lundi 15 février 2016

Remaniement ministériel: la "bessonisation" de l'écologie politique, par Noël Mamère


Le remaniement ministériel homéopathique de l’équipe de Manuel Valls n’a pas été un non-événement, contrairement à ce que d’aucuns laissent entendre. Au contraire. Il a atteint partiellement son objectif : la destruction de ce qui reste de l’écologie politique organisée. 


La nomination de trois de ses responsables achève de tourner en ridicule, à la fois ceux qui participent à cette farce, celui qui l’a organisée et ce qui reste de l’écologie partidaire. EELV est devenu un groupe en déliquescence avancée. Ce qui fût, en 2009, le symbole du renouveau de l’écologie et de l’ouverture, se dissout dans une tragicomédie pathétique qui en révèle les faiblesses intrinsèques : l’adaptation forcenée au caractère présidentaliste de la Vème République, l’abandon au carriérisme et au népotisme, l’oubli de ses fondamentaux. 

Que Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili aient obtenu deux strapontins n’étonnera personne. Ces deux-là piaffaient depuis tellement longtemps aux portes de l’Elysée qu’ils sont récompensés pour leur persévérance et leur alignement sur la politique libérale-autoritaire du gouvernement. 

La seule prise qui compte vraiment est évidemment celle d’Emmanuelle Cosse. Cette dernière, secrétaire nationale d’EELV, quitte le navire en pleine tempête pour rejoindre ceux qui viennent de commettre la faute la plus grave et la plus impardonnable en voulant inscrire la déchéance de nationalité dans notre Constitution. 

Ce coup de poignard dans le dos des militants écologistes sincères, qui restent à EELV, ne peut qu’écoeurer toutes celles et tous ceux qui croient encore que l’écologie politique peut être autre chose que l’école nationale de l’arrivisme et du carriérisme.

EELV aura donc tout connu : de la montée au firmament, avec les élections européennes de 2009 conduites par Dany Cohn-Bendit, jusqu’à la chute et à la déchéance finale de jeudi dernier. 

En 2013, je m’en étais allé, parce que j’avais compris la dérive d’un appareil qui n’aspirait qu’à sa propre reproduction, incapable de mettre en pratique la promesse de « coopérative » proposée par Dany. J’avais alors parlé de « Firme » verrouillant toute dynamique collective. La réalité a dépassé mes propos de l’époque ! 

La «bessonisation» de l’ex-secrétaire nationale restera comme le symbole d’une écologie politique incapable de surmonter son égotisme, ses divisions et les ambitions de ses apparatchiks. Tel est le caractère « misérable » de cet épisode politique qui laissera des traces durables. 

Cela ne s’est pas fait en un jour : de l’entrée au gouvernement Ayrault de membres cooptés par François Hollande faisant son marché parmi une bonne dizaine de prétendants, en passant par la sortie du gouvernement Valls sans débat politique, donc inassumée par EELV et, aujourd’hui, la rentrée de nos trois « desperados », dans le cadre d’un débauchage, les militants verts auront bu la coupe jusqu’à la lie. Mais c’est surtout l’incapacité du parti à maîtriser sa longue marche dans les institutions et son défaut d’ancrage dans le mouvement social qui ont conditionné cette descente aux enfers. 

L’écologie n’est ni réformiste ni révolutionnaire ; elle est réformiste radicale et elle a toute légitimité pour participer au gouvernement de la France. De ce point de vue, sur le principe, le fait que trois écologistes y participent ne me choque pas. Le problème se pose à partir du moment où ils pensent que leur seule présence, qui n’a fait l’objet d’aucune négociation sérieuse, peut changer quoi que ce soit à l’orientation politique néoconservatrice, libérale et anti-écolo du Président de la république, qui l’assume pleinement. 

Car malgré le «coup» de communication diplomatique réussi de la COP 21, le bilan écologique du Hollandisme est l’un des pires qui soit. Sans revenir à la mort de Rémi Fraisse - qui aura été à François Hollande ce que fut la mort de Malik Oussekine à Jacques Chirac - on ne peut que constater l’effacement de l’écologie dans tous les domaines : du budget rétréci du ministère de l’écologie aux boues rouges déversées dans les Calanques de Marseille, des pesticides au diesel, jusqu’au détricotage de la loi ALUR, que, ultime humiliation, la ministre Cosse devra assumer, ce bilan est une défaite en rase campagne, une bérézina pour l’écologie.

Même ce qui pourrait être une bonne idée, comme le référendum sur Notre-Dame-des-landes, improvisé pour que nos « Bessons » puissent faire meilleure figure, est dévalorisée dans l’instant. Aucune base juridique solide, aucun périmètre, aucune autorité acceptable par tous pour la mettre en pratique. 

Pour ses petits calculs de 2017, François Hollande rabaisse l’écologie à une variable d’ajustement. Ceux qui ont décidé de le suivre dans sa chute finale tomberont avec lui. 

La morale de cette histoire est… Qu’il n’y en a pas ! La seule valeur qui surnage est l’individualisme, qui se traduit par la course aux colifichets du pouvoir et aux titres ronflants, jusque dans le déshonneur. Pas étonnant après que l’on assiste à une progression inquiétante de l’abstention. Pas étonnant que les citoyens se mettent en retrait d’une politique devenue synonyme d’indignité, de mesquinerie, de compromission, de petitesse et de traitrise. 

François Hollande se complait à reconstruire une gauche plurielle «Potemkine», une sorte de réserve indienne rappelant vaguement ce qu’était la gauche unie. Il y a déjà un Radical de gauche, grand patron de presse et trois écolos en pièces rapportées… Il ne manque qu’un ex-communiste, mais il paraît qu’il aurait refusé de jouer le faire-valoir. Alea jacta est est. 

Cette dernière turpitude me donnerait presque envie de me remobiliser pour redonner un coup de jeune à l’écologie ! Après tout, ceux qui sont en train de sauver la gauche, outre-Atlantique et outre-Manche, s’appellent Bernie Sanders et Jérémy Corbin. Il faut désormais sauver l’écologie politique, seule idée propulsive de l’émancipation pour ce siècle, qui commence dans le bruit et la fureur. Celles et ceux qui, comme moi, y sont attachés doivent sonner le tocsin. C'est l'heure de la clarification et le moment d’être enfin nous-mêmes. Ecologistes, relevons la tête!

Noel Mamère Le 15/02/2016 

https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/150216/remaniement-ministeriel-la-bessonisation-de-lecologie-politique

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