mardi 1 mars 2016

L'écologie, ça suffit !,par Noël Mamère


S’il fallait un dernier argument pour montrer le mépris de ce gouvernement envers l’écologie politique, les dernières déclarations de Ségolène Royal, ce dimanche, confirmant la prolongation de dix ans des centrales nucléaires françaises, l’ont donné. C’est un coup fatal pour la transition énergétique et, accessoirement, une humiliation pour nos trois écologistes « égarés » au gouvernement. 


Ce dimanche, la ministre de l’Ecologie a donc administré une leçon d’écologie « punitive »… A tous ceux qui croyaient encore à ce chiffon de papier qu’est la loi sur la transition énergétique. J’avais dénoncé en son temps les limites d’un texte sans moyens, qui énonçait de grands principes comme la décélération du nucléaire dans la production électrique, de 75% à 50 %, en 2025. J’avais émis des doutes sur la fermeture de la centrale de Fessenheim, engagement de François Hollande envers les écologistes en 2012, qui, déjà, contrevenait à l’accord PS/EELV de novembre 2011. 

Mais je n’avais pas envisagé qu’entre la poire et le fromage - entendez la déchéance de nationalité et la loi sur le travail - Ségolène Royal oserait demander la prolongation de la durée de vie de 10 ans de centrales nucléaires arrivées à date de péremption. 

Cette proposition suppose, bien entendu, que l’exécutif socialiste renonce à l’objectif inscrit dans la loi, que les écologistes avaient pourtant voté croyant une fois de plus à la bonne foi de leurs partenaires. Pire, si l’Autorité de Sureté Nucléaire légitime la position de la ministre, notre pays va entrer dans la zone dangereuse de l’insécurité nucléaire totale. Sans compter, évidemment, le coût du « grand carénage » pour EDF - évalué à 100 milliards d’euros par la Cour des Comptes - déjà exsangue financièrement. 

En fait, avec cette décision, dictée par EDF, nous sommes en train d’assister à l’enterrement programmé de toute politique énergétique française fondée sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Un an avant les élections présidentielles, il semble que ce gouvernement joue son va-tout dans une prime généralisée aux lobbies ; le complexe du nucléaire civil et militaire, véritable Etat dans l’Etat, n’est pas le moindre. 

Quelques jours plus tôt, en Polynésie, François Hollande a enterré les espoirs des victimes des 193 essais nucléaires, réalisés entre 1966 et 1996 à Mururoa et Fangataufa. S’il a reconnu les impacts environnementaux, y compris sur la santé des habitants des iles, il n’a pas accédé à leurs demandes de réparations, notamment à travers un changement des termes de la loi sur les risques encourus. Mais il a réaffirmé le soutien de la France à la force de dissuasion…Pour promouvoir la paix ! 

Le complexe nucléaire est toujours l’un des éléments structurants de la politique française. La vente de centrales à l’étranger et, partant, la dissémination, va de pair avec le renflouement des centrales françaises. Nous sommes dans la continuité de la politique initiée par De Gaulle et Pompidou, nous sommes une France résolument tournée vers son passé soi-disant glorieux. 

Non content de soutenir une filière qui continue d’entretenir le pillage et la désolation dans des pays comme le Niger, avec l’extraction d’uranium, de renflouer une entreprise, AREVA, dont les scandales et les incompétences gestionnaires coutent à la France des milliards dont elle aurait besoin dans la lutte contre le chômage, les « hollandais » décident de faire un chèque en blanc au lobby nucléaire, au détriment de la sécurité de tous les citoyens, alors que tous les rapports concluent à la dangerosité du parc nucléaire vieillissant. 

Or chacun sait que des équipements particulièrement vulnérables au vieillissement, comme les cuves et les enceintes de confinement, ne peuvent être remplacés. Le rafistolage prévu par EDF va renforcer les craintes d’un accident de type Fukushima. Je l’avais déjà dit à propos de la centrale de Blaye, en Gironde, lors de la tempête de 1999. Les risques sismiques de Fessenheim, plus vielle centrale en activité, ont été longuement dénoncés. 

Dans la mesure où l’Autorité de Sureté Nucléaire ne donnera son avis définitif qu’en 2018, les déclarations de Ségolène Royal renforcent le sentiment que se construit un axe entre la gauche de gouvernement et la droite, dans tous les domaines économique, énergétique, social et sécuritaire. 

En fin de mandat, Sarkozy avait fait un bras d’honneur aux écologistes, en déclarant : « l’écologie ça commence à bien faire ». A sa manière décomplexée, Ségolène Royal nous lance : « l’écologie c’est fini », un peu plus d’un mois après la COP 21 et quelques jours après que le gouvernement a « accueilli » en son sein trois écologistes égarés, aujourd’hui humiliés et méprisés. 

Après avoir été achetés à vil prix, ils vont devoir boire le calice jusqu’à la lie. Mais ce n’est plus notre problème. Ils ont voulu les miettes du pouvoir, ils gagneront le goudron et les plumes. Tout est lié. 

Ce gouvernement, d’une manière ou d’une autre, doit être défait dans la rue ou dans les urnes. Et les écologistes peuvent y apporter leur pierre. Ils l’ont démontré ce week-end : avec les manifestations massives contre le projet d’aéroport de Notre-Dame- des-landes, contre le jugement indigne permettant à Total de continuer les recherches et l’exploration du gaz de schiste et avec la pétition en ligne contre la loi El Khomri, lancée par des geeks écolos. 

Décidément, le printemps risque d’être chaud pour le couple Hollande-Valls, qui s’enferre dans une politique en rupture totale avec les aspirations de la majorité qui l’a fait roi… Mais les rois, en France, devraient se méfier. Après Versailles, il y a eu la Bastille … Et la place de la République et celle de la Concorde ! 

Noël Mamère Le 29/02/2016. 
https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/290216/lecologie-ca-suffit

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