lundi 21 mars 2016

L’UE et Turquie main dans la main pour violer les droits humains !, par Pierre Marion


Au chapitre du bafouement des principes élémentaires des droits de l’Homme, les 28 chefs d’Etats de l’Union européenne (UE) viennent de signer une des pages les plus sombres. 

Vendredi 17 mars l’UE a conclu un accord avec la Turquie sur le dos des milliers de migrants qui transitent par ce pays pour rejoindre l’Europe. Cet accord ne dissuadera probablement pas les réfugiés de venir chercher un refuge en Europe. Par contre il va rendre la route encore plus périlleuse et surtout il est contraire au droit d’asile et aux valeurs supposées être défendus par les dirigeants européens. 


L’accord UE-Turquie prévoit que toute personne arrivant de manière irrégulière de Turquie en Grèce à partir de samedi 20 mars minuit sera renvoyée en Turquie après un traitement individuel (et sans aucun doute sommaire) de sa demande d'asile. 
 En ce qui concerne les Syriens, la réponse sera systématiquement que la demande est non-recevable. 

En échange, l'UE s'est engagée à : 

 - financer à hauteur de 6 milliards d'euros l'accueil des réfugiés en Turquie. Cet argent ira non pas au gouvernement turc mais aux organisations (dont le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies) qui organisent l'accueil sur place ; 

- supprimer l'obligation de visa pour l'accès des citoyens turcs à l'UE ; 

- timidement relancer le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE, en ouvrant le chapitre 33 du processus, relatif aux politiques budgétaires ; 

- accueillir, sur une base volontaire par les Etats membres de l’UE un maximum de 72 000 réfugiés exclusivement Syriens actuellement en Turquie, soit 3% de ceux qui sont sur place. 

Sur le plan légal, le renvoi massif de demandeurs d'asile de Grèce en Turquie ne tient qu'à un fil : il suffit pour un Etat membre de déclarer la Turquie - qui n'applique pas la Convention de Genève aux non-Européens – comme un « pays tiers sûr ». Toutefois, pour le moment aucun Etat européen ne reconnait ce statut à la Turquie, ce qui n’a pas empêché les chefs de gouvernement de faire pression sur la Grèce pour qu'elle le fasse. 

Une politique meurtrière 

A l’automne dernier, les leaders européens avaient déjà accouché dans la douleur d’un accord qui prévoyaient la relocalisation de 160 000 demandeurs d’asile entre les différents Etat membres. Cet accord, largement insuffisant à la vue du nombre de migrants qui arrivent en Europe, n’a presque pas été mis en œuvre. 

Incapable et surtout sans aucune volonté de remédier à la grave crise humanitaire que traverse le vieux continent, l’UE a donc décidé de fermer ses portes et d’ériger des murs, actant de faite, de convertir la mer Méditerranée en fosse commune. Pour se faire, l’UE en est même venue à demander le renfort de l’OTAN pour contrôler la frontière gréco-turque, alors que les effectifs de Frontex (l’agence européenne de control des frontières extérieurs) ont déjà été renforcé. 

Le repli nationaliste et le racisme institutionnel guident les dirigeants européens, à l’exception notoire de la position plus nuancée de la chancelière allemande. La pression des partis xénophobes, comme en atteste les bons résultats électoraux du parti d’extrême droite AfD outre-Rhin, et plus grave encore, l’intégration d’une partie des propositions de la droite radicale par les leaders de l’UE minent le projet européen. 

En la matière, la position française - entre déchéance de nationalité et gestion honteuse de la « Jungle » de Calais – est aux antipodes d’une vision solidaire et ouverte de l’Europe. 

Légitimation de la politique d’Erdogan 

Plus grave encore, cet accord est un blanc-seing à la politique criminel du président turc Recep Tayyip Erdogan. Le document a été signé par les dirigeants européens alors que l’Etat turc livre au même moment une véritable guerre intérieure contre la minorité kurde sous couvert de lutte contre le terrorisme - dernier agissement en date l’utilisation probable d’armes chimiques contre la population civile faisant une quarantaine de victimes à Gever/Yüksekova. 

La politique du président turc prend un virage totalitaire, en mettant notamment sous tutelle le quotidien « Zaman » et en réprimant fortement les mouvements sociaux. 

Les dirigeants européens qui ont longtemps refusé de négocier l’adhésion de la Turquie à l’UE, en argumentant notamment du non-respect des droits de l’homme, conclu cet accord alors que les violations de ces droits sont les plus flagrantes. 

Ils font preuve d’un cynisme abject, contredisant même les traités dont ils se prétendent les défenseurs. En effet, l'article 2 du Traité sur l'Union Européenne supposé encadrer les décisions des dirigeants européens : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. » 

Pierre Marion - Ensemble!

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