Si Valls et Hollande voulaient montrer qu’ils peuvent faire
mieux que Sarkozy, ils ont réussi. Quitte à provoquer une fracture
irrémédiable avec celles et ceux qui les ont élus en 2012. Il est
probable que le mouvement va continuer jusqu’au retrait, car, au-delà
des modifications, même substantielles, qui lui seraient apportées, la
philosophie qui sous-tend ce texte est ni amendable ni négociable.
En renversant la hiérarchie des normes et en privilégiant l’accord dans l’entreprise au détriment de la loi, le projet Valls/Macron s’attaque à un des fondamentaux du pacte républicain. La loi protège les plus faibles. Les laisser seuls face à des entrepreneurs, qui les traitent comme des kleenex, va les fragiliser encore plus.
En donnant tout le pouvoir à l’entrepreneur, les rédacteurs du texte savaient ce qu’ils faisaient : ils ouvrent la porte à une dérégulation systématique des rapports sociaux, qui permettra ensuite de remettre en cause une grande partie des lois issues des huit dernières décennies. Tout le contraire du postulat social-démocrate de François Hollande, qui aurait dû l’amener à renforcer le syndicalisme dans l’entreprise. Avec ce projet, il laisse le salarié seul, isolé, soumis à des pseudos référendum d’entreprise où le chantage à l’emploi pourra s’épanouir sans entraves. « Le patronat le plus bête du monde » pourra continuer à mettre à mal la démocratie sociale…Avec le soutien complaisant de la gauche de gouvernement !
La réaction de la semaine dernière constitue une claque magistrale pour un gouvernement déjà affaibli par le débat sur la déchéance de nationalité. La manifestation du 9 mars restera dans l’histoire sociale de ce pays, dans la mesure où un gouvernement dit de gauche n’avait jamais vu 500 000 manifestants, théoriquement liés à son camp, défiler en masse contre lui. Côte à côte, jeunes, salariés, retraités ont exprimé leur rage et leur colère contre un gouvernement qui a renié tous ses engagements.
C’était la première fois, mais sans doute pas la dernière, car ce qui s’est exprimé dans la rue, est d’abord l’explosion d’une frustration accumulée durant quatre ans dans toutes les couches de la société. Toutes proportions gardées, il se passe la même chose qu‘en 1995, contre le Plan Juppé ou contre le CPE, il y a dix ans. Mais c’était avant. Et sous la droite, au temps de Chirac et de Sarkozy.
La réponse du pouvoir avait été la même : tenter de diviser entre «jusqu’au boutistes » et « réformistes » et reculer en bon ordre pour éviter à tout prix de perdre la face. Chaque fois, la CFDT joue le rôle de modérateur, prête à négocier quelques mesures et à enrayer un mouvement social qui peut l’entrainer plus loin qu’elle ne veut. Même si je peux comprendre le réalisme de Laurent Berger, il n’en reste pas moins que la nature du texte le rend inacceptable et que tout syndicat qui rendrait les armes pour des plats de lentilles, serait précipité dans la chute avec le couple exécutif.
La semaine qui vient est donc décisive. Le nouveau rendez- vous de la jeunesse, qui aura lieu le 17 mars, sera un bon test sur l’ampleur de la lame de fond qui traverse le pays.
Au-delà de l’avenir du texte, je dois dire que je suis de plus en plus préoccupé par le processus de décomposition, qui atteint un pouvoir devenu l’ombre de lui-même. Nous en sommes à un tel point de déconnexion entre le petit groupe qui gravite autour du Président et du Premier Ministre et le peuple, que n’importe quel incident peut se transformer en une crise de régime. Si le Président a les moyens institutionnels de tenir sans problème jusqu’en mars 2017, sa légitimité est atteinte au plus profond. Pour reprendre le titre d’un ouvrage sur Sarkozy : « Tout ça va mal finir »… Mais n’est-ce pas déjà fini dans l’esprit de la majorité des Français ? Dés lors, se pose un problème crucial : un gouvernement qui va expédier les affaires courantes pendant un an, retranché dans ses palais, est-ce une bonne chose pour un pays en pleine crise morale, sociale, politique ?
Après moi, le déluge, semble nous répéter, le Président « normal ». Mais le déluge, c’est maintenant.
Noël Mamère
Le 14/03/2016.
https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/140316/loi-travail-la-fin-des-illusions
En renversant la hiérarchie des normes et en privilégiant l’accord dans l’entreprise au détriment de la loi, le projet Valls/Macron s’attaque à un des fondamentaux du pacte républicain. La loi protège les plus faibles. Les laisser seuls face à des entrepreneurs, qui les traitent comme des kleenex, va les fragiliser encore plus.
En donnant tout le pouvoir à l’entrepreneur, les rédacteurs du texte savaient ce qu’ils faisaient : ils ouvrent la porte à une dérégulation systématique des rapports sociaux, qui permettra ensuite de remettre en cause une grande partie des lois issues des huit dernières décennies. Tout le contraire du postulat social-démocrate de François Hollande, qui aurait dû l’amener à renforcer le syndicalisme dans l’entreprise. Avec ce projet, il laisse le salarié seul, isolé, soumis à des pseudos référendum d’entreprise où le chantage à l’emploi pourra s’épanouir sans entraves. « Le patronat le plus bête du monde » pourra continuer à mettre à mal la démocratie sociale…Avec le soutien complaisant de la gauche de gouvernement !
La réaction de la semaine dernière constitue une claque magistrale pour un gouvernement déjà affaibli par le débat sur la déchéance de nationalité. La manifestation du 9 mars restera dans l’histoire sociale de ce pays, dans la mesure où un gouvernement dit de gauche n’avait jamais vu 500 000 manifestants, théoriquement liés à son camp, défiler en masse contre lui. Côte à côte, jeunes, salariés, retraités ont exprimé leur rage et leur colère contre un gouvernement qui a renié tous ses engagements.
C’était la première fois, mais sans doute pas la dernière, car ce qui s’est exprimé dans la rue, est d’abord l’explosion d’une frustration accumulée durant quatre ans dans toutes les couches de la société. Toutes proportions gardées, il se passe la même chose qu‘en 1995, contre le Plan Juppé ou contre le CPE, il y a dix ans. Mais c’était avant. Et sous la droite, au temps de Chirac et de Sarkozy.
La réponse du pouvoir avait été la même : tenter de diviser entre «jusqu’au boutistes » et « réformistes » et reculer en bon ordre pour éviter à tout prix de perdre la face. Chaque fois, la CFDT joue le rôle de modérateur, prête à négocier quelques mesures et à enrayer un mouvement social qui peut l’entrainer plus loin qu’elle ne veut. Même si je peux comprendre le réalisme de Laurent Berger, il n’en reste pas moins que la nature du texte le rend inacceptable et que tout syndicat qui rendrait les armes pour des plats de lentilles, serait précipité dans la chute avec le couple exécutif.
La semaine qui vient est donc décisive. Le nouveau rendez- vous de la jeunesse, qui aura lieu le 17 mars, sera un bon test sur l’ampleur de la lame de fond qui traverse le pays.
Au-delà de l’avenir du texte, je dois dire que je suis de plus en plus préoccupé par le processus de décomposition, qui atteint un pouvoir devenu l’ombre de lui-même. Nous en sommes à un tel point de déconnexion entre le petit groupe qui gravite autour du Président et du Premier Ministre et le peuple, que n’importe quel incident peut se transformer en une crise de régime. Si le Président a les moyens institutionnels de tenir sans problème jusqu’en mars 2017, sa légitimité est atteinte au plus profond. Pour reprendre le titre d’un ouvrage sur Sarkozy : « Tout ça va mal finir »… Mais n’est-ce pas déjà fini dans l’esprit de la majorité des Français ? Dés lors, se pose un problème crucial : un gouvernement qui va expédier les affaires courantes pendant un an, retranché dans ses palais, est-ce une bonne chose pour un pays en pleine crise morale, sociale, politique ?
Après moi, le déluge, semble nous répéter, le Président « normal ». Mais le déluge, c’est maintenant.
Noël Mamère
Le 14/03/2016.
https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/140316/loi-travail-la-fin-des-illusions
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