lundi 5 mai 2014

Européennes : définir notre propre enjeu, par Pierre Zarka


À 3 semaines des élections européennes, que peut-on en attendre ? Une nouvelle majorité, tellement à gauche qu’il y aura un changement de cap en juin ? Ou parce que le résultat fera peur aux décideurs ? Comme après les municipales ? Ou rien du tout ? Et s’il y avait un enjeu dont personne ne parle et là, les jeux ne sont pas faits ? 

Quand on vote, on fait deux choses à la fois : on élit quelqu’un. Bien sûr. Mais aussi on constitue un corps politique à travers le corps électoral auquel on participe. C’est le plus important. 

Les élections municipales n’ont pas seulement sanctionné le PS. Elles ont montré des électeurs qui se sentent abandonnés, trahis, dont le ressentiment a conduit à des victoires de la droite, à laisser passer le FN ou à son vote, à une abstention pleine de rancune. Rancune envers tout ce qui aurait dû protéger : État qui dit que les travailleurs ne sont que des bouches à nourrir coupables de générer les pertes d’emplois, entreprises où l’individu est malmené. 


La conception traditionnelle de la politique ne tient-elle pas - même quand c’est involontaire - du même déni de la personnalité des intéressés ? Ne porte-t-elle pas implicitement, que "les simples gens" seraient moins capables de discernement que ces élites qui savent tant et qui foirent tout ? Ce ressentiment touche aussi les partis de la "gauche de gauche", impuissants à faire autre chose que de protester... et à demander qu’on vote pour eux. Eux aussi font sans les intéressés. Et ce, au moment où les sociologues expliquent que le sens de la collectivité ne peut aller qu’avec la reconnaissance de l’individualité. 

La délégation de pouvoir demandée aux élections est d’un autre temps : tant de personnes souhaitent être entendues pour ce qu’elles sont et participer. "Votez pour les bons" aura aux européennes encore plus de succès qu’aux municipales, soyons en sûrs. Mais la clé du problème n’est-elle pas dans cette perte de confiance ? Car la démocratie ne repose pas sur la confiance mais sur la participation. 

Pour une majorité de citoyens, l’Union européenne se traduit par un pouvoir tellement loin d’eux qu’on ne sait plus très bien si son siège est à Strasbourg ou à Bruxelles. 

Le fait est qu’entre les mains des forces de la finance et des multinationales, nous vivons ce paradoxe : plus l’espace commun brasse de monde, plus il est social et plus le pouvoir est entre un nombre réduit de mains. 

Le vote pour les listes du Front de gauche, qui, quand il ne l’oublie pas, clame : "Place au peuple" et "Prenez le pouvoir", ne peut-il pas devenir le point de ralliement de toutes celles et de tous ceux qui veulent une vraie démocratie ? De qui exige de pouvoir s’en mêler et pour cela, désigne par son vote non pas des représentants qui parlent en notre nom mais des associés à nos luttes sociales, démocratiques et écologiques, à nos débats. 

Qu’Ensemble, force constitutive du Front de gauche, dont la culture enferme peut-être moins que d’autres dans l’isolement institutionnel, participe à cette campagne, permet de penser qu’en 3 semaines, c’est déjà ce qui peut commencer à grandir. Il faut savoir lire qu’en creux, les ingrédients (les attentes) sont déjà là. Sans volontarisme outré, n’est-ce pas le seul écho que l’on peut leur donner ? 

Le sens du vote pour le Front de gauche peut être une première expérimentation d’une nouvelle conception de la politique. C’est le seul sens possible. Osons sortir d’habitudes stériles. 

Publié sur le site de Cerises

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