lundi 7 mars 2016

9 Mars: quitte ou double ?, par Noël Mamère


Mercredi 9 mars 2016, la loi Travail va-t-elle exploser en vol sous les coups de boutoir de la jeunesse ou les néoconservateurs de gauche vont-ils réussir à imposer leur contre-réforme ? Nous verrons. Nous ne sommes pas au poker, mais le jeu dangereux dans lequel s’est lancé le gouvernement, avec sa loi Gattaz/Valls, ressemble à s’y méprendre à la roulette russe. 

Depuis le début, notre petit Bonaparte de Matignon surjoue l’affrontement, voulant mettre au tapis ses adversaires syndicaux et politiques. Mais il se trompe. Entre le million de signatures de la pétition en ligne pour le retrait de la loi, la mobilisation de la jeunesse et les appels de l’intersyndicale, le vent souffle dans le même sens. Comme si la peur avait changé de camp. 


Depuis les attentats de janvier et du 13 novembre, une partie importante de la population était tétanisée. Ceux qui, comme moi, se mobilisaient contre l’état d’exception permanent étaient minoritaires. Parce que le climat de peur qui régnait dans le pays, culpabilisait les citoyens, en les assignant à ce choix binaire et insupportable : Etes-vous contre Daech ou pour le gouvernement ? Vous êtes contre les terroristes ? Alors, vous ne pouvez que soutenir le Président et son gouvernement ! Mais, si vous critiquez ce même gouvernement vous êtes assigné au statut infamant de collaborateur des « barbares », d’ennemi de l’intérieur et accusé de briser l’Union sacrée. 

Vouloir comprendre, c’était déjà excuser, selon le Premier ministre… Qui a préféré prolonger et constitutionnaliser l’état d’urgence, en « l’enrichissant » de la déchéance de la nationalité, puis faire voter une nouvelle loi « anti-terroriste », qui intègre des mesures inspirées du Patriot Act américain. En quelques semaines, une partie de nos droits démocratiques a été jetée dans les poubelles de l’histoire. 

Ce qui se passe avec la mobilisation contre cette loi Travail, marque le signal de sortie de cette léthargie. Comme si un grand bol d’air permettait de s’extraire de cette dynamique autoritaire et de sa rhétorique sécuritaire. 

Nombreux sont celles et ceux qui ont perçu dans cette agression caractérisée contre le Code du travail et notre modèle social, la goutte d’eau qui fait déborder le vase de notre indignation. 

Si la révolte s’est propagée aussi vite, c’est que le projet de loi renforce l’impression selon laquelle le gouvernement n’est plus qu’un jouet dans les mains du Medef. Quelques années plus tôt, le syndicat patronal, par la voix de Laurence Parisot, avait parfaitement résumé la philosophie de la loi Travail : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »… 

Madame Parisot l’avait rêvé, François Hollande et Manuel Valls l’ont fait ! Et c’est ce qui a déclenché la colère qui se répand aujourd’hui. Car depuis trente-cinq ans, l’imaginaire des générations est marqué par le chômage structurel et la précarité, par les CDD, le travail à temps partiel, les stages bidons et non payés ou l’intérim. 

Avec Erasmus, tous ces jeunes ont pu constater, à rebours du dire des « experts », qu’en Angleterre ou en Allemagne, le travail pauvre, les jobs à 1 euro, les licenciements dans l’heure, plongent dans la misère une partie du salariat. Ils n’ont plus confiance en la parole des responsables politiques, comme des médias. 

A l’occasion du débat autour d’une loi qui cristallise la rage contenue depuis des années, tout revient à la surface. Et c’est bien ce qui fait peur à nos gouvernants. 

Pourtant, on nous dit que la jeunesse ne serait pas concernée par une loi qui ne s’adresserait qu’aux salariés entrés dans la vie active. Sauf que les enfants de la génération Bataclan connaissent ce qu’est la réalité de ce monde, à travers leurs parents, leurs amis déjà sortis de l’université et bardés de diplômes. Ils voient la société s’ubériser, le précariat s’installer, le chômage exploser. Ils ne sont pas dupes de la potion amère qu’on veut leur administrer. 

Le pouvoir estime que l’on peut passer par profits et pertes, les états d’âmes des récalcitrants ; il escamote la concertation alors qu’il nous avait bassinés avec ses appels au dialogue social. 

Dans une dernière manœuvre, aussi improvisée que désespérée, François Hollande joue sa dernière carte : une synthèse avec les syndicats dits « réformistes », en essayant de diviser le front syndical et de la jeunesse. 

Qu’il réussisse ou pas, il va droit dans le mur en 2017. Il nous entraînera tous dans sa chute si nous ne réagissons pas. Seul un mouvement social puissant peut faire naître autre chose que du désespoir. Nous y sommes. 

 https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/070316/9-mars-quitte-ou-double

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