Jean-Jacque Boislaroussie lors du rassemblement de soutien à Notre Dame des Landes le 1er novembre |
A deux semaines de notre congrès national, la
revue Regards a interrogé Jean-Jacques Boislaroussie, un de nos porte-parole.
Racontez-nous les
origines des Alternatifs…
Les Alternatifs
naissent sous ce nom il y a dix ans, à la suite de rapprochements avec la CAP,
un groupe issu de la contestation interne du PCF(1). Mais nos racines plus anciennes s’ancrent dans l’héritage du PSU
des années 1970. Nous venions pour partie d’une radicalisation des mouvements
d’action catholique. Piaget en 1973 reflète bien ce courant. Le PSU était plus
un parti objet qu’un parti sujet : il reflétait une radicalité de la société.
Nous avions en commun la critique de gauche de l’étatisme. Une partie a conduit
le recentrage de la CFDT, est entrée au PS avec Michel Rocard. Nous, davantage
liés à des mouvements comme Lip, avons poussé la théorisation autogestionnaire,
la recherche d’auto-organisation.
À côté des racines
historiques, je vois deux autres filiations. Nous reflétons pour partie une
radicalisation du combat écologique. Le mouvement écolo est percuté par les
débats sur la croissance et la décroissance et toutes les questions liées à la
reconversion de l’économie. Nous ne sommes clairement pas du côté du « green
washing », ce nouveau carburant pour le capitalisme.
L’autre branche
contemporaine serait celle qui se nourrit et plonge dans les expérimentations
concrètes autour de pratiques comme les Amap(2),les coopératives… J’ajouterai enfin, comme référence politique,
le féminisme.
Cette référence au
féminisme n’a pas beaucoup de réalité tangible, ni dans la composition de
l’organisation ni dans votre réflexion qui n’est pas si singulière sur ce
sujet…
C’est vrai que nous
ne différons pas sur ce point de la plupart des organisations politiques,
gauche de gauche comprises. Le centre de gravité de notre organisation est
celui de la gauche radicale en France : autour du salariat garanti. Nous sommes
à dominante blanche, masculine et de plus de 50 ans. Mais nous attachons
beaucoup d’importance à cet ancrage féministe, comme garde-fou mais aussi dans
nos combats internes face à la reproduction des dominations et à la
bureaucratisation, à la professionnalisation de la politique.
Je pensais que vous
évoqueriez l’héritage des luttes anticoloniales et aujourd’hui les combats postcoloniaux…
Les luttes
anticoloniales, en particulier au moment de la guerre d’Algérie, ont vu naître
le PSU. Mais cela commence à dater. Cela ne fait plus sens ainsi. On peut dire
que notre fibre internationaliste s’est retrouvée dans notre investissement dès
les premiers jours du mouvement altermondialiste…
Pour être honnête,
il faut dire aussi que l’on est moins homogène sur la question postcoloniale.
Nous sommes traversés par les mêmes contradictions que le NPA, Gauche
anticapitaliste, et dans une moindre mesure le PC. Le PG lui est assez soudé
sur le sujet ! Quelle place accorder à la question postcoloniale dans la
construction de l’unité populaire ? Nous sommes divisés…
Vous venez de nous dire
que vous étiez donc rouge, vert et violet (féminisme).
Pourquoi une définition aussi
« fermée » ? Quid des questions contemporaines autour de la ville ou de
l’Internet, de la démocratie, des libertés publique… ?
Nous ne sommes pas
très performants sur les questions de l’Internet… C’est sans doute lié au
profil générationnel de notre mouvement. Cela renvoie aussi à notre trop faible
présence dans les institutions territoriales qui ne nous permet pas d’avoir une
capacité politique et intellectuelle suffisante pour aborder pleinement les
enjeux urbains.
Le Front de gauche est
traversé par des débats stratégiques plus ou moins explicites… Comment vous
situez-vous par rapport aux autres partenaires de la gauche de gauche ?
Dans les débats
stratégiques, nous sommes clairement du côté de l’émancipation. Si je reprenais
les termes des années 1970, je dirais que nous sommes gramsciens. Nous
accordons de l’importance à la lutte idéologique, nous croyons à la «
révolution longue » contre les avant-gardismes. Nous allions présence critique
dans l’institution et expérimentation sociale. Pas pour accumuler des forces en
vue du basculement mais pour avancer, apprendre, gagner, même si on ne gagne
pas sur tous les terrains.
La gauche de
transformation doit être capable de dire quelque chose sur l’immédiat et sur
les grands principes de la société qu’elle vise. Elle le fait plus ou moins. La
faille majeure ? La stratégie à adopter pour « révolutionner » nos sociétés. Les
contre-pouvoirs ou l’appel à la révolution citoyenne ne règlent pas tout. Il
nous faut avancer. Nous participons à cette discussion avec nos éléments de
singularités. Ce débat prend parfois des allures urgentes. Par exemple, comment
aborder la question de l’avenir de PSA ? On ne peut pas avoir un double
discours, écolo un jour et pour la défense de l’emploi dans l’automobile le
lendemain. Il faut penser la reconversion de l’industrie automobile. La
proposition de la CGT de sécurité des parcours professionnels ouvre des pistes
pour pouvoir faire avancer ces débats sans sacrifier les travailleurs. Cette
proposition de sécurité sociale professionnelle est un élément de réponse
stratégique qui permet de dessiner un chemin vers la « révolution ».
Autre débat : je ne
crois pas que nous soyons dans une course de vitesse avec l’extrême droite.
Mais dans une course de vitesse pour que ne se structurent pas un groupe
blanc-dominant et un groupe coloré-dominé. Nous avons vraiment besoin de penser
et d’agir pour passer du peuple en soi au peuple pour soi… C’est-à-dire pour
reconstruire une unité populaire politique.
Est-ce que les
différents ancrages, les différentes sensibilités au sein de votre organisation
influencent votre choix de rejoindre ou non le Front de gauche ?
Certainement. Le
débat entre nous porte sur le lieu d’investissement politique. Est-ce dans la
recomposition politique ou dans les pratiques concrètes que nous sommes
efficaces ? À mon sens, il faut savoir ne pas se polariser seulement sur ce qui
nous différencie des autres groupes de la gauche de gauche mais voir ce qui nous
rapproche : l’engagement pour changer la société. Je crois aussi que nous
devons tenir compte du fait que la plupart de nos partenaires, des
organisations comme des individus, que nous estimons et avec qui nous
travaillons ont rejoint le Front de gauche ou s’y investissent. Nous devons en
être si nous ne voulons pas déléguer aux seuls PCF et PG la définition du
discours politique audible. Le défi est d’être unitaire tout en portant les
éléments fondamentaux du projet et de la démarche écolo-alternative.
Réponse quand ?
- On vote à la mi-novembre
propos recueillis par catherine
tricot
(1) Convergence pour une alternative, la CAP était principalement
animée par les reconstructeurs communistes (Damette, Poperen, Wasserman) rejointe
un temps par Charles Fiterman.
(2) Amap : Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne.
Les amap entendent favoriser l’agriculture paysanne et biologique. Le principe
est de créer un lien direct entre paysans et consommateurs qui s’engagent à
acheter la production de celui-ci à un prix équitable et en payant à l’avance.
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