jeudi 25 février 2016

Primaire à gauche : sortir de la confusion, par Clémentine Autain


L’idée d’une primaire des gauches et de l’écologie a suscité quelque enthousiasme. Mais pour échapper aux initiatives aventureuses comme aux compromis intenables, il faut fédérer la gauche de transformation sociale autour d’un vrai projet de rupture.

Vue de l’extérieur, l’affaire doit être littéralement incompréhensible. Il règne un grand bazar à gauche. Et pas seulement parce que le gouvernement mène au nom de la gauche une politique de droite. Hollande et Valls déboussolent, mais les ondes de choc résonnent dans tous les partis à gauche qui apparaissent divisés, écartelés, à bout de souffle. 


La stratégie à adopter pour 2017 n’est pas facile à dégager pour faire renaître un espoir après tant d’échecs, mais je veux ici poser quelques convictions dans ce paysage brouillé. 

La primaire des gauches et de l’écologie, initiée par l’appel de Libération, a polarisé le débat. Le spectre des signataires et le contenu de la tribune ont constitué aux yeux du grand nombre une attaque en règle du bilan gouvernemental. Si Hollande n’est pas un candidat automatique à gauche parce qu’il a tant déçu, une primaire peut permettre de rebattre les cartes. 

Dans la foulée, Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa "proposition" de candidature sur TF1, loin de tout cadre commun et en particulier sans prévenir le Front de Gauche. Une annonce unilatérale qui contribue à figer un espace politique pourtant en pleine décomposition / recomposition. 

La primaire "de toute la gauche" n’aura pas lieu : elle n’a pas lieu d’être 

Le refus de Jean-Luc Mélenchon de participer à quelque primaire que ce soit, et sa détermination à être candidat, enterrent de facto l’idée d’une primaire de toute la gauche. Cette primaire n’aura pas lieu : cela tombe bien, car elle n’a pas lieu d’être. 

La règle d’une primaire est que les candidats perdants soutiennent le vainqueur. Imagine-t-on un instant François Hollande ou Manuel Valls soutenant Jean-Luc Mélenchon ? C’est absurde, autant que l’hypothèse d’un soutien de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron.

Les orientations politiques du gouvernement et du PS, d’une part, et celles défendue par le Front de gauche, d’autre part, ne sont pas réconciliables, primaire ou pas. Une réunion des organisateurs de la primaire s’est pourtant tenue avec la participation d‘EE-LV, du PCF, de Nouvelle donne et… du Parti socialiste – Ensemble y était à titre d’observateur. Autant dire que le jeu de poker menteur a commencé. Je le crois dangereux. La clarté sur les objectifs des uns et des autres est une nécessité pour ne pas être embarqué dans une aventure non maîtrisée. 

Une transformation en profondeur de l’ordre existant 

Pour ma part, je le dis sans ambages, une primaire de cet arc de forces n’est pas mon projet. Ce que je recherche, c’est le rassemblement de la gauche qui conteste de façon radicale l’austérité, la logique capitaliste, le productivisme, la Ve République. 

En 2017, la candidature que je veux voir émerger, est celle qui portera l’unité de toutes les sensibilités en quête d’horizon émancipateur, de toutes celles et ceux qui veulent une modification en profondeur de l’ordre existant et non un simple aménagement des logiques dominantes. Les politiques menées depuis trente ans sont désastreuses : c’est une toute autre voie qu’il faut tracer. 

Les différentes forces du Front de gauche relèvent de cette gauche-là, mais n’en sont pas les seules représentantes. À EE-LV, à Nouvelle donne, au PS et surtout dans la société, des énergies existent et sont potentiellement disponibles pour travailler à la création d’une nouvelle force de gauche qui ne soit pas un duplicata de la vieille gauche, la résurrection de feu la gauche plurielle, mais qui réponde aux défis de notre époque avec tranchant. 

Les vrais enjeux de 2017 

C’est pourquoi j’ai défendu, avec peu d’écho, l’hypothèse d’une primaire de cette gauche. J’y vois là une possibilité de créer une dynamique citoyenne autour d’un projet nouveau, en mouvement, rassemblant celles et ceux qui cherchent une voie radicalement autre. Comme cet espace est atomisé, il s’agit bien de l’unifier et donc de trouver une méthode pour dégager une candidature dans laquelle la diversité des composantes pourra se retrouver. 

Ce qui se joue en 2017 pour nous, c’est notre capacité à enclencher un processus de refondation d’une gauche de transformation sociale et écologiste. Cette gauche pourrait-elle trouver son nouveau héraut en se rangeant, fût-ce à l’issue d’une primaire, derrière un ancien ministre du gouvernement Valls ou un dirigeant historique du PS ? L’affaire serait pour le moins hasardeuse... et dangereuse. 

Pourquoi douter sans cesse de notre propre capacité d’entraînement ? Cela ne signifie pas que nous devrions être indifférents à l’issue d’un éventuel duel entre la droite du PS et la gauche du PS. Cela signifie que nous avons avant tout la tâche d’imaginer les conditions de vie et d’expansion d’un courant porteur d’invention et de radicalités, bien à gauche. 

http://www.regards.fr/web/article/primaire-a-gauche-sortir-de-la

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