compter qu’on se demande comment ces enquêtes fiscales pourront être menées alors que plusieurs milliers de postes de fonctionnaires des impôts ou des douanes ont été supprimés sous Nicolas Sarkozy et François Hollande.



C’est vraiment une très bonne chose que cette affaire de « Panama papers » qui permet de bien faire comprendre à la masse du public que les grands amis des coupes dans le budget de l’État et ainsi de suite sont au service d’un système pourri jusqu’à la moelle. Que le ministre des Finances Sapin se congratulait il y a peu avec son homologue de Panama en racontant des histoires à dormir debout. 

Aucun des médias qui menaient alors l’enquête n’en dirent pourtant rien à l’époque. Comment ce silence s’explique-t-il ? Aucun des « fact-chekers », « Le Lab », « Le Scan » « Petit journal » et autres grands « enquêteurs-redresseurs de tort » spécialisés dans le dénigrement de toute parole politique n’ont jamais rien dit à ce sujet. Ni sur le sort d’aucun lanceur d’alerte sur des questions financières. Mieux vaut ne pas s’abandonner à je ne sais quelle absurde confiance au système médiatique.

Après Assange et Snowden, c’est la troisième fois que des « grands journaux » publient des informations qu’en réalité ils se contentent de trier avec un tamis politiquement correct. Ce qui conduit ensuite à étouffer par un coup public énorme le détail des connexions qu’il est impossible de voir après cela. Pourquoi la liste intégrale des fraudeurs n’est-elle pas publiée ? Qui sait quelle connexion le large public pourrait découvrir par ses propres investigations à l’heure d’internet !

En tous cas, on mesure la différence de traitement pour les héros de l’action. Comment oublier le sort des lanceurs d’alerte récents. Antoine Deltour paye d’un procès pour avoir dénoncer le « Luxleak ». Denis Robert, pour avoir dénoncé l’affaire Clearstream paya d’innombrables embuches. Le rapport des sénateurs communiste Eric Boquet et de l’indépendante Nathalie Goulet, qui avait récemment mis à plat ce système est tombé de même ! Tout ce silence glacé de ceux qui ne voulaient déjà pas croire leurs propres collègues de Médiapart à propos de Cahuzac, tout doit rester présent à nos esprits.

Et de même, les comédies de François Hollande ne doivent pas nous berner. Il faut dire que le compte au Panama de son ancien ministre des Finances Cahuzac fait tache. Hollande en rajoute donc. Il affirme ainsi vouloir « remercier » et « protéger les lanceurs d’alertes. C’est grâce à un lanceur d’alertes que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d’alertes font un travail utile pour la communauté internationale. Ils prennent des risques, ils doivent donc être protégés ». 

Hollande protecteur des lanceurs d’alerte ?  On éclate de rire au nez de ce mauvais comédien ! Que fait-il pour protéger ceux qui sont actuellement poursuivis ? Pourquoi a-t-il refusé d’accorder l’asile politique en France à Edward Snowden ou Julian Assange ? Qu’a-t-il à dire à tous les lanceurs d’alertes pourchassés et sanctionnés dont parle la journaliste Eloïse Lebourg dans sa série documentaire et dans le dernier épisode de mon émission « Pas vu à la télé » sur ma chaîne YouTube ? Mais surtout dans l’immédiat, que fait le gouvernement de Hollande et de Valls pour « protéger » Antoine Deltour, citoyen français, lanceur d’alerte à l’origine des révélations dites du « Luxleaks » ?

N’abaissons pas non plus la garde de l’esprit critique quand des chiffres circulent : 107 médias ont participé à un « an d’enquête » avec 378 journalistes dans 77 pays ! Bien sûr ce n’est pas vrai. La fuite est venue « toute seule ». Sa source reste secrète cela va de soi. En fait, ces « enquêteurs » n’ont fait que dépouiller des listings et trier les informations données par d’autres. Ce sera un bonheur d’apprendre qui et comment a coordonné 107 médias différents et 378 journalistes dont aucun n’a soufflé mot pendant « un an d’enquête ». Mais à quoi bon chipoter ! « Merci la presse » a dit Hollande ! Oh oui merci ! Et je lis même dans La Croix, qui d’habitude épargne à ses lecteurs les tours de joueur de bonneteau, un résumé du tableau de chasse : « 140 responsables politiques dont 12 chefs d’États et de gouvernement (6 en activité) » sont identifiés. Mais pourquoi La Croix n’accroche-t-elle pas à ce palmarès, par exemple, les noms de la profession et notamment ceux des patrons de presse ? Après tout, nous, en France, nous en avons un dans ce cas et non des moindres !

Et pendant qu’on y est, personne ne peut dire qu’un rédacteur en chef ne soit pas choisi par son patron, ce qui à coup sûr en fait un proche plus proche que d’autres moins proches mais si opportunément aptes à être cités comme des intimes, comme la femme de l’homme qui a vu l’ours que visait le chasseur qui portait une photo où l’on voit le président chinois Xi Jinping ! Ha ! Ha ! Et dire que ce dernier combat la corruption ! Ça montre que décidément il n’y a rien de bon à en attendre, comme dit la CIA !

Au contraire du président des États-Unis et de l’ancien président Sarkozy qui prétendaient mener une lutte implacable contre les paradis fiscaux en 2008 et ont effacé ensuite toute la liste noire de l’époque. Ces deux- là restent inscrits aux rangs des bienfaiteurs de l’humanité et même du prix Nobel pour l’américain ! Bref, monsieur Drahi, ce proche de Barbier (l’Express) de Joffrin (Libération) n’est-il pas pris la main dans le sac ? Ne vous étonnez pas que je fasse cette liste de noms de journalistes qui n’ont pas de compte à Panama, pas davantage, cela va de soi, qu’aucun autre au monde. J’applique leur méthode : des « proches de… » sont impliqués ici et là, ce qui vaut au proche une belle photo dans les journaux du monde entier.

Mais méfions-nous de l’éclat d’un effet d’annonce. Que finit-il par cacher ? Car quel peut bien être le sens d’un compte frauduleux de tel ou tel roi qui règne dans son pays comme un pur tyran dans le genre du roi d’Arabie saoudite. Vous pensez qu’il craint le fisc de son pays ? Alors ? Quel est le sens de son compte au Panama ? Il est pourtant évident : ces gens-là ne déposent pas d’argent pour eux mais pour corrompre ou payer d’autres personnes qui demandent à être payées par ce canal. La bonne question alors c’est de savoir vers qui ressort cet argent. Elle n’est pas posée. Elle ne pourra pas l’être car la liste intégrale ne sera pas publiée. Et Le Monde dit pourquoi : n’ont été relevé que les « power players » (en anglais dans le journal s’il vous plaît). C’est-à-dire ceux qui « font de la politique ». Un choix très orienté. Le résultat est du coup tout à fait incomplet. Car l’info mise en circulation ne vise pas, par exemple, ceux qui négocient des grands marchés privés (il n’y a aucune corruption dans les marchés entre grandes entreprises ?). Ou dans un autre genre : ceux qui font des articles de presse. Par exemple ceux qui défendent contre toute raison une banque. Et ainsi de suite…

Voilà pourquoi la publication de la liste intégrale est nécessaire si tout cela doit être autre chose qu’un bon coup médiatique réservé à quelques journaux qui jettent en même temps la lumière et l’ombre sur la scène.


Certains journalistes et leurs bienfaiteurs/informateurs comptent bien tirer profit du scandale de Panama en choisissant leurs personnages mis sur le devant de la scène tandis qu’ils rangent soigneusement en retrait les autres. Nous devons en faire autant. Il faut en tirer tout le jus possible. Car c’est une formidable contribution à nos démonstrations politiques, cela va de soi. En particulier pour montrer une nouvelle fois le rôle désastreux des traités européens qui légalisent la possibilité de frauder. Car les comptes offshore ne sont pas seulement des « erreurs », ou des « abus ». C’est bien un système global qui est en cause. Celui de la libre-circulation des capitaux ! Elle est imposée et protégée par les traités européens : l’argent circule librement et rien ne doit l’en empêcher ! L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne le dit clairement : « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ».

Dans cette affaire, le plus important est le discrédit moral que cette situation génère contre le système et la puissance de la finance, le poids et le rôle de l’oligarchie, la complicité totale des gouvernements libéraux et sociaux-libéraux. Cette situation place sous une lumière crue les encouragements au vol et à la fraude que donne l’Union Européenne en élisant pour diriger sa commission un personnage comme Jean-Claude Junker. Cet ancien Premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg pendant 18 ans a personnellement organisé un trafic fiscal de longue durée qui spoliait tous ses voisins et partenaires de l’Union. Pourquoi reste-il en poste quand les Islandais ont chassé leur Premier ministre en quatre jours après la découverte de sa participation aux fraudes ? Pourquoi cet épais silence des hystéro-européistes sur le « Luxleaks » au moment où éclate ce nouveau scandale mais où celui qui l’a révélé est inculpé, menacé de prison et d’une énorme amende ?

Antoine Deltour sera jugé le 26 avril prochain au Luxembourg. Il est accusé de violation du secret professionnel et du secret des affaires. Son crime ? Avoir révélé des preuves d’un système méthodique d’organisation de l’évasion fiscale des multinationales vers le Luxembourg sous le gouvernement de Jean-Claude Juncker. Antoine Deltour est un ancien membre d’un cabinet de conseil. C’est lui qui a sorti les informations sur ce système très organisé entre le gouvernement du Luxembourg et 340 entreprises multinationales. Il a dévoilé 28 000 pages de 548 accords entre le Luxembourg et ces firmes ! Ces accords ont permis aux plus grosses firmes transnationales comme Apple, Amazon ou Disney, et plusieurs banques, de réduire considérablement leurs impôts en organisant la remontée de leurs bénéfices vers le Luxembourg et en « encadrant » les impôts payés dans ce pays. L’administration fiscale du Luxembourg délivrait, et délivre toujours, un « rescrit fiscal » à l’entreprise, c’est-à-dire un document fixant les règles fiscales applicables et protégeant de tout redressement en cas d’erreur. L’évasion fiscale ainsi organisée se chiffre en centaines de milliards d’euros !

Antoine Deltour est français. Il risque plusieurs années de prison, et plus d’un million d’euros d’amende. C’est notamment lui qui a fourni ces éléments à l’émission Cash Investigation de France2. Que fait le gouvernement pour lui venir en aide ? Ne devrait-il pas tout faire pour récupérer cet otage d’une législation organisant la fraude ? Un site internet de soutien a été ouvert. Une pétition de soutien a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures. De très nombreuses personnalités soutiennent Antoine Deltour. Je le soutiens également sans réserve. Son acte était un acte citoyen, défendant l’intérêt général. Qu’il soit poursuivi alors que l’instigateur de cette évasion fiscale dirige la Commission européenne est un symbole terrifiant du fonctionnement de l’Union européenne. Bien sûr, aucune entreprise bénéficiaire n’est poursuivie puisque ce système était et qu’il est toujours légal dans l’Union Européenne.



En fait, avec les « Panama papers », les questions se bousculent. C’est un bienfait pour notre cause que ce coup global porté à la crédibilité du système qui permet, facilite et encourage ce genre de trafics. Vienne le temps de la justice et des châtiments. Ils sont à notre portée. Par exemple, cette affaire ramène la banque « Société Générale » dans les filets de la curiosité publique. Cette banque  a créé près d’un millier d’entreprises bidons à Panama pour aider les fraudeurs à voler l’État. La Banque est dans le top cinq des banques les plus présentes dans ce genre de voltige malhonnête. Va-t-elle encore dire qu’elle ne savait pas comme dans l’affaire Kerviel ? Va-t-elle trouver un nouveau bouc émissaire du type de Kerviel pour lui faire porter le chapeau de ses turpitudes ? Il va de soi que la présomption de mensonge doit jouer contre elle et que ses comptes doivent être épluchés de fond en comble. Pour ma part, je crois qu’il faut mettre sous tutelle cette banque vu l’ampleur de la fraude.

Et cela aussi compte tenu du risque qu’elle fait courir au système financier tout entier par ses sauts périlleux et combines. Car la Société Générale fait partie des dix banques « systémiques » du monde. C’est-à-dire que leur chute affecterait tout le système mondial. Cela lui sert à  faire peur, à écarter les curieux et encourager les aveugles volontaires. Mais cela ne peut être un prétexte à impunité permanente.  De toute façon, on peut se demander aussi d’une autre façon aujourd’hui pourquoi aucune enquête indépendante n’a été menée pour vérifier si la perte dont elle se prétend victime avec Kerviel est réelle ou pas. Car l’État sur ce dossier a versé 2,9 milliards de dédommagement à cette Banque qui, pendant ce temps, volait l’État bienfaiteur qui l’arrosait. On ne peut en rester à une simple « convocation » à Bercy.

D’ailleurs, Bercy, selon Le Canard enchainé savait ce que faisait la Société Générale à Panama. Comment se fait-il que rien ne s’en soit suivi ? Sont-ce les mêmes personnes à Bercy qui savaient cela et celles qui n’ont demandé aucune preuve du vol avant de dédommager la banque en lui versant immédiatement avec 2,9 milliards d’euros du trésor public ? En tous cas, il est prouvé dorénavant que les dirigeants de cette banque mentent sur des sujets cruciaux. Ils mentent y compris sous serment devant une commission d’enquête parlementaire comme ce fut le cas quand le PDG de la banque a déclaré que non seulement il n’avait pas de comptes offshore dans les paradis fiscaux mais qu’il avait cessé ses activités dans les pays suspects de travailler avec eux.

Décidément, ces « Panama papers » sont une corne d’abondance pour les questions gênantes.


Quand j’ai demandé que l’on publie la liste intégrale des fraudeurs, où sont passés les éternels justiciers médiatiques de la 25ème heure ? Trop peur d’y retrouver leurs patrons ou des entremetteurs embarrassants ? Bref, leur premier souci a plutôt été de voir comment salir et jeter du venin contre ceux qui ont dénoncé tout ce système de longue main. Car si les engagements permanents de nombreuses personnes contre ce système caractéristique du capitalisme financiarisé risquaient d’être confirmés, la cécité volontaire des autres pourrait trop se voir. Et peut-être même que des gens comme moi pourraient y gagner du respect. Les chiens de garde veillent donc. J’ai donc dû subir avec surprise ma part de boue encore sur ce sujet.

Pour le Figaro comme pour les deux précédentes officines, « l’angle » à mon sujet c’est que je « minimise » les découvertes ( ?) de « l’enquête des journalistes ». Et pourquoi ? Parce que comme une demi-douzaine de responsables politiques, dont plusieurs députés de droite d’ailleurs, je m’étonnais qu’il n’y ait dans cette liste mondiale aucun Nord-Américain ni aucun responsable politique de pays politiquement corrects. Nous étions assez nombreux à le remarquer pour que le journaliste du Monde Maxime Vaudano ait dû s’en expliquer et révéler sur « Canal plus » qu’en fait « il y a beaucoup d’Américains » dans les « Panama Papers ». Ce n’est pourtant pas ce que disait la une de son journal annonçant l’affaire. Mais le journaliste précise que ce sont « beaucoup d’anonymes ». Ah bon ? En est-il si sûr ? Est-il sûr que ce ne sont pas des amis d’enfance de puissants oligarques américains ? N’ont-ils pas été invités une fois par je ne sais quel dictateur fasciste latino soutenu par les États-Unis ? Ne sont-ils pas les généreux donateurs de quelques campagnes pour les primaires en cours aux USA? J’ai le pressentiment que ce silence n’est pas neutre et que ces anonymes ne le sont pas pour tout le monde.

En tous cas, « Le Monde » a répondu à la question que nous posions. Le quotidien prouve ainsi qu’elle se posait bien. Mais j’aurais pu étendre mon interrogation au Moyen-Orient où la liste des fraudeurs est politiquement conforme à ce que la morale et les journaux « occidentaux » préfèrent. Par exemple, il n’y a aucun fraudeur iranien, bien sûr, puisque ce pays est redevenu une dictature théocratique recommandable depuis peu et que même nos hôtesses de l’air sont priées de se mettre en conformité avec les lois humiliantes pour elles de ce pays. Et ainsi de suite.

Reste que tout cela m’a  quand même valu un seau d’eau sale de façon totalement artificielle de la part du « Figaro », le beau journal de l’un des neufs milliardaires qui possèdent 90 % des médias français. C’est un papier titré « Les politiques français pro-Kremlin critiquent l’enquête “Panama Papers” », photo de Le Pen et de moi à l’appui, évidemment, car une infamie n’arrive jamais seule. Waouh ! Ce n’est pas beau cette nouvelle catégorie : « les pro-Kremlin » ? Donc les « journalistes pro-CIA du Figaro » trouvent tout cela normal. Ils ont raison. Et j’ai tort. Je devrais faire attention à mes intuitions.

En effet, pourquoi un nord-américain, un luxembourgeois ou un Suisse ou l’un quelconque des voyous de certains pays bien connus, absents de cette liste au bout d’« un an d’enquête de 107 journalistes », iraient-ils chercher à Panama ce qu’ils ont à domicile ? Évident ! Un mauvais point pour moi : je ne suis pas aussi malin que j’en ai l’air. Pour autant, en quoi cela fait-il de moi un « pro-russe » à propos de cette liste ? Pourquoi pas plutôt un pro-marocain (compte tenu de mon lieu de naissance), un pro-chinois (compte tenu de ma sympathie de longue date pour ce peuple), un pro-islandais (n’ai-je pas soutenu la révolution citoyenne dans ce pays ?) ou un pro-brésilien (compte tenu de mes liens autrefois avec Lula).

Suis-je naïf ! Le Russe : voilà l’ennemi pour les amis de nos amis américains… Palme d’or à l’AFP (je me demande ce qui se passe dans cette chefferie de rédaction qui a déjà fabriqué de toute pièce une fausse position de moi sur le terrorisme). La dépêche fait un bon résumé de mon communiqué sur «le Panama papers ». Puis tout d’un coup elle dérape, comme si une autre main avait rajouté quelque chose, juste au début d’une phrase: « Alors que Vladimir Poutine est notamment mis en cause( !), le député européen a estimé qu' »une vérité en cache souvent une autre dans le monde actuel« ». Et pour les blaireaux de collègues qui n’auraient pas bien compris de quel côté amener l’angle en ce qui me concerne voici comment la Russie est ramenée dans le centre du collimateur: « L’opération « Panama papers », l’enquête d’un consortium d’investigation révélant un vaste scandale d’évasion fiscale impliquant de hauts responsables politiques, des sportifs ou des milliardaires, a suscité lundi une onde de choc mondiale et une très vive réaction de la Russie ». Ici le thème de ma mise en cause fonctionne comme un lapsus pour ceux qui s’y livrent. On voit les fils de l’utilisateur final tirer sur la plume de la marionnette.

L’utilisation de cette affaire pour régler des comptes, fabriquer des « groupes d’infamie » tout en protégeant les amis n’est pas réservé à ma modeste personne. Car pourquoi Le Monde ne met-il pas à sa une le roi d’Arabie Saoudite ou l’ancien émir du Qatar aux côtés de Poutine, Assad, le président algérien, le roi du Maroc et le Premier ministre islandais ? Eux aussi sont pourtant concernés, non ? La critique des « alliés » et acheteurs d’Arabie et du Qatar n’est pas opportune ? Pourtant, ne font-ils pas eux aussi la guerre en Syrie comme Bachar El Assad ou Vladimir Poutine ? Mais alors, il faudrait reconnaître que ceux qui se battent là-bas planqueraient leur argent au même endroit ? Comment est-ce possible ? Ainsi donc les « gentils » seraient donc parfois  des « méchants », et vice-versa ? Qu’en pense Plantu d’habitude si prompt à repeindre tout musulman en terroriste ? Va-t-il dessiner un arabe allant au Panama pour insulter tout le monde ? Qui sait, les dix mille euros qu’il a touché du Qatar en guise de « prix pour la liberté de la presse » a peut-être transité un jour ou l’autre par un compte au Panama. Qui sait.

Il y a un autre absent de marque à la une du Monde sur « l’argent des chefs d’État » : le nouveau président argentin en exercice Mauricio Macri ! Le Monde s’intéresse pourtant d’ordinaire de très près aux soupçons de scandale financier en Amérique Latine non ? Et l’ex « guérillero » urbain repenti, désormais chef de rubrique au Monde, Paolo Paranagua, n’a-t-il pas dénoncé sans trêve la prétendue corruption de l’équipe de gauche précédente à Buenos Aires? N’a-t-il pas publié récemment plusieurs articles contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff ? Mais dans ce cas, on sent un fléchissement dans l’intransigeance ! C’est sans doute pourquoi Le Monde n’évoque qu’au détour d’une liste, et sans donner son nom, le compte bancaire panaméen du nouveau président argentin de droite ! Y aurait-il deux poids, deux mesures dans le traitement médiatique des affaires financières en Amérique du Sud ? Non ! Il y a la confirmation d’un engagement ferme aligné au millimètre du côté de la droite la plus réactionnaire, putschiste et corrompue. Lien nauséabond qui s’établit par les médias avec lesquels toute la presse européenne « de référence » coopère directement quand elle ne recopie pas purement et simplement sa propagande. Bref, le « Panama Papers » est aussi une continuation de la bataille politique par d’autres moyens.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire