mercredi 6 avril 2016

La semaine de la résurrection sociale, par Jean-Luc Mélenchon


Quelle semaine ! Après la jubilatoire défaite calamiteuse de Hollande et de Valls sur la déchéance de la nationalité, le mouvement social du 31 mars contre la loi El Khomri a connu un élargissement considérable de ses forces. La même semaine, les grands patrons de Renault et PSA montraient le visage caricatural du grand patronat qui résume notre époque et le gouvernement se chargeait au vu de tous de le protéger par des écrans de fumées verbales. Des milliers de jeunes entrent dans l’action et la conscience politique par la porte du social et de la défense du code du travail, recrachant les messages venimeux que l’état d’urgence avait cru réussir à distiller dans les esprits.


Pour eux, c’est une extraordinaire école de formation que les matraquages, gazages et tabassages complètent admirablement pour bien comprendre qui est qui dans ce pays ! De nombreux rendez-vous d’étape sont encore prévus. La discussion de cette loi va donc être un long calvaire pour ce gouvernement et une formidable école contre le prétendu « vote utile » de 2017. A la fin, Hollande et Valls vont retirer la loi et, à l’élection de 2017, on en finira avec la honte qu’ils incarnent.

Comme un sondage sur un échantillon de 20 000 personnes me situe à trois petits points derrière Hollande, pour l’instant, et en voyant Bernie Senders gagner mètre par mètre son terrain sur Hilary Clinton, et comme c’est le printemps qui commence, je me prends à croire que le vieux monde pourrait être vaincu là-bas et ici.

François Hollande renonce à réviser la Constitution pour y inscrire l’état d’urgence et la déchéance de nationalité des citoyens français. Certes, nous avons été sauvés par un imbroglio farcesque entre la droite et les génies de la stratégie qui entourent le président. Cela valait bien la peine de déchirer le pays pendant quatre mois et demi avec cette histoire de déchéance de nationalité. Quatre mois et demi de propagande officielle au plus haut niveau de l’État pour l’une des principales idées de l’extrême-droite ! Quels dégâts dans l’esprit public que de jeter ainsi la suspicion sur une partie de la population ! Quelle offense aux principes républicains que d’avoir voulu instaurer une inégalité entre Français !

Certes, des milliers de gens de tous âges ont eu une occasion incroyable de réfléchir et de se former à l’idée républicaine de la nationalité. Ils ont appris à mépriser Hollande et Valls pour des raisons de fond, sérieuses, identitaires et c’est une excellente formation. Mais quand même ! Quatre mois et demi de perdus en polémiques nauséeuses et stériles. Comme ce temps aurait été mieux utilisé à débattre sereinement et tranquillement des moyens réellement efficaces de lutte contre les terroristes ! Une fois encore, les calculs politiciens et la course à la surenchère communicationnelle auront joué contre la sécurité des Français et l’intérêt général. La débâcle de François Hollande s’achève dans le chaos. Jean-Christophe Cambadélis y ajoute le spectacle affligeant d’un mauvais théâtre de boulevard en présentant des « excuses » aux Français. Avant que Valls ne s’en prenne à la droite et aux opposants de gauche ! Pitoyable ! Vont-ils désormais proposer à Christiane Taubira de revenir au gouvernement ? Quelle pantalonnade !

Je partage le soulagement de très nombreux Français. Bien sûr, de tous ceux qui souffraient de voir ainsi mise en cause leur appartenance pleine et entière à la nation, Mais aussi de tous ceux qui, bien que n’ayant pas d’autre nationalité, sont attachés au principe républicain d’égalité de tous les citoyens. Entre 3 et 5 millions de Français ont une deuxième nationalité. Sans compter ceux qui ont une autre nationalité sans le savoir car elle leur a été attribuée d’office par un autre pays en vertu de la loi du sang. Près d’un Français sur quatre a au moins un grand-parent immigré. François Hollande ouvrait la boîte de pandore. Jusqu’à combien de générations pensait-il remonter pour savoir si les binationaux étaient encore de présumés « étranger de souche » ou s’ils étaient enfin considérés comme des Français à part entière ? Bref mes arrière-petits-enfants futurs remercient monsieur Hollande d’avoir renoncer à les discriminer. Un tel fiasco est à mes yeux le début de la fin calamiteuse à laquelle ce quinquennat est voué, dans la honte et l’échec total. En ce sens, il commence à remballer ses affaires avant la sortie.


L’amateurisme juridique de François Hollande répand le chaos. Car, en renonçant à la réforme constitutionnelle, le président a également renoncé à inscrire dans la Constitution le régime de l’état d’urgence. Pagaille en vue. Pourquoi ? Parce que le gouvernement craint l’invalidation de certaines procédures engagées sous l’état d’urgence depuis novembre dernier.

Le gouvernement a en effet fait voter en novembre un élargissement des mesures possibles dans le cas de l’état d’urgence. Mais à l’époque, Manuel Valls avait demandé, et obtenu des parlementaires PS et de droite, de ne pas saisir le Conseil Constitutionnel sur ces modifications. Le 20 novembre dernier, devant l’Assemblée, il avait explicitement déclaré : « Je suis extrêmement dubitatif sur l’idée de saisir le Conseil constitutionnel. Je souhaite que nous allions vite sur la mise en œuvre des dispositifs […] que vous allez voter, mais il y a toujours un risque à saisir le Conseil constitutionnel. […] Il y a y compris des mesures qui ont été votées qui ont une fragilité constitutionnelle ». Propos inouï que ceux du Premier ministre d’un président qui craint le risque de vérifier la constitutionnalité de ce qu’il entreprend ! En attendant, le but de la révision constitutionnelle voulue par François Hollande était ainsi de sécuriser a posteriori la loi d’état d’urgence.

Depuis novembre, le Conseil constitutionnel a été saisi par un autre biais de ces mesures. Il a validé l’essentiel des dispositions, notamment concernant les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Mais pas toutes. Il a ainsi censuré le mois dernier le droit pour les forces de police de saisir et « de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition » sans autorisation préalable d’un juge. Le Conseil constitutionnel a estimé que la loi ne prévoyait pas de « garanties légales » suffisantes pour assurer un équilibre entre l’objectif de « sauvegarde de l’ordre public » et le « droit au respect de la vie privée ». La décision ne valait que pour l’affaire en question. Mais la même décision sera sans doute rendue dans les autres cas. L’abandon de la révision constitutionnelle ne permettra pas de sécuriser ces dispositions.

D’autres procédures pourraient donc être annulées. Voici le résultat de l’amateurisme de François Hollande ! La démonstration est faite que l’état d’urgence n’est pas l’arme la plus efficace pour enquêter et démanteler d’éventuels réseaux terroristes. Mais les lubies de Hollande et Valls en auront fait un moyen de déstabiliser les procédures contre les personnes suspectées de terrorisme aux termes de confiscation de matériel informatique sans décision d’un juge ! Seule la présence d’un juge d’instruction garantit à la fois la protection des libertés fondamentales et la conduite d’une enquête efficace et légale. C’est moins médiatique qu’une révision constitutionnelle bricolée en 48 heures après des attentats. Mais c’est plus à la hauteur de la gravité des circonstances et de l’intérêt du pays.

L’orgie salariale repart de plus belle chez les grands patrons ! Elle n’a jamais cessé. Mais elle est de plus en plus décomplexée.

Après Renault, voilà Peugeot ! J’ai déjà dénoncé sur ce blog le salaire exorbitant du PDG de Renault-Nissan : 15 millions d’euros l’an dernier dont 7,2 millions d’euros au titre de Renault. Depuis, on a appris que le même pillage est à l’œuvre chez PSA Peugeot-Citroën. Le PDG de PSA, Carlos Tavares, a empoché plus de 5,2 millions d’euros l’an dernier, deux fois plus que l’année précédente ! Ces sommes dépassent l’entendement. Rendez-vous compte. Carlos Ghosn a gagné en une année à la tête de Renault autant qu’un salarié au SMIC gagnerait en 530 ans ! Carlos Tavares a gagné autant à la tête de PSA autant qu’un salarié au SMIC gagnerait en 380 ans !

Le journal L’Humanité a publié sur son site internet quelques comparaisons très parlantes. Elles portent sur les salaires de patrons des 120 plus grandes entreprises françaises. Cela représente un total de 300 millions d’euros par an pour 120 personnes, soit une moyenne de 2,5 millions d’euros par an. Pour ne citer qu’une comparaison, ces 300 millions d’euros par an représentent le budget total annuel du Secours Populaire. Le Secours populaire vient en aide chaque année à près de 3 millions de personnes. 120 patrons surpayés d’un côté, 3 millions de pauvres de l’autre. Et si on partageait les richesses ?

D’ailleurs, quel travail font donc ces gens pour gagner autant d’argent ? Ont-ils découvert le vaccin qui guérira du SIDA ? Ont-ils mis au point le vaisseau spatial capable d’emmener l’homme sur Mars ? Ont-ils trouvé comment produire une électricité abondante sans nucléaire ni énergies fossiles ? Ont-ils composé la plus mélodieuse musique jamais écrite au monde ? Qu’ont-ils apporté à l’humanité pour mériter pareil salaire ? Non. Rien de tout cela ! Ils ont seulement supprimé 12 000 emplois pour dégager du « cash » pour leurs actionnaires. Ceux qui s’emploient aux tâches plus nobles que j’ai citées ne rêvent d’ailleurs pas de sommes aussi astronomiques comme salaire pour leur talent ou leur génie.

Seuls les médiocres rêvent d’argent. Ainsi, Pierre Gattaz trouve ces salaires tout à fait normaux pour une telle besogne ! Mardi 29 mars sur France Info, le président du MEDEF a défendu le salaire à 5 millions d’euros du PDG de PSA et son doublement depuis l’an dernier ! Sans aucune honte. Pour lui, il s’agit seulement de « récompenser la réussite » ! Mais quelle réussite ? Celle d’avoir supprimé des milliers d’emplois ? D’avoir exploité davantage les salariés ? Et Gattaz, à propos, quel est son salaire ? En 2014, il l’avait augmenté de 30% quand ses salariés étaient seulement augmenté de 3%, dix fois moins. A l’époque, Pierre Gattaz avait empoché 420 000 euros sur l’année. Mais quelle est sa réussite ? Quelle peine s’est-il donné à part le fait de naître ? Il a trouvé dans son berceau l’entreprise Radiall transmise par son père ! Ce n’est pas un entrepreneur, c’est un banal rentier, un fils à papa tout juste bon à pleurnicher contre un SMIC qu’il juge trop élevé et à défendre ses amis oligarques ! Qu’un salaire, quel qu’il soit, soit décrit comme une « récompense » en dit long sur ces gens qui ont perdu tout rapport avec la vie ordinaire ou le salaire est  le moyen de vivre et parfois même de survivre et non un appoint  donné « en récompense ».


Quelle complaisance de François Hollande et de ses ministres pour les salaires monstrueux des PDG ! Aujourd’hui, c’est le conseil d’administration des entreprises, c’est-à-dire les représentants choisis par les actionnaires, qui décident des rémunérations des dirigeants. À Renault comme à PSA, l’État est un de ses actionnaires, parmi les plus influents. Mais les ministres du gouvernement Hollande se cachent derrière leur petit doigt en expliquant que les représentants de l’État dans les conseils d’administration de Renault et PSA ont voté contre ces rémunérations mais qu’ils n’y peuvent rien car l’État n’est pas majoritaire au capital de ces entreprises.

Il ne leur reste donc que les postures morales d’ailleurs bien timides. Le ministre des Finances Michel Sapin se contente de dire que la hausse du salaire de Carlos Tavares est « dommageable ». Mais il n’a rien à dire sur l’usage des fonds du crédit d’impôt compétitivité pour augmenter les rémunérations des dirigeants ? Et le ministre de l’Économie Emmanuel Macron botte en touche : « nous ne pouvons pas l’empêcher, c’est normal parce que nous n’avons pas la majorité du capital, mais d’un point de vue politique et éthique, je considère que cette rémunération est trop élevée. Je pense que Carlos Tavares a tort de faire abstraction de la sensibilité des Français sur ce sujet ». Ça sonne si faux de la part de celui qui voudrait que les jeunes Français aient comme rêve dans la vie de devenir milliardaires.

Derrière les postures morales et médiatiques, Macron est d’accord avec la logique de ces salaires vertigineux. Il l’a dit sur RTL : « je vous dis qu’étant en charge de la politique industrielle et de l’État actionnaire, je veux avoir les meilleurs talents à la tête de l’industrie française, et cela passe aussi par là ». Raison pour laquelle le gouvernement et François Hollande n’entendent absolument pas agir pour empêcher ces rémunérations indécentes. Macron lui-même salue Carlos Tavares : « c’est un bon manageur, en train de réussir la transition de l’entreprise ». Et il écarte toute idée de légiférer contre ses rémunération, renvoyant la question à la seule morale personnelle : « au final, je pense que la responsabilité et l’éthique ne se règlent pas par la loi, mais par l’exemple que l’on donne ». Prêchi prêcha !

Ça suffit ! Je propose d’en finir avec ces « récompenses » indécentes ! Pour cela, je propose d’agir et pas seulement d’attendre une auto-limitation et autres codes éthiques bien connus ! Comment ? En fixant par la loi un salaire maximum. C’est-à-dire un écart maximum entre le salaire le plus bas et le salaire le plus élevé dans une entreprise. J’ai proposé de fixer cet écart maximum à vingt fois le salaire le plus bas. Cette mesure a été appliquée en Équateur par le président Correa. Je mentionne qu’en France, dans l’économie sociale et solidaire, un tel principe existe déjà et qu’il n’autorise qu’un écart de un à sept. Mais notez l’arrogance de la caste qui accable ceux qui réclament une hausse du SMIC et défend les siens. Pour les puissants, le salaire des petits est toujours trop élevé. Mais ils ne trouvent rien à redire aux salaires de leurs amis grands patrons.

Je propose donc les prendre à leur propre jeu et de leur retourner l’argument. Avec ma proposition de salaire maximum, si Carlos Ghosn veut gagner 7,2 millions d’euros au titre de sa fonction de PDG de Renault, il le pourra. Mais à une condition : augmenter les salariés de Renault de sorte à ce que le moins bien payé gagne 360 000 euros par an soit 30 000 euros par mois ! Si Carlos Tavares veut gagner 5,2 millions d’euros par an, le conseil d’administration pourra en décider ainsi. A condition que le salarié le moins payé de PSA soit payé 260 000 euros par an soit 21 000 euros par mois ! Chiche ? Sinon rendez-vous en 2017.

Après les dénonciations prononcées par de nombreuses associations féministes, je veux à mon tour contribuer à l’information de qui me lit : les femmes seront les premières victimes de la loi El Khomri. C’est ce qu’ont dénoncé coup sur coup de nombreuses militantes féministes dans une tribune et c’est l’avis officiel sur le projet de loi du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle rattaché au ministère du Droit des femmes ! Ce n’est pas surprenant. Tout ce qui renforce la précarité précarise encore plus les salariés les plus précaires, c’est-à-dire les femmes.

Car 82% des salariés à temps partiel sont des femmes ! Or, deux mesures vont frapper durement les salariés à temps partiel. Les salariés à temps partiel rêvent de temps plein ou d’heures supplémentaires pour améliorer leur situation. Or, comme pour les heures supplémentaires des salariés à temps plein, le projet de loi prévoit une baisse de la majoration des heures complémentaires, c’est-à-dire les heures supplémentaires des salariés à temps partiel. La conséquence du projet de loi est donc pire pour ces salariés. Car il ramène la majoration des heures complémentaires de 25% à 10% ! Cela se traduira très vite en baisse sur les feuilles de paye de nombreuses femmes embauchées à temps partiel et qui ont un quota d’heures complémentaires.

Une autre mesure va rendre encore plus compliquée la vie des salariés à temps partiel et notamment des femmes. Je veux parler de la réduction incroyable du délai que doit respecter un employeur pour changer les horaires d’un salarié à temps partiel. On appelle cela le « délai de prévenance ». Changer les horaires de quelqu’un ce n’est pas un petit changement dans l’organisation de sa vie pratique ! Aujourd’hui, ce délai est de 7 jours. En théorie, votre employeur doit vous prévenir une semaine à l’avance que vous commencerez plus tôt ou finirez plus tard un jour prochain. Je dis en théorie car cette règle n’est déjà pas appliquée correctement partout. Mais demain, ce sera pire ! Vous pourrez n’être prévenu que trois jours à l’avance ! Cette mesure est typiquement une mesure anti-femmes.

D’abord parce que l’essentiel des salariés concernés sont des femmes comme je l’ai dit. Mais aussi parce que ce sont les femmes qui seront le plus mises en difficulté par ces changements d’horaire de dernière minute. Pourquoi ? Parce que ce sont les femmes qui assurent aujourd’hui encore l’essentiel des tâches ménagères et s’occupent notamment des enfants. Or, quand les horaires de travail changent, les horaires de la crèche, de la garderie ou de l’école, eux ne changent pas ! Souvent, commencer le travail une demi-heure plus tôt ou finir une demi-heure plus tard est un casse-tête logistique. Sans parler de l’angoisse d’un parent qui se demande si ses enfants sont bien rentrés de l’école.

Il en va ainsi pour toutes les mesures de flexibilisation du temps de travail. Qu’il s’agisse de la tri-annualisation du temps de travail sur trois ans qui deviendra possible en cas d’accord de branche. Cette hausse de la flexibilité horaire frappera d’abord les femmes qui assument la majorité des charges de famille et tâches ménagères. Ou encore du recours facilité au décompte du temps de travail au forfait-jour plutôt qu’en heures dans les PME même s’il sera un peu plus encadré que dans la première version du projet de loi.  Déjà dans mon intervention au Sénat contre le principe du temps de travail au forfait-jour en 1999, j’avais pointé le risque aggravé que constitue ce système pour les femmes.

« Un déséquilibre apparaît dans ce texte en défaveur des salarié(e)s et singulièrement des femmes ». C’est ce que dit le très officiel Conseil supérieur de l’égalité professionnelle rattaché au ministère du Droit des femmes dans son avis sur le projet de loi El Khomri. Il complète : « même si ces mesures ne visent pas explicitement une dégradation de la situation des femmes, elles auront un impact négatif sur elles. Il s’agit bien d’un risque de discrimination indirecte. » Et il pointe plusieurs autres mesures encore plus défavorables pour les femmes en particulier qu’elles ne le sont déjà pour tous les salariés en général.

Le projet de loi fait ainsi peser un « risque de licenciement plus grand pour les femmes » écrit ce Conseil. Pourquoi ? Parce que l’extension des accords de compétitivité va permettre de licencier encore plus facilement un salarié qui refuse la modification de son salaire ou de ses horaires de travail. Or, écrit le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, « ces mesures sont particulièrement défavorables aux femmes, pour qui cela peut signifier d’être obligée de renoncer à son emploi. Car du fait d’autres charges qu’elles assument, elles ont beaucoup moins de possibilités d’adaptation » de leur horaire ou temps de travail. Elles subiront donc une double peine, professionnelle et sociale, comme leurs collègues masculins, mais aussi personnelle.

Et les artifices du gouvernement ne masqueront pas cette réalité. Le gouvernement veut faire croire que tous ces reculs n’en seront pas vraiment car la plupart sont conditionnés à des accords de branche ou d’entreprise. C’est déjà abandonner les salariés à un rapport de force moins favorable qu’au niveau national. Et faire primer le chantage patronal sur une loi protectrice et égale pour tous. Mais c’est un argument particulièrement malhonnête concernant les risques encourus par les femmes. Pourquoi ? Parce que les femmes « sont plus nombreuses dans les secteurs les moins couverts syndicalement » et donc où le rapport de force sera moins favorable écrit le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Ainsi, le renforcement et la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche ou sur la loi nuiront encore plus aux femmes qu’aux salariés en général, pourtant déjà bien menacés.


Depuis des semaines, maints hauts dirigeants du PCF s’adressent à moi ou parlent de moi dans des termes que je ne crois pas productifs pour la suite des évènements. Ils insistent notamment sur le fait que j’aurais décidé de proposer ma candidature sans en avoir averti qui que ce soit. De ce fait, je serais un « candidat de droit divin » (André Chassaigne, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale) et qu’avec Jean Lassalle je devrais « aller à Lourdes » puisque nous « entendons des voix » (Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF). Je ne cite rien de Pierre Laurent par respect pour les communistes que son statut lui fait représenter. Je voudrais d’abord donner quelques informations de nature à faire connaitre l’histoire véritable.

En dépit du « solo » rabâché sur tous les tons, TOUS les dirigeants savaient ce que je comptais faire. En effet, je l’ai exposé personnellement et directement à chaque leader : Pierre Laurent, Clémentine Autain, Liêm Hoang-Ngoc en décembre, Christian Pierrel en janvier. Les deux premiers m’ont expliqué sans détour qu’ils étaient partisans d’une primaire bien avant que celle-ci soit proposée par Libération et Cohn-Bendit. D’ailleurs, un dirigeant national du PCF siégeait au comité d’organisation préfiguré par Caroline De Haas. J’ai dit à chacun pourquoi j’étais hostile à cette orientation et rappelé l’analyse de mon livre écrit en 2007. De leur côté, les dirigeants du PG n’ont cessé de dire leur analyse identique sur le sujet à chaque occasion où il est venu en discussion.

Tout le monde savait donc tout sur la position de chacun à ce sujet. Tout le monde, sans exception. Sauf la date. Et pour cause. Car lorsque la primaire Libération/Cohn-Bendit a été proposée, le PCF a donné son accord sans discussion d’aucune sorte avec ses partenaires. J’ai refusé, comme annoncé, cette sommation d’entrer dans le piège des primaires. J’en ai tiré la conclusion qui s’imposait d’autant plus tranquillement que le porte-parole du PCF avait déclaré le Front de Gauche « cliniquement mort ». Et je suis passé à l’action. Aussitôt, le soir même de ma déclaration sur TF1, et depuis cette date sans trêve, le PCF est le seul parti dont les dirigeants font campagne contre moi. Avec des mots très durs comme j’en ai rappelé les plus récents.

Un autre des refrains sur le sujet est que j’aurais annoncé ma candidature de façon « imprévue » et « personnelle ». Imprévue ? Pas pour les premiers dirigeants, je viens de le dire. Mais pour les autres non plus ! En effet, ma préparation à la candidature était dans tous les journaux depuis de nombreuses semaines en réponse aux questions qui m’étaient posée sur le thème par les journalistes, pratiquement à chaque interview. « Je dois me préparer comme si je devrai être candidat » : cela fut publié à la une du Monde avec une photo ! Mais j’ai aussi déclaré : « je me prépare », « je suis disponible », « il faudra bien que je dise mon avis pour éviter qu’on me pose la question sans cesse ». Ce qui m’avait valu déjà plusieurs remarques publiques désobligeantes auxquelles je n’avais déjà pas répondu. Mais surtout, la demande que je sois candidat est inscrite dans le vote de la résolution du CN du PG du mois de janvier et elle a été présentée à chaque parti membre du Front de gauche, par envoi mail de cette résolution et aux membres de la coordination du Front de gauche. Ma proposition n’était donc pas imprévisible le moins du monde non seulement pour les premiers dirigeants ni pour les lecteurs de la presse. De même savais-je que je bénéficierais du soutien du PG.

Une mauvaise habitude est prise de dire que je serais « seul ». Il est très méprisant de considérer que le parti dont je suis membre, qui demande ma candidature puis la soutient lorsque je la propose, n’est rien. Il est très méprisant pour les 90 000 personnes qui appuient ma proposition de candidature qu’elles ne sont rien tant que le PCF n’a pas donné l’accord qu’il refuse puisqu’il préfère les primaires. Je propose ma candidature hors cadre des partis et sans avoir demandé de permission parce que cela correspond à l’analyse que je fais du moment politique et de ses nécessités comme moyen d’enclencher, si j’y parviens, un ample mouvement ouvert, bien plus large que le « rassemblement de la gauche » visé par la primaire et que sa composition et appellation mêmes rendent impossible.
En réalité, s’il y a un solo et une décision unilatérale prise hors et contre tout cadre collectif, c’est celle du PCF d’entrer dans la préparation des primaires pour choisir une candidature à la présidentielle et pour répartir à la proportionnelle du résultat de ce choix, les candidatures aux législatives. Et le PCF est le SEUL parti du Front de gauche engagé dans les primaires. Tels sont les faits. Pour autant, je respecte la décision du CN du PCF d’entrer dans la primaire. Elle a été prise à 85% des voix. Elle est donc indiscutable. C’est une orientation. Ce n’est pas la mienne, ni celle d’aucune autre composante du Front de gauche.

Je demande donc que soit respectée la diversité de nos points de vue. Et donc je demande que soit respecté mon engagement, ma proposition de candidature et les soutiens que j’ai reçus venant des citoyens et  tous les secteurs du Front de Gauche. Il n’est pas acceptable que le porte parole du PCF déclare que je mets mes pas « dans ce que la Ve République produit de pire en termes de présidentialisme à outrance, entretenant l’idée que le peuple a besoin d’un homme providentiel tous les cinq ans ».  Telle n’est pas ma proposition chacun le sait. La violence des propos tenus est destinée à créer un fossé infranchissable et une mise à l’écart dont je peux annoncer qu’elle se retournera contre ses auteurs, tant est grande la soif de combat commun et indépendant de nombre de communistes.

Conformément à mes propositions et à celle du PG depuis janvier 2014,  la démarche « La France Insoumise » vise à créer progressivement et collectivement un mouvement politique commun. Il se construit autour de ma proposition de candidature, autour d’une plateforme internet interactive au-delà des partis actuels. Il rassemble toutes les personnes qui veulent agir ensemble et mettre à jour en commun le programme que j’ai mis en débat, celui qui en 2012 a recueilli 4 millions de voix et qu’il faut profondément actualiser et même dépasser. Cette démarche reçoit un bon accueil : près de 90 000 parrainages citoyens, 800 groupes d’appui constitués, des dizaines de milliers d’euros de petits chèques de soutien. Les sondages sont très encourageants y compris celui qui porte sur 20 000 personnes interrogées. Il me place à 11% quand Hollande est à 14%. Certes ce n’est pas suffisant, bien loin de là. Mais tout de même quand avons-nous commencé si haut ? Pourquoi serions-nous incapables de rassembler bien davantage et jusqu’à porter le programme jusqu’au second tour ? Pourquoi faudrait-il que seul le PCF m’accable de sarcasmes et déprécie un effort auquel, je tiens à le signaler, participent déjà un nombre non négligeable de communistes, de socialistes, d’intellectuels et de syndicalistes qui n’ont pas fait leur choix par adulation personnelle mais par accord politique sur une démarche collective ?

Je ne cherche ni à rallier ni à débaucher. Chacun fera bien ce qu’il croit juste et honnête de faire. J’ai confiance. Mon énergie est tournée du côté de la campagne à faire pour entrainer une majorité de notre peuple. Je crois qu’il peut se fédérer autour de ses aspirations sociales, écologiques et républicaines, sans présenter de carte de parti ni être impliqué dans des accords électoraux avec des partenaires gouvernementaux dont ils combattent la politique. Bienvenue, sans a priori, à qui veut se joindre à cet effort, faire campagne pour convaincre et voter ensemble. Je suis certain que la remobilisation sociale en cours est un précieux vecteur de prise de conscience politique. Je crois que notre capacité à être présents au deuxième tour ne dépend pas d’arrangements et d’addition de forces contradictoires comme la primaire le prévoit. Je crois qu’elle dépend de notre capacité à convaincre en toute clarté et cohérence qu’un autre futur est possible.

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