jeudi 17 mars 2016

La réforme présidentielle, ou comment rétrécir la démocratie, par Loïc Le Clerc (Regards.fr)


Le gouvernement est à la manœuvre pour sauver les meubles en 2017, avec une stratégie : noyer les petits partis. Pour y parvenir, rien de tel qu’une réforme des règles de l’élection présidentielle, des cinq cents signatures au temps de parole. 

Réformer les règles de la présidentielle à un an de l’échéance électorale, il fallait y penser ! C’était sans compter sur la peur des socialistes de prendre le bouillon. L’avenir étant morose, l’électorat du Bourget trahi, ne restait qu’un moyen d’espérer gagner encore : changer les règles du jeu. Avec un seul et unique but : affaiblir la concurrence. La meilleure défense, c’est l’attaque, non ? 


C’est une proposition de loi organique, qui répond au doux nom de "modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle", présentée en procédure accélérée par Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas en novembre 2015. Depuis, le processus législatif a fait son chemin. L’Assemblée et le Sénat l’ont adoptée en première lecture. 

"L’équité" plutôt que l’égalité du temps de parole 

Auparavant, pour prétendre à l’élection présidentielle, candidats et partis partaient à la pêche aux signatures dans les quelque 35.000 communes de France. Il fallait récolter cinq cents promesses de parrainage pour candidater. La chose n’est-elle pas pénible pour les maires ? Désormais, c’est à l’élu que revient d’envoyer lui-même son parrainage au Conseil constitutionnel. Et aux candidats d’espérer qu’il le fasse (réellement et dans les temps), et surtout qu’il ne le fasse pas pour un autre… 

Jean-Jacques Urvoas, en bon premier flic du ministère de la Justice, a eu ces mots pondérés pour justifier cette réforme : il faut mettre un terme au « harcèlement des maires » grâce à cette contrainte administrative supplémentaire... 

Urvoas, qui adore visiblement le pluralisme politique, propose un autre changement majeur : en finir avec l’égalité du temps de parole, chose soumise à des « règles baroques », pour citer le ministre. Finie l’égalité de Sarkozy et Hollande à Arthaud et Cheminade durant les cinq semaines qui précèdent l’élection. Maintenant, le temps de parole sera calculé «  en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections (…) et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion  » (!), mais aussi en fonction de la « contribution à l’animation du débat électoral afin de tenir compte du dynamisme propre à leurs campagnes respectives ». Facile à mesurer, non ? 

Mais en résumé, plus tu pèses, plus tu parles. Voilà donc l’égalité stricte remplacée par un "principe d’équité", avant d’être rétablie durant les deux semaines précédant l’élection. Une réforme souhaitée en 2012 par les directeurs de RTL, France Inter, France Bleu, France Info, France Culture, Europe 1, RMC, BFM Business et BFMTV, inquiets de devoir remplir leur mission de pluralisme cinq semaines tous les cinq ans. 

L’égalité, une idée décidément dépassée. 

Dernier soubresaut du bipartisme 

Le projet prévoit aussi de « ramener d’un an à six mois la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer leurs recettes et leurs dépenses électorales dans leur compte de campagne ». Et comme tout le monde est déjà en campagne un an à l’avance, demandez-vous qui paye ? Les partis ? Les contribuables ? Si seulement cette mesure était rétroactive, les ex-RPR/UMP seraient blancs comme neige… Même Bernard Cazeneuve est contre cet article, c’est dire. 

Cette réforme fait office de dernier soubresaut d’un bipartisme en voie d’extinction à l’échelle mondiale. Et comme si cela ne suffisait pas, en France, voilà un argument de plus pour le mantra LR/PS du FN : avec ses deux députés, le parti d’extrême droite se verrait muselé dans les médias, alors qu’il ne descend plus que rarement sous les 25% aux élections… 

Et pour les autres candidats – que ce soit Dupont-Aignan, Mélenchon, ceux issus de EE-LV, du NPA ou encore de LO –, voilà bien de nouveaux obstacles aux propositions politiques alternatives : car après avoir passé le cap des cinq cents parrainages, comment diffuser à une large audience ses idées ? 

Le gouvernement opte pour un tripartisme triomphant, dans l’espoir que la majorité parvienne au second tour de l’élection, par défaut. On gage qu’il ne faudra guère plus pour faire gonfler les chiffres de l’abstention. 

À moquer la démocratie, les socialistes finiront tout aussi démocrates que la droite se dit républicaine. Quoi que… Les "Républicains" envisageraient de voter "non", juste pour le plaisir. Fin du suspense le 24 mars prochain.

 http://www.regards.fr/web/article/la-reforme-presidentielle-ou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire