Depuis 1986, se tient chaque année en Argentine la Rencontre Nationale des Femmes dite ENM |1|.
Il s’agit d’un espace de femmes autonome, auto-convoqué, profondément
démocratique, pluraliste, autofinancé, fédéral et horizontal. Des femmes
de tous les coins de l’Argentine mais aussi du reste de l’Amérique
latine y convergent dans le but de partager, débattre et rechercher des
réponses aux nombreux problèmes, parfois aux conséquences très graves,
qu’elles rencontrent quotidiennement.
Les divers ateliers de cette édition nous ont
permis de traiter de nos luttes : celles que nous menons au travail ou à
domicile, dans nos quartiers, dans les milieux ruraux ou citadins, de
l’école à l’université, etc. Ces activités se sont tenues simultanément
en différents endroits de la ville de Rosario, pendant les trois jours
de la rencontre.
Brève histoire de l’ENM
En 1985, un groupe de femmes argentines a participé à la clôture de la Décennie de la Femme au Kenya. À leur retour, elles ont estimé nécessaire de se retrouver pour parler des problématiques spécifiques aux femmes dans leur pays où, comme dans le reste du monde, elles subissaient une nette discrimination en termes d’espace et de rôles dans la société.
S’en est suivie une première rencontre en Argentine en 1986. Les rencontres n’ont pas cessé depuis et sont chaque année plus fréquentées et fructueuses. Alors qu’un millier de femmes s’étaient réunies en 1986, plus de 70.000 camarades se sont retrouvées à Rosario cette année.
Ateliers
Les ateliers sont au cœur de ces rencontres. Toutes les femmes y participent. Ils sont démocratiques, horizontaux et pluralistes. Ils rompent avec le schéma habituel selon lequel seules quelques personnes s’expriment tandis que les autres écoutent en silence. Les ateliers sont souverains, ce dont on discute n’appartient qu’aux femmes présentes. Ils fonctionnent par consensus pour garantir l’expression de toutes, on ne vote pas.
Pas moins de 69 thématiques ont été abordées au travers de la centaine d’ateliers de cette édition. Dans chaque atelier, une coordinatrice avait pour tâche de gérer le débat et de s’assurer que toutes les voix puissent être entendues.
Des secrétaires choisies ont consigné les débats pour dégager les conclusions à publier par le comité d’organisation en fin de rencontre. Ces conclusions ont été lues lors de la séance de clôture et elles seront remises aux participantes à la prochaine rencontre.
Fondamentalement, les ateliers nous permettent de découvrir que nous ne sommes pas seules, que nous pouvons nous unir pour laisser de côté nos souffrances et tenter de modifier la réalité de notre pays et du monde |2|.
En tant qu’ATTAC-CADTM Argentine, nous avons participé à l’atelier Femmes et crise mondiale actuelle qui a fusionné avec l’atelier Femmes et dette publique . À quelques minutes de l’atelier, il a fallu le dédoubler car il y avait trop de monde pour la classe qui nous avait été attribuée dans l’école. Ce fut le cas pour la plupart des discussions. De fait, les débats ont dû se poursuivre dans la cour, tant les femmes désireuses de partager leurs souffrances, leurs savoirs, leurs expériences et leurs résistances étaient nombreuses.
Deux propositions importantes ont fait consensus :
1) Sensibiliser à l’augmentation de la dette causée par le paiement aux fonds vautours que le gouvernement Macri a permis avec l’entrée de l’Argentine sur les marchés de capitaux et l’émission de bons en dollars et en euros.
Suspendre le paiement de la dette publique et réaliser immédiatement un audit intégral et participatif.
2) Participer aux journées continentales pour la défense de la démocratie et contre le néolibéralisme. Elles ont pour fondement la lutte contre l’impunité des multinationales et l’architecture juridique qui les protège par toutes sortes d’accords de libre-échange. Ces Journées auront lieu sur tout le continent le 4 novembre, date anniversaire du triomphe du NON à la ZLEA (Zone de Libre Échange des Amériques).
La Rencontre Nationale des Femmes de Rosario a dépassé les attentes par le nombre de ses participantes, les débats des ateliers et sa traditionnelle marche pour couronner la rencontre. Des milliers de femmes d’organisations et de mouvements sociaux, syndicaux ou politiques, ou de réseaux comme Ni una menos (« Pas une de moins ») ou No a la Trata (« Non à la traite ») ont sillonné les rues de la ville des heures durant ; une expérience peut-être inédite au monde. Les nombreux drapeaux et slogans de cette marche colorée exigeaient la fin de la violence, réclamaient des politiques publiques ainsi que l’application des lois en vigueur, l’avortement légal, sûr et gratuit et arboraient différents mots d’ordre contre l’austérité et les hausses de prix appliquées aujourd’hui dans notre pays et aggravant la souffrance des femmes.
Cette édition de l’événement s’est tenue alors que le pays est confronté à une montée de la pauvreté, du chômage et du travail précaire, dans un contexte d’ouverture de l’économie ; des situations croissantes qui se répercutent sur les problèmes spécifiques liés à la violence, aux féminicides et aux problèmes de couples.
Hélas, l’attention des médias dominants a surtout été retenue par l’intervention des forces de l’ordre en fin de manifestation. Cette répression a été condamnée par le comité d’organisation qui a déclaré que « cette marche historique, la plus fréquentée de l’histoire de nos rencontres, est le résultat d’une grande unité et du besoin qu’ont les femmes de pouvoir exprimer leurs demandes et leurs revendications ».
La députée Mercedes Meier a également déclaré : « Ces incidents, dont nous ignorons d’où ils ont surgi, ne faisaient clairement pas partie de la formidable mobilisation qu’a suscité cette rencontre et ils ne peuvent en occulter le caractère historique, tant par l’ampleur qui a dépassé toutes les estimations que par l’intensité de la participation et des débats ».
Dans la matinée du 10 octobre, les conclusions et propositions ont été lues sous la pluie et, comme chaque année, il a été procédé au choix, par acclamation, du lieu de la prochaine Rencontre. Ce sera dans la province du Chaco. Les femmes qui ont porté cette proposition ont expliqué l’importance de rendre visible la pauvreté, les souffrances des femmes et la triple oppression qu’elles subissent, en tant que femmes, pauvres et autochtones.
VERS LA PROCHAINE RENCONTRE NATIONALE DES FEMMES EN ARGENTINE, COMPAÑERAS !
LES PHOTOS CHOISIES PARLENT D’ELLES-MEMES.
Merci à l’excellent travail réalisé par les photographes :
Arq. Graciela Quiroga blog : fotosgraficaydisenios.blogspot.com.ar
Sebastián Pittavino (Journaliste victime d’une balle de caoutchouc face à la Cathédrale de Rosario)
Article María Elena Saludas (ATTAC – CADTM Argentine)
Traduit par Lucile Daumas et révisé par Mariella Caponnetto
- Ouverture de l’ ENM devant le Monument au drapeau – Photo de Sebastián Pittavino
Brève histoire de l’ENM
En 1985, un groupe de femmes argentines a participé à la clôture de la Décennie de la Femme au Kenya. À leur retour, elles ont estimé nécessaire de se retrouver pour parler des problématiques spécifiques aux femmes dans leur pays où, comme dans le reste du monde, elles subissaient une nette discrimination en termes d’espace et de rôles dans la société.
S’en est suivie une première rencontre en Argentine en 1986. Les rencontres n’ont pas cessé depuis et sont chaque année plus fréquentées et fructueuses. Alors qu’un millier de femmes s’étaient réunies en 1986, plus de 70.000 camarades se sont retrouvées à Rosario cette année.
Ateliers
Les ateliers sont au cœur de ces rencontres. Toutes les femmes y participent. Ils sont démocratiques, horizontaux et pluralistes. Ils rompent avec le schéma habituel selon lequel seules quelques personnes s’expriment tandis que les autres écoutent en silence. Les ateliers sont souverains, ce dont on discute n’appartient qu’aux femmes présentes. Ils fonctionnent par consensus pour garantir l’expression de toutes, on ne vote pas.
Pas moins de 69 thématiques ont été abordées au travers de la centaine d’ateliers de cette édition. Dans chaque atelier, une coordinatrice avait pour tâche de gérer le débat et de s’assurer que toutes les voix puissent être entendues.
Des secrétaires choisies ont consigné les débats pour dégager les conclusions à publier par le comité d’organisation en fin de rencontre. Ces conclusions ont été lues lors de la séance de clôture et elles seront remises aux participantes à la prochaine rencontre.
Fondamentalement, les ateliers nous permettent de découvrir que nous ne sommes pas seules, que nous pouvons nous unir pour laisser de côté nos souffrances et tenter de modifier la réalité de notre pays et du monde |2|.
En tant qu’ATTAC-CADTM Argentine, nous avons participé à l’atelier Femmes et crise mondiale actuelle qui a fusionné avec l’atelier Femmes et dette publique . À quelques minutes de l’atelier, il a fallu le dédoubler car il y avait trop de monde pour la classe qui nous avait été attribuée dans l’école. Ce fut le cas pour la plupart des discussions. De fait, les débats ont dû se poursuivre dans la cour, tant les femmes désireuses de partager leurs souffrances, leurs savoirs, leurs expériences et leurs résistances étaient nombreuses.
- Photo de Graciela Quiroga
Deux propositions importantes ont fait consensus :
1) Sensibiliser à l’augmentation de la dette causée par le paiement aux fonds vautours que le gouvernement Macri a permis avec l’entrée de l’Argentine sur les marchés de capitaux et l’émission de bons en dollars et en euros.
Suspendre le paiement de la dette publique et réaliser immédiatement un audit intégral et participatif.
2) Participer aux journées continentales pour la défense de la démocratie et contre le néolibéralisme. Elles ont pour fondement la lutte contre l’impunité des multinationales et l’architecture juridique qui les protège par toutes sortes d’accords de libre-échange. Ces Journées auront lieu sur tout le continent le 4 novembre, date anniversaire du triomphe du NON à la ZLEA (Zone de Libre Échange des Amériques).
- Photo de Graciela Quiroga
La Rencontre Nationale des Femmes de Rosario a dépassé les attentes par le nombre de ses participantes, les débats des ateliers et sa traditionnelle marche pour couronner la rencontre. Des milliers de femmes d’organisations et de mouvements sociaux, syndicaux ou politiques, ou de réseaux comme Ni una menos (« Pas une de moins ») ou No a la Trata (« Non à la traite ») ont sillonné les rues de la ville des heures durant ; une expérience peut-être inédite au monde. Les nombreux drapeaux et slogans de cette marche colorée exigeaient la fin de la violence, réclamaient des politiques publiques ainsi que l’application des lois en vigueur, l’avortement légal, sûr et gratuit et arboraient différents mots d’ordre contre l’austérité et les hausses de prix appliquées aujourd’hui dans notre pays et aggravant la souffrance des femmes.
Cette édition de l’événement s’est tenue alors que le pays est confronté à une montée de la pauvreté, du chômage et du travail précaire, dans un contexte d’ouverture de l’économie ; des situations croissantes qui se répercutent sur les problèmes spécifiques liés à la violence, aux féminicides et aux problèmes de couples.
- Le CADTM lors de la Marche finale de l’ ENM – Rosario (Argentine)
Hélas, l’attention des médias dominants a surtout été retenue par l’intervention des forces de l’ordre en fin de manifestation. Cette répression a été condamnée par le comité d’organisation qui a déclaré que « cette marche historique, la plus fréquentée de l’histoire de nos rencontres, est le résultat d’une grande unité et du besoin qu’ont les femmes de pouvoir exprimer leurs demandes et leurs revendications ».
- Une manifestation émouvante dans les rues de Rosario, sur plus de 5 kilomètres, a couronné la fin de la rencontre.
La députée Mercedes Meier a également déclaré : « Ces incidents, dont nous ignorons d’où ils ont surgi, ne faisaient clairement pas partie de la formidable mobilisation qu’a suscité cette rencontre et ils ne peuvent en occulter le caractère historique, tant par l’ampleur qui a dépassé toutes les estimations que par l’intensité de la participation et des débats ».
Dans la matinée du 10 octobre, les conclusions et propositions ont été lues sous la pluie et, comme chaque année, il a été procédé au choix, par acclamation, du lieu de la prochaine Rencontre. Ce sera dans la province du Chaco. Les femmes qui ont porté cette proposition ont expliqué l’importance de rendre visible la pauvreté, les souffrances des femmes et la triple oppression qu’elles subissent, en tant que femmes, pauvres et autochtones.
VERS LA PROCHAINE RENCONTRE NATIONALE DES FEMMES EN ARGENTINE, COMPAÑERAS !
LES PHOTOS CHOISIES PARLENT D’ELLES-MEMES.
Merci à l’excellent travail réalisé par les photographes :
Arq. Graciela Quiroga blog : fotosgraficaydisenios.blogspot.com.ar
Sebastián Pittavino (Journaliste victime d’une balle de caoutchouc face à la Cathédrale de Rosario)
- Cérémonie d’ouverture – Photo de Sebastián Pittavino
- Une belle femme, c’est une femme qui lutte - Photo Graciela Quiroga
Article María Elena Saludas (ATTAC – CADTM Argentine)
Traduit par Lucile Daumas et révisé par Mariella Caponnetto
Notes
|1| Sigle espagnol pour Encuentro Nacional de Mujeres|2| Liste des ateliers de cette année sur : http://encuentrodemujeres.com.ar/wp...
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