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lundi 5 mai 2014
Avec la gauche, refonder l’Europe par Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic
Les élections européennes vont d’abord servir à élire des députés européens. Contrairement à ce que certains affirment, le Parlement européen n’est pas un parlement croupion. Même si des domaines notables lui échappent encore, la procédure de codécision avec le Conseil de l’Union européenne couvre aujourd’hui des domaines nombreux et importants.
Dans la pratique, le Parlement européen peut bloquer une directive en cas de désaccord avec le Conseil. Enfin, il élit le président de la Commission, le choix des autres membres de la Commission étant soumis à son approbation, et il peut censurer la Commission qui doit alors démissionner.
Mais, au-delà du rôle non négligeable des députés européens, le 25 mai, les citoyen-ne-s vont enfin pouvoir dire leur mot sur les politiques européennes. C’est un vote essentiel car l’Union européenne est en train d’imposer partout des politiques d’austérité avec des conséquences dramatiques pour les populations.
Or toutes ces politiques ont été imposées sans que jamais les peuples ne soient consultés. Les gouvernements des États membres, avec les traités qu’ils ont concoctés et les directives qu’ils ont adoptées, ont fait en sorte de soustraire les politiques économiques et sociales du débat démocratique et de la décision citoyenne.
C’est à cette Europe-là, basée sur l’austérité et la concurrence, qu’il faudra dire non, pour lui opposer une Europe de la solidarité. Car un projet progressiste se doit d’être européen, et ce, pour quatre raisons.
Face à la puissance du capital globalisé, notamment face aux transnationales et aux marchés financiers, il faut un espace politique et économique qui puisse faire contrepoids.
La deuxième raison renvoie à la montée de la xénophobie et au regain des tensions nationalistes. Il est donc impératif de ne pas aggraver cette situation en favorisant les replis nationaux. L’Europe doit devenir un espace politique de coopération et en finir avec le dumping fiscal et social.
Ensuite, c’est au niveau européen que certaines politiques publiques ont le plus d’efficacité. C’est là qu’une politique de relance budgétaire et monétaire aurait une efficacité démultipliée.
La quatrième raison tient aux rapports de forces dans les négociations internationales. Les relations internationales ont vu la montée de nouveaux acteurs de taille continentale et dont le poids économique va croissant. Dans cette situation, aucun des États européens, y compris les plus importants, ne peut réellement jouer un rôle important tout seul.
Il faut donc refonder l’Europe. Pour cela un gouvernement de gauche devrait, en s’appuyant sur les mobilisations populaires, assumer un rapport de forces en Europe pour créer les chocs diplomatiques visant une remise à plat de la construction européenne. Il devrait essayer d’obtenir une modification des règles actuelles.
Si cela s’avère impossible, il faudra, avec tous les pays qui le souhaiteraient, désobéir aux règles européennes et prendre des mesures unilatérales qui permettent de mettre au pas la finance et d’améliorer la vie des populations. Ces mesures seront coopératives, en ce sens qu’elles ne sont dirigées contre aucun pays mais contre une logique économique et politique et que, plus le nombre de pays les adoptant est important, plus leur efficacité grandit.
C’est donc au nom d’une autre conception de l’Europe qu’un gouvernement de gauche devrait mettre en œuvre des mesures qui rompent avec la construction actuelle de l’Europe.
(tribune parue dans l'Humanité du 5 mai)
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