La décision de François Hollande rebat les cartes à gauche, comme elles ont été rebattues à droite par la désignation de François Fillon. L’aveu d’échec étant acté, reste à redonner à la gauche ses couleurs et une dynamique propre.
Que la déclaration de François Hollande n’ait pas manqué de courage et de dignité est un fait. Elle n’estompe pas ce qui est évident depuis si longtemps : la politique suivie par l’exécutif depuis plus de quatre ans en a fait le président le plus mal aimé de la Ve République.
Habile et tenace, l’homme n’a pas manqué d’utiliser toutes les ficelles pour pouvoir, à l’instar de tous les sortants, défendre lui-même son bilan. Il a usé des malheurs des divisions de la droite, des malheurs de la gauche.
Quand Macron s’est déclaré, il y a quelques mois, il a même tenté d’apparaître comme le plus central à gauche, entre son ancien ministre et Jean-Luc Mélenchon.
Rien n’y a fait. Égrenés les uns après les autres, les sondages, cruels, laissaient présager une humiliation. Voilà des mois que les Français, quand ils étaient interrogés, affirmaient qu’ils ne voulaient pas d’un remake de 2012. Nicolas Sarkozy a le premier mordu la poussière ; François Hollande s’est résigné à le suivre deux semaines plus tard.
La droite a montré la voie
Le paysage politique s’est épuré. Il n’en est pas moins d’une redoutable complexité. La droite, toutefois, a montré à sa manière la voie. Voilà quelques décennies que s’est amorcée l’idée que, la droite et la gauche n’étant pas franchement antagoniques dans leur choix de gouvernement, la martingale gagnante se trouvait plutôt au centre. La victoire, pensait-on, se jouait dans la capacité à démobiliser l’adversaire, en "mordant" sur ses marges les moins déterminées.
Le jeu des primaires, en 2016, a poussé cette logique aux limites de l’absurde. Une partie de la gauche a pensé que, faute de dynamique à gauche, mieux valait peser sur le choix du candidat de la droite. Et, il y a quelques jours, Arnaud Montebourg a appelé les électeurs de droite à venir voter à la primaire socialiste pour faire barrage… à François Hollande.
Or, la droite a spectaculairement décidé de tourner le dos à ces tentations. Face au vibrionnant Sarkozy, on pensait que le "modéré" Juppé entraînerait jusqu’à une partie de la gauche contre Marine Le Pen. Les électeurs de droite se sont massivement déplacés pour dire qu’ils ne voulaient certes pas d’un retour de Nicolas Sarkozy, mais qu’ils voulaient une droite bien à droite. Ils ont choisi la variante française – travail, famille, identité – de la "révolution conservatrice" née aux États-Unis.
Une main de velours dans un gant de crin, a-t-on dit. L’image est bienvenue.
La gauche est donc désormais devant un choix existentiel. Une partie d’entre elle va vouloir défendre becs et ongles les choix suivis depuis 2012. Manuel Valls s’y attèlera-t-il ? C’est le plus vraisemblable, primaire ou pas primaire.
D’autres choisiront une version accentuée du tropisme centriste : Macron, avec son air de gendre idéal, parlant à la gauche et à la droite, est pour cela le candidat par excellence.
Quelle partie de la gauche doit donner le ton ?
Reste à trouver le pendant vrai du choix de la droite : une gauche
qui ne lorgne pas sur ses franges, mais qui fonde sa reconquête sur la
mobilisation de son noyau dynamique. En bref, face à une droite bien à
droite, seule une gauche bien à gauche peut relever le défi. Or, si
c’est cela l’enjeu, le temps n’est plus à jouer la fine bouche.
Une
gauche bien à gauche est une gauche qui rompt avec plus de trois
décennies de petits pas et de grands pas vers la droite. Et comment
peut-on se tourner, pour incarner cette gauche-là, vers des individus
qui ont porté très loin, jusqu’aux limites extrêmes qui séparent le
réalisme du reniement, la logique gouvernementale qui plonge la gauche
dans le marasme le plus complet ?
Dans le dispositif actuel – et il n’y en aura pas d’autre à court
terme – Jean-Luc Mélenchon est le seul reconnu, par une part non
négligeable de l’opinion, comme incarnant une rupture à gauche. Dans une
gauche déchirée, il n’y a rien de plus urgent que de dire quelle est la
partie de la gauche qui doit désormais donner le ton face à une droite
radicalisée. Valls et Macron nous poussent plus à droite ; Montebourg ou Hamon
ne nous portent nulle part.
En revanche, l’amplification de la piste
amorcée en 2008, avec le Front de gauche, peut cette fois porter le
curseur vers la gauche.
Mais la dynamique heureuse de 2008-2012 n’est pas encore pleinement déployée. Les décisions de soutien à Mélenchon des militants du PCF et d’Ensemble
laissent entendre que la conjonction vertueuse est à portée de main.
Elle n’est pas pour autant complètement en mouvement. Pour qu’elle y
parvienne, on ne peut que redire ce qui a déjà été ici formulé : le
temps n’est plus aux rancœurs ; il n’est plus aux bras-de-fer ; il n’est
plus aux couleuvres à avaler.
Pour que l’unité l’emporte dans les faits, chacun doit y mettre du
sien. Ce serait folie que, à l’arrivée, il n’en soit pas ainsi. Une
seule chose compte : France insoumise, communistes, militants
d’Ensemble, individus et forces qui ont porté le Front de gauche ne
peuvent seulement se juxtaposer. La gauche de gauche n’est debout que
rassemblée.
« Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat » (Louis Aragon, La Rose et le Réséda)
http://www.regards.fr/web/article/apres-hollande-l-heure-de-la-responsabilite-pour-la-gauche
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