Les mobilisations contre le projet de loi El Khomri et contre l'état d'urgence viennent renforcer ce constat : tous les éléments d’une crise politique majeure se mettent en place. La popularité de l’exécutif s’effondre à nouveau. Les fractures au sein de la majorité gouvernementale n’ont jamais été aussi fortes. La mise en mouvement de différents secteurs sociaux et la conjonction de différents fronts de mobilisation peut bousculer la donne. Beaucoup de choses vont se jouer dans les prochaines semaines. Sur plusieurs questions majeures, il apparaît aujourd'hui possible de mettre en échec les projets gouvernementaux et de démontrer que la mobilisation collective est essentielle pour défendre nos droits. Ces évolutions vont reposer de façon nouvelle la question d’une alternative politique de gauche et écologiste dans le pays.
Le bras de fer engagé contre le projet de casse du Code du travail cristallise un mécontentement profond contre la politique du gouvernement, la précarité, la dégradation des conditions de travail et l’arbitraire patronal. La mobilisation a pris des formes multiples à travers des initiatives particulières qui ont rencontré un écho considérable (pétitions en ligne, mobilisation du 9 mars...).
Plusieurs secteurs, dans la jeunesse, dans les services publics se sont mis en mouvement. Nous sommes au début d’une bataille de grande ampleur, l’examen du projet de loi à l’Assemblée et au Sénat étant prévu en mai et juin. C’est un vaste mouvement enraciné dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les lycées et les universités, capable de mettre en mouvement une majorité du salariat et de la jeunesse, qu’il faut construire.
La journée du 9 mars confirme qu’un tournant est pris dans la contestation du gouvernement, par les exigences et les mobilisations sociales et par la critique directe de l’exécutif. Notre mouvement Ensemble doit être à la hauteur de cette situation nouvelle et faire preuve de réactivité, tout autant qu’être en capacité d’initiatives.
La mobilisation contre le projet de réforme constitutionnelle et la déchéance de nationalité constitue la deuxième question décisive du moment présent. Si le gouvernement a réussi à obtenir une majorité des 3/5ème à l’assemblée nationale, le sénat a adopté une autre version du projet de loi ce qui remet en cause son adoption par le Congrès. Il est nécessaire de poursuivre, dans le cadre des différents collectifs unitaires auxquels Ensemble participe, la large bataille d’opinion et de mobilisation pour mettre en échec ce dangereux projet.
S’il est nécessaire de se donner les moyens d’assurer la sûreté publique et de prévenir de nouveaux attentats, cela passe par un renforcement des services publics et une lutte résolue contre les inégalités et les discriminations, et non par la mise en place d’un état d’urgence permanent qui a suscité une stigmatisation massive des musulman(e)s et une criminalisation accrue des mouvements sociaux. Il est également nécessaire de s'opposer à la réforme du droit pénal et de la procédure pénale, qui introduisent dans le droit commun certaines des règles particulières de l'état d'urgence (perquisitions de nuit), et redéfinissent les règles de la légitime défense au profit de forces de police déjà portées à en abuser.
Les succès des manifestations contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes et pour l’interdiction des gaz de schistes à Barjac témoignent également du changement de climat politique et du regain de la combativité qui s’exprime aujourd’hui. L’annonce par François Hollande d’un référendum sur la construction de l’aéroport de NDDL, sans précision sur le déroulement de celui-ci, n’a nullement atténué la montée en puissance de cette mobilisation inédite qui rassemble très largement milieux populaires, paysans, zadistes, organisations politiques, syndicales, associatives et autres contre ce Grand Projet Inutile et Imposé. Après les mobilisations de la COP 21, c’est une nouvelle démonstration de l’enjeu majeur des luttes écologistes aujourd’hui, qui se développent à des échelles locales en portant des enjeux globaux.
La conjonction de ces différentes mobilisations et du rejet du gouvernement peut ouvrir une véritable crise politique dans les prochains mois. Dans cette situation la position du premier Ministre qui s’est particulièrement mis en avant sur ces différents dossiers, peut cristalliser la montée d'un mécontentement qui prend une dimension politique. L'hypothèse de la démission de Manuel Valls peut devenir un enjeu du bras de fer en cours comme symbole du refus de la politique qu’il représente.
Ce changement du climat politique et social dans le pays démontre qu’il existe bien toujours une gauche, une gauche qui se bat au quotidien contre les régressions sociales et autoritaires, une gauche qui rassemble des centaines de milliers d’hommes et de femme qui aspirent à une autre vision de la société que celle portée par le gouvernement de François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron.
Cette gauche vivante existe parmi les nombreux-ses citoyen(ne)s, militant(e)s associatifs, syndicalistes qui ne renoncent pas à changer le monde. Elle se retrouve dans les forces du front de Gauche, dans celles d’Europe Écologie Les Verts, de Nouvelle Donne, de la gauche du PS ou d'autres secteurs de la gauche radicale. Aucun courant politique ne peut à lui seul la représenter. Plus que jamais il est nécessaire de travailler à construire des fronts, des alliances, permettant de faire vivre le pluralisme et la diversité de la gauche sociale et écologiste et mettant en son cœur une véritable participation citoyenne.
L’enjeu de la construction d’une alternative politique au gouvernement est toujours devant nous. Les expériences tentées en 2015 à travers les élections départementales, les élections régionales, les initiatives communes dans les mobilisations ont constitué des premières étapes mais n’ont pas permis de faire émerger une véritable proposition politique nouvelle. La situation nouvelle résultant des mobilisations contre la loi Travail permet de poser différemment la construction du rassemblement commun, et de passer du rejet de la politique gouvernementale à un projet positif construit et porté en commun. Il est possible de s’appuyer sur les exigences fortes portées par les luttes actuelles pour indiquer les premiers repères d’une autre politique, ainsi que les acteurs et actrices qui peuvent contribuer à la construire :
-
Ne pas se résigner à la division du Front de gauche. L’appel
« Rallumer l’étincelle » exprime le refus de la disparition de ce cadre
de rassemblement.
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Proposer à chaque échéance du mouvement que les forces du FDG se
regroupent, construisent un pôle commun et du matériel commun (tract…),
voire des cortèges communs si les conditions s’y prêtent.
-
Proposer que le Front de gauche et ses organisations s’adressent aux
autres forces de gauche opposées à la loi Travail (EELV, Nouvelle Donne,
forces socialistes), mais aussi à des acteurs et actrices des luttes
(syndicalistes, jeunes, associatifs…) pour élargir le plus possible ce
pôle commun de refus de la loi. Là aussi des formes d’expression
communes peuvent être débattues pour les forces politiques (banderoles,
cortèges, mots d’ordre communs, etc). Avec des syndicalistes, des
associatifs, des jeunes, des citoyen(ne)s intéressés, il est possible
d’organiser des débats publics, d’élaborer des mesures d’urgences
sociales.
-
Pour nourrir ces initiatives, nous devons également multiplier les
initiatives propres d’Ensemble (réunions publiques, initiatives de
débats…) pour contribuer porter publiquement les propositions que nous
portons
Mais indépendamment de cette hypothèse qui serait la plus favorable, les échéances présidentielles et législatives de 2017 posent un défi redoutable. Deux pièges sont devant nous : d’une part l’éparpillement et la division des forces qui défendent une alternative opposée à la politique du gouvernement, d’autre part la subordination à la politique que mène le Parti Socialiste au gouvernement au nom de « l’unité de la gauche ». L’élection présidentielle va en effet se jouer dans un contexte inédit. La tripartition du paysage politique résultant de la progression de l'influence et de l'implantation du Front National ne doit pas permettre à Hollande et Valls d'imposer l'idée qu'eux et leur politique incarneraient la gauche. L’enjeu est de réaliser un nouveau rassemblement à gauche et avec les écologistes avec des candidatures communes en 2017, pour remobiliser les électeurs et électrices, les abstentionnistes qui rejettent les politiques menées, pour combattre la résignation devant des victoires si vite annoncées de la droite et du FN, et pour assurer pour l’avenir l’existence dans le pays d’une gauche alternative porteuse d’une logique de transformation sociale et écologique.
Ensemble est déterminé à poursuivre le travail de rassemblement des forces de gauche et écologistes opposées à la politique du gouvernement de Hollande et Valls.
Aujourd’hui, diverses propositions de « primaires » de « rassemblements » de « débats » existent à gauche. Pour le mouvement « Ensemble! », tout cadre visant à construire un nouveau rassemblement doit se situer dans la redéfinition d’une alternative de gauche opposée à la politique du gouvernement. Il faut réaffirmer qu’il ne peut être envisagé une primaire derrière les candidats et les orientations libérales du gouvernement Valls-Hollande que la majorité du Parti Socialiste soutient. Dans cette limite, il est légitime que le débat se poursuive.
L’urgence est de reprendre le débat sur le projet politique, le socle partagé, qu’il faut défendre dans ces échéances. Cela ne peut esquiver le bilan de la politique du pouvoir actuel car la première tâche d’une alternative politique sera de reconstruire les droits sociaux, écologiques, démocratiques que le gouvernement est en train de démanteler. D’autant qu’en 2017, se tiendront aussi des élections législatives, et il s’agit de forger un rassemblement, une coalition, qui postulera à former une nouvelle majorité capable de prendre les mesures nécessaires pour sortir des crises actuelles et de montrer qu’une transformation sociale est possible.
Dans chaque circonscription, il faudra engager cette dynamique unitaire entre les forces politiques, les acteurs, actrices, les représentant(e)s des mouvements sociaux, pour conduire à des candidatures collectives autour d’une plate-forme politique partagée. Simultanément au débat sur le projet, nous voulons agir pour la construction d’un processus politique qui permette à la fois la convergence de toutes les forces disponibles et l’intervention citoyenne, l’élaboration collective du projet et la désignation des candidat(e)s pouvant se faire à travers des larges votations citoyennes, de primaires, ou de tout autre moyen qui permette d’aboutir à l’unité et à la mise en mouvement de forces très larges. Il faut donc trouver les moyens de construire ce processus collectif, qui place en son cœur la participation populaire.
C’est la première étape pour aboutir pour les élections présidentielles et législatives de 2017 à des candidatures de large rassemblement, pluralistes et collectives, de toutes celles et ceux qui contestent à gauche la politique gouvernementale, qui veulent engager notre pays dans une voie nouvelle en rupture avec le néolibéralisme et le productivisme, et enrayer la menace de droite et d’extrême-droite. Jean-Luc Mélenchon a proposé sa candidature. D’autres peuvent s’annoncer. Si elles sont chacune auto proclamées sans souci de rassembler toutes les forces prêtes à l’alternative, si chacun lance un « mouvement » autour de lui et cultive sa spécificité, nous manquerons au devoir d’unité, et au devoir d’implication du mouvement social et citoyen, a un moment politique ou nous pouvons, si nous nous rassemblons, mettre en minorité le social libéralisme de Hollande, et reconstruire une gauche de résistance au FN et à la droite.
Nous refusons les discours qui veulent tirer un trait sur l’expérience du Front de Gauche. Malgré ses limites, il constitue une expérience de convergence qu’il faut redévelopper et élargir pour contribuer à construire le rassemblement. Il faut aujourd’hui accélérer la construction des convergences. Elles doivent se faire avec l’ensemble des forces du Front de Gauche, et pas autour d’une de ses composantes, quelle qu'elle soit. Elles sont possibles avec Europe Écologie Les Verts et Nouvelle Donne qui refusent de soutenir la politique de François Hollande, et qui peuvent converger avec le Front de gauche et tous ceux et toutes celles qui souhaitent ce rassemblement. Elles sont possibles aussi avec les forces de la gauche du Parti socialiste qui le veulent, comme avec les autres forces de la gauche radicale qui voudraient s'y associer. Elles sont également possibles avec des forces syndicales et associatives. C'est d'autant plus nécessaire que la mise en mouvement des salariés et de la jeunesse contre la loi "travail" peut bouleverser la donne et fournir une énergie qui ne se satisfera pas de constructions politiques étriquées. Ce sont les jalons d’une nouvelle gauche qu’il faut construire.
Ensemble portera cette démarche dans les prochains mois à l’échelle locale comme à l’échelle nationale. Un point d’étape et un bilan de cette démarche seront réalisés à l’occasion de l’Assemblée Générale d’Ensemble des 12 et 13 juin 2016.
Déclaration adoptée au Collectif National d’Ensemble ! le 20 mars 2016.
Indignés face au libéralisme, ne laissons pas la politique se faire sans nous.
Acteurs et actrices des luttes, forces de gauche et écologistes, réunissons des « Forums citoyens pour une alternative »
Les débats se développent à gauche, et deux impératifs s’imposent : permettre que la force et les contenus de l’actuel mouvement social investissent le terrain de l’alternative politique, et travailler à un rassemblement des forces de gauches et des écologistes qui veulent sortir de l’impasse des politiques libérales menées par le gouvernement.
Les exigences qui s’expriment dans les manifestations contre la loi Travail, dans les organisations syndicales et sociales, dans les initiatives pétitionnaires et les réseaux sociaux impliqués dans le mouvement, participent de la fondation du « socle commun » nécessaire pour un rassemblement.
Le mouvement de contestation se manifeste sur plusieurs terrains : pour une véritable transition écologique après la COP 21, contre les Grands Projets Inutiles et Imposés dont l’aéroport de Notre-Dame des Landes, contre la réforme constitutionnelle, pour refuser la politique austéritaire de l’Union Européenne et sa fermeture aux migrant(e)s et réfugié(e)s. Le mouvement se « globalise » dans une « indignation » contre toutes les politiques du libéralisme, et chemine en parallèle avec des exigences de démocratie et d’égalité. La gauche sociale et politique est là, présente dans la mobilisation sociale, elle réunit aussi bien des mouvements sociaux que des forces politiques de gauche et des écologistes. Si elle se retrouve en opposition à la politique du gouvernement, elle doit se donner les moyens de formuler en positif le contenu d’une autre politique. Cette gauche, doit pouvoir donner naissance à une offre politique nouvelle, postuler à une autre majorité dans les élections à venir, capable de porter une politique de rupture avec le libéralisme et le productivisme et de faire reculer la droite et le Front National.
Pour éviter que chacune des forces politiques situées en alternative à la politique actuelle joue sa propre partition et que notre espace commun se disperse, il est indispensable de réussir un rassemblement à même de faire reculer la droite et le FN, en rupture avec la politique gouvernementale soutenue par la majorité du PS.
Ensemble fait une proposition : que soit mis sur pieds, dans les localités ou les départements, des « Forums pour une alternative » qui impulsent, en parallèle au mouvement social actuel, l’échange et l’élaboration de solutions politiques communes. L’objectif est de réunir des actrices et acteurs locaux du mouvement social dans sa diversité : les militant(e)s syndicaux, associatifs ; les organisations du mouvement socio-politique issu de l’immigration et les forces de gauches et écologistes, de la gauche radicale, qui se côtoient dans ce mouvement et le soutiennent. Ce rassemblement populaire est possible en respectant l’autonomie des organisations sociales vis-à-vis des partis et en impliquant leurs propositions sur le terrain des solutions politiques.
L’objectif est de réunir localement, sans ultimatum et sans idée de ralliement de l’un à l’autre, les forces du Front de gauche, des écologistes, des socialistes, qui sont prêts à débattre d’une issue pour construire une alternative aux politiques libérale menées par le gouvernement. Il s’agira de créer des lieux d’action et de débats, de se nourrir des mobilisations en cours et en retour de nourrir celles-ci de propositions politiques, législatives, aboutissant à l’élaboration d’une plate-forme commune. Dans un deuxième temps se posera la question de candidatures communes aux élections de 2017, pour porter les mesures politiques de rupture qu’une nouvelle majorité mettrait en œuvre.
Nous faisons cette proposition et à tous ceux qui, dans le mouvement social, ne veulent pas que la parole politique et les solutions s’élaborent sans eux et sans leur force collective et au Front de gauche, qui doit retrouver une capacité d’initiative et de rassemblement, à chacune de ses composantes, aux forces de gauches et écologistes qui partagent la recherche d’une telle convergence,.
Nous nous adressons à toutes les forces, quelle que soit leur position sur la participation ou non à l'organisation d'une « primaire » pour la présidentielle, sous la forme d’une Lettre ouverte, aux actrices et acteurs des mouvements sociaux, aux citoyen(ne)s, aux forces de gauche et écologiste (Europe Ecologie, PCF, PG, Nouvelle Donne, socialistes critiques…), qui s’opposent à la politique du gouvernement mais souhaitent en même temps des candidatures unitaires d'une nouvelle gauche en 2017. Ensemble prendra aussi ses propres initiatives pour témoigner que nous sommes candidats à l'élaboration d'une politique antilibérale, et pour aider au rassemblement et au pluralisme nécessaire afin qu’une force dynamique et porteuse d’espoir soit capable d'agir dans la crise politique actuelle.
Motion adoptée au Collectif National d’Ensemble ! le 20 mars 2016.
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