jeudi 11 février 2016

Alep, comme un cri de douleur et de colère, par Francis Sitel


Alep déchirée depuis des années, assommée de bombes et de barils d’explosifs, qui, privée d'électricité et d'eau, s'est enterrée pour continuer à vivre et à lutter, résistante malgré tout.

Alep est sur le point d’être encerclée, condamnée comme d’autres villes à être assiégée, affamée...

Alep que par dizaines de milliers fuient ses habitants. Rejoignant des centaines de milliers d'autres exilés, après des années de souffrances et d'horreurs, ils tentent d'échapper à des horreurs pires encore... Cheminant, privés de tout, sur des routes sans refuge, dans le froid, pour venir frapper à la porte d'une frontière turque qui reste fermée.


Alep, ville dont la splendeur a été ravagée, la puissance économique étouffée, à qui ne reste que son importance symbolique et stratégique.

La ville rebelle martyrisée irradie de sombres lumières.

Le régime de Bachar Al-Assad mérite-t-il la moindre indulgence, lui dont on voit que rien ne lui répugne qui puisse écraser le peuple syrien, le torturer jusqu'à ce qu'il renonce à tout espoir de liberté ? Peu lui importe, si cela lui permet de s'accrocher à son pouvoir prédateur, de porter devant l'histoire l'écrasante responsabilité de multiples crimes contre l'humanité.

Le pouvoir poutinien est-il un interlocuteur indispensable à la recherche d' une solution politique de paix ? Lui qui en 2013 a manœuvré pour assurer l'impunité du régime syrien après l'usage des armes chimiques, qui ces derniers jours agitait le leurre d’une conférence de Genève alors qu'il organisait l'offensive finale contre Alep, avec ce qui reste d'une armée syrienne épuisée et les troupes armées et encadrées par l'Iran : miliciens du Hezbollah, irakiens, afghans...

A l'heure où la soldatesque russe épargne Daech et écrase les forces rebelles qui combattent le régime de Bachar Al-Assad, dans quel état est-elle la proposition de François Hollande d'une unique coalition, intégrant la Russie, au nom de la guerre contre le terrorisme et de l'unité face à Daech ?

Et l'administration américaine représentée par Obama, amie de la démocratie et du peuple syrien ? Que dit-elle ? Que fait-elle ? Lorsque la main poutinienne s’est abattue sur l'Ukraine, l'Union européenne et les États-Unis ont clamé leur indignation, et décidé de lourdes sanctions économiques à l'égard de la Russie. Aujourd'hui, pour la Syrie, silence et impuissance... Obama et Kerry sont-ils victimes du cynisme de Poutine ? Ou est-ce complicité passive face à l'entreprise qui vise à créer la situation que certains depuis des années disent être celle de la Syrie : un face-à-face entre le régime et Daech ? A preuve sans doute ce déluge de bombes pour écraser les forces rebelles qui combattent le régime et Daech, et contraindre les populations à abandonner leurs villes et villages, leur région, leur pays...

Les dirigeants européens, pour leur part, se réunissent et haussent le ton... A l'égard du gouvernement turc ! Non pas pour demander à celui-ci de cesser sa répression des Kurdes. Pour qu'il ouvre sa porte aux réfugiés syriens et ferme celle vers la Grèce et l'Europe. Car ces réfugiés, il faut qu'ils restent en Turquie ! Quant à dire ce pourquoi ces gens sont en exode, telle n'est pas la question. Et moins encore l'idée que c'est à l'Union européenne de relever le défi humanitaire que représentent ces populations victimes de la barbarie. Une barbarie que cette même Union européenne ne fait rien pour la stopper, et à l'égard de laquelle elle n'est pas exempte de responsabilité.

Le cri d'Alep est l'annonce de plus grandes catastrophes encore à venir.
Comment rester sourd à ce qu'il dit ?

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