Effectifs redoublés de magistrats,
mobilisation des douanes, antennes mobiles de garde à vue… Dans une
circulaire, le ministère de la Justice édicte les dispositifs spéciaux
mis en place pour une répression rapide lors des opérations prévues sur
la Zad de Notre-Dame-des-Landes et à Calais.
Le ministère de la Justice a publié
début octobre une circulaire adressée à tous les procureurs et aux
présidents des tribunaux. Ce texte, que révèle Reporterre, édicte nombre de mesures spécifiques pour accélérer le traitement des « infractions » constatées. Il traite spécialement des « zadistes »,
mais aussi de la situation à Calais, où le démantèlement du grand
campement des migrants est prévu à partir de lundi 24 octobre.
Les zadistes et les militants ayant des velléités de manifestation ainsi que les jeunes des quartiers populaires sont clairement dans le collimateur du ministère, qui envisage un « nombre conséquent d’interpellations ». La circulaire prévoit des tribunaux d’urgence par la « création d’audiences spécifiques lorsqu’elles n’existent pas, ou le dédoublement de celles déjà prévues » et avec diffusion à l’audience des vidéos retenues pour preuves contre les manifestants, « y compris les extraits des enregistrements de vidéoprotection [vidéo surveillance] ». Il faudra juger sans attendre, prévoir plus de magistrats, plus d’audiences, et des procédures qui tiennent debout pour étayer cet abattage judiciaire. Les douaniers seront réquisitionnés pour contrôler les véhicules avant les manifestations, ce qui ne leur est jamais arrivé.
La circulaire rappelle ainsi l’article 433-11 du Code pénal, « l’opposition à l’exécution de travaux publics », mais aussi « l’entrave à la liberté de travail » ou « l’entrave à la circulation routière » qui a déjà servi à Nantes pour condamner les opérations escargot en janvier 2016 (amende de 200 à 600 euros, ferme ou avec sursis, pour chacun des conducteurs).
Le texte prévoit de nombreux dispositifs de répression rapide :
Même si la mesure a prévu les excuses « dans la mesure du possible » et une échappatoire pour « concilier les impératifs liés aux investigations judiciaires et ceux liés aux contraintes opérationnelles du maintien de l’ordre », la mesure est vue comme positive par le Syndicat de la magistrature : « C’est une avancée vis-à-vis du traitement expéditif. Souvent, les policiers rechignent à être entendus ou confrontés, s’en remettant à leur seul procès-verbal. La confrontation, c’est un progrès, qui permet de mettre en évidence les témoignages parfois très faibles des policiers », nous dit Laurence Blisson, sa secrétaire générale.
Pour Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, interrogée par Reporterre, ce texte « est un vade-mecum de la répression, avec une volonté d’articulation de tous les dispositifs répressifs, tout en sécurisant les procédures pour réprimer plus ».
Du côté du syndicat CGT des douanes, Anne Azoulay-Fravel observe :
« Nous ne pouvons que nous inquiéter d’une circulaire qui souhaite associer des douaniers à des missions de maintien de l’ordre. Cette circulaire laisse se dessiner une mise sous tutelle de la douane. Bien que très variées, nos missions (on en dénombre près de 400) concernent la lutte contre la fraude (stupéfiants, contrefaçons), contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent, le terrorisme, pour la protection des espèces menacées, etc. Mais pas le maintien de l’ordre ! Cette circulaire a suscité un vif émoi dans la communauté douanière, qui connaît une triste période de restructuration et de suppressions d’emplois. Les services rencontrent chaque jour plus de difficultés pour mener à bien leurs missions, tant par manque de moyens humains que matériels. »
Au syndicat Solidaires des douanes, Philippe Bock, cosecrétaire, réagit : « Le maintien de l’ordre n’est pas notre métier. Là, c’est inscrit dans un texte, et c’est inquiétant. S’il ne s’agit pas d’infraction douanière, on est dans une autre logique, qui tord les textes. »
Sollicité, le ministère de la Justice n’a pas donné suite aux questions de Reporterre.
Les zadistes et les militants ayant des velléités de manifestation ainsi que les jeunes des quartiers populaires sont clairement dans le collimateur du ministère, qui envisage un « nombre conséquent d’interpellations ». La circulaire prévoit des tribunaux d’urgence par la « création d’audiences spécifiques lorsqu’elles n’existent pas, ou le dédoublement de celles déjà prévues » et avec diffusion à l’audience des vidéos retenues pour preuves contre les manifestants, « y compris les extraits des enregistrements de vidéoprotection [vidéo surveillance] ». Il faudra juger sans attendre, prévoir plus de magistrats, plus d’audiences, et des procédures qui tiennent debout pour étayer cet abattage judiciaire. Les douaniers seront réquisitionnés pour contrôler les véhicules avant les manifestations, ce qui ne leur est jamais arrivé.
Juger sans attendre
Le ministère de la Justice a adressé cette circulaire aux procureurs, maîtres des poursuites, afin d’anticiper le traitement expéditif de nombreuses personnes arrêtées et de parer aux « débordements », « compte tenu des difficultés engendrées par le traitement, dans l’urgence, de faits qui relèvent d’un phénomène de masse, et de l’articulation malaisée entre les opérations nécessaires de maintien de l’ordre et les impératifs d’efficacité judiciaire ». Ces « orientations de politique pénale » ciblent les « manifestations sur la voie publique proches de celles constatées lors de violences urbaines » et « le traitement des infractions commises par certains mouvements dits “zadistes” », qui mènent des occupations illicites de terrains « afin de s’opposer à un projet d’aménagement au motif qu’il porterait atteinte à l’environnement ».La circulaire rappelle ainsi l’article 433-11 du Code pénal, « l’opposition à l’exécution de travaux publics », mais aussi « l’entrave à la liberté de travail » ou « l’entrave à la circulation routière » qui a déjà servi à Nantes pour condamner les opérations escargot en janvier 2016 (amende de 200 à 600 euros, ferme ou avec sursis, pour chacun des conducteurs).
- La Justice et sa balance.
Le texte prévoit de nombreux dispositifs de répression rapide :
- Magistrats en renfort
- Justice expéditive
- Antenne mobiles de garde à vue
- Le recours systématique à des geôles roulantes sur les lieux d’interpellation doit fluidifier les procédures et les rendre plus fiables en justice : « Certains des officiers de police judiciaire pourront se tenir à proximité des lieux d’interpellation dans des véhicules adaptés susceptibles de constituer des antennes mobiles pour la notification immédiate des droits aux personnes placées en garde à vue. » Ces réactualisations du panier à salade ont déjà servi lors des arrestations durant les manifestations contre la loi travail.
- Confrontation rapide
Même si la mesure a prévu les excuses « dans la mesure du possible » et une échappatoire pour « concilier les impératifs liés aux investigations judiciaires et ceux liés aux contraintes opérationnelles du maintien de l’ordre », la mesure est vue comme positive par le Syndicat de la magistrature : « C’est une avancée vis-à-vis du traitement expéditif. Souvent, les policiers rechignent à être entendus ou confrontés, s’en remettant à leur seul procès-verbal. La confrontation, c’est un progrès, qui permet de mettre en évidence les témoignages parfois très faibles des policiers », nous dit Laurence Blisson, sa secrétaire générale.
- Manifestation = association de malfaiteurs
- La musique est suspecte
- Visages masqués
- Douaniers réquisitionnés
« Un vade-mecum de la répression »
Peu connue, la circulaire a suscité encore peu de réactions.Pour Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, interrogée par Reporterre, ce texte « est un vade-mecum de la répression, avec une volonté d’articulation de tous les dispositifs répressifs, tout en sécurisant les procédures pour réprimer plus ».
Du côté du syndicat CGT des douanes, Anne Azoulay-Fravel observe :
« Nous ne pouvons que nous inquiéter d’une circulaire qui souhaite associer des douaniers à des missions de maintien de l’ordre. Cette circulaire laisse se dessiner une mise sous tutelle de la douane. Bien que très variées, nos missions (on en dénombre près de 400) concernent la lutte contre la fraude (stupéfiants, contrefaçons), contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent, le terrorisme, pour la protection des espèces menacées, etc. Mais pas le maintien de l’ordre ! Cette circulaire a suscité un vif émoi dans la communauté douanière, qui connaît une triste période de restructuration et de suppressions d’emplois. Les services rencontrent chaque jour plus de difficultés pour mener à bien leurs missions, tant par manque de moyens humains que matériels. »
Au syndicat Solidaires des douanes, Philippe Bock, cosecrétaire, réagit : « Le maintien de l’ordre n’est pas notre métier. Là, c’est inscrit dans un texte, et c’est inquiétant. S’il ne s’agit pas d’infraction douanière, on est dans une autre logique, qui tord les textes. »
Sollicité, le ministère de la Justice n’a pas donné suite aux questions de Reporterre.
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