Depuis le printemps 2015, un prix du lait de plus en plus bas (0,25 €/litre en filière classique) et très en dessous du coût de production (0,35 €/litre, conduit de nombreux producteurs à ne plus avoir de revenu et pour, ceux endettés, à ne plus pouvoir faire face à leur dette. Il en résulte de nombreux arrêts de la production laitière ou, pour certains, de passage au bio. Plus globalement cette crise très forte et longue, menace une production essentielle et met les producteurs dans une insécurité insupportable et …totalement injustifiée.
C'est dans ce contexte que la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) ont démarré, pour plusieurs jours, le blocage à Laval du siège de la très secrète entreprise Besnier (Lactalis), la plus grosse du secteur à l'échelle mondiale et la plus mauvaise "payeuse" de France. Choix judicieux de la FNSEA, (pendant ce temps, la Confédération paysanne mettait la pression sur le Ministre de l'agriculture et sur ses collègues européens) de s'attaquer à cette entreprise qui, en France, collecte le lait d'un producteur sur 5, qui par son prix bas, risquait de faire davantage baisser le prix de toutes les autres entreprises.
Bien vu de s'attaquer à une entreprise (plutôt que de déverser du lisier à des ronds-points, …) maintenant qu'après la suppression des quotas, ce sont elles qui, dans le cadre des contrats avec leurs producteurs, gèrent la production et les prix. Avec l'arrêt des quotas, disparaît un outil efficace, dans le cas du lait, de régulation des volumes globaux et de leur répartition au sein de l'Europe et du pays (dans le cas de la France) ; disparaît aussi, en France notamment, une construction originale tripartite de gestion, administration/syndicats agricoles/entreprises. Désormais les producteurs, plus ou moins bien groupés, se retrouvent seuls face à leur entreprise elle-même dans le grand bain libéralisé sans un minimum d'outil de régulation (au moins, financement du stockage des produits de report : poudre et beurre).
Une victoire partielle sur deux tableaux : Besnier a accepté une hausse minimale : passage progressif de 0,28 à 0,30 €/l en décembre soit encore très en dessous du coût de production. De son côté, l'UE tente de réduire la production (- 5 % par rapport au dernier trimestre 2015) avec une aide de 0,14 € par litre non produit, la France rajoutant 0,10.
Mais la crise et les facteurs de crise sont toujours là : prix inférieur au coût de production; prix très sensible à la moindre surproduction dans un marché international instable et à la concurrence féroce dans une logique de course à la concentration, notamment en Allemagne et avec pourquoi s'en priver, des salariés détachés. La solution passe par une nouvelle forme de régulation, par exemple, comme le préconise la Confédération Paysanne un "tunnel" de prix, garantissant un prix minimum pour un certain volume, ce qui serait bien, à condition de limiter la production de ceux capables de produire à un coût plus faible.
Il est en effet inadmissible que compte tenu des caractéristiques de la production (transformation obligatoire dans un délai court, importance des coûts fixes, variations saisonnières et conjoncturelles de la production) et de celles du marché du lait (rigidité de la demande/prix, faible part du coût de production dans le prix final, facilités de stockage des excédents temporaires), un prix rémunérateur ne soit pas rétabli avec en complément des mesures de limitation des volumes. Ces conditions sont par ailleurs indispensables pour le maintien et surtout le développement d'un grand nombre d'exploitations, autonomes et économes, nécessaires pour répondre aux besoins de la société et de la planète.
Un beau sujet pour la campagne "alimentation" que vient de lancer la Confédération.
A très court terme, les pouvoirs publics ont l'obligation de rétablir, au sein de l'UE et avec les transformateurs et les distributeurs, les conditions d'un revenu satisfaisant pour les producteurs et de sécurité de la filière laitière.
Michel Buisson
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