mardi 23 février 2016

Le talon de fer du Medef, par Noël Mamère


A quoi reconnaît-on les cons ? Au fait qu’ils osent tout, comme Michel Audiard le faisait dire à Bertrand Blier, dans un dialogue culte des « Tontons flingueurs ». A quoi reconnaît-on les nouveaux tontons flingueurs sociaux-libéraux qui dirigent la France ? A ce qu’ils osent tout. Et largement plus que leurs prédécesseurs sarkozystes, qui se contentaient d’en rêver en se rasant. 


Après avoir gaspillé 40 milliards dans le CICE et le pacte de responsabilité, sans contrepartie, nos socialistes de marché font encore plus fort dans la transgression des tabous, avec la loi El Khomri-Macron. Toujours plus loin dans cette fuite en avant, qui prend la forme d’une sidérante régression vers les années d’avant les conquêtes sociales du Front populaire. Toujours plus loin dans la rupture avec le droit minimum des salariés : fin des 35 heures, droit au licenciement libéralisé, droits syndicaux et des prud’hommes démantelés, renforcement de l’ubérisation de la société. 

La philosophie de ce texte est simple : faire travailler plus ceux qui ont déjà un travail, au détriment de ceux qui n’en ont pas et développer, comme en Angleterre ou aux Etats-Unis, les jobs sans qualifications, corvéables à merci. 

L’ennemi n’est plus « la finance » mais, le travailleur, les syndicats, les 35 heures et le Code du travail. Même la CFDT qui, jusques là, avait avalé sans broncher nombre de couleuvres indigestes, est vent debout. A l’instar de la CGT, de l’UNSA et de la CFTC. 

Cette contre-réforme, écrite sous le contrôle de Pierre Gattaz, permet aux entreprises d’en finir avec les protections les plus élémentaires et renforce la précarisation des salariés. 

Ce qui se profile n’est rien moins qu’un changement de société où l’Etat laisse tout le pouvoir aux entreprises tandis qu’il se concentre sur ses seules fonctions régaliennes : le maintien de l’ordre, la sécurité et le contrôle social ; Une société du soupçon et de la contrainte, où les pauvres n’ont qu’un droit, celui de se taire. On en revient aux débuts de la révolution industrielle, mais dans le cadre du nouvel ordre numérique. 

Cette véritable bombe contre le monde du travail ne favorisera pas la lutte contre le chômage, qui dépend d’autres facteurs. Ceux qui viendront au pouvoir après ce tsunami social, n’auront plus qu’à amplifier cette arme de destruction sociale. Les socialistes auront déjà fait le sale boulot. 

Comme toujours, cette contre-réforme, ce retour dans le passé, s’accomplit au nom de la « modernisation » de notre modèle social. La mondialisation a créé une économie dérégulée et une société globalisée ? Ceux qui veulent des avancées sociales doivent s’adapter !

Etre « moderne » ne serait-ce pas plutôt débattre d’un revenu de base universelle, qui garantisse le droit à un revenu contre le chômage de masse structurel, que générera forcément le développement des nouvelles technologies numériques ? Pourquoi ne pas mettre en place un salaire maximum et le refus, une fois pour toutes, des retraites chapeau ? Pourquoi ne pas refuser les délocalisations sauvages et favoriser la relocalisation de l’économie, avec créations d’emplois durables et écologiquement responsables ? 

Un nouveau pacte productif, à la fois écologique et social, en faveur de l’environnement, du droit au logement, de l’éducation, des hôpitaux, de la culture, permettrait d’orienter des centaines de milliers de chômeurs vers des emplois de qualité. Les 40 milliards du pacte de responsabilité devraient être redéployés vers cet objectif. Mais pour y parvenir, il faut changer aussi les règles néolibérales européennes en vigueur, en mettant en oeuvre un vrai plan d’investissement, centré sur la transition écologique. 

Toutes ces propositions sont étrangères à la culture politique du gouvernement Valls-Macron-Hollande. Au contraire, ce trio veut pousser jusqu’à son terme son orientation idéologique de destruction des droits collectifs, en donnant toute liberté aux entrepreneurs de faire ce qu’ils veulent. 

Jusqu’où iront-ils dans cette folle et hallucinante course vers la rupture avec leur électorat ? Ces gens n’ont plus de limites. Non content de se mettre à dos la gauche morale et sociétale, ils affrontent bille en tête la gauche sociale et, du coup, les réconcilient toutes les deux. Contre eux. 

Le néo-conservatisme libéral et autoritaire est en marche, entrainant les derniers légitimistes dans le mur d’une défaite et d’un nouveau 21 avril programmé. Mais qu’espèrent-ils donc ces docteurs Folamour qui nous gouvernent ? Que la droite va voler à leur secours ? Mais les électeurs de ce camp-là n’ont que mépris pour eux. 

Ils attendent leur revanche et s’apprêtent à se déchirer en novembre prochain sur le choix de leur prétendant aux présidentielles. Ils comptent sans doute sur leur marchandage permanent avec le Medef, sur la trahison de leurs promesses, pour gagner en 2017, mais ils se retrouvent tout seuls au milieu du gué. 

Les 160 000 signataires, en trois jours, (soit plus de deux fois les signatures pour des primaires de toute la gauche) de la pétition contre le projet de loi El Khomri, montrent l’exaspération du peuple de gauche. 

Les vraies primaires ne sont pas là où on le croit, mais dans notre capacité collective de mettre à bas ce projet inégalitaire, comme celui sur la déchéance de nationalité et sur l’Etat d’exception. Si l’on veut éviter le pire à notre pays, il faut gagner ces batailles. Nous y sommes prêts.

https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/220216/le-talon-de-fer-du-medef

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