"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
dimanche 11 janvier 2015
Manifester dimanche avec le peuple, loin de « l’union sacrée », par Clémentine Autain
Si les interrogations et les doutes sont légitimes quant à la récupération de la manifestation par les partis et les chefs d’État, c’est la logique du rassemblement populaire, démocratique et citoyen qui doit nous y emmener demain.
Un soulèvement populaire se produit dans notre pays, au nom de valeurs fondamentales, la liberté d’expression, la démocratie, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Contre des actes d’une violence inouïe qui touchent aux fondements de notre République, cet élan se fonde sur une révolte juste. Il est massif, et c’est tant mieux.
La force du nombre est l’une de meilleures armes pour combattre ce qu’il faut bien appeler un fascisme.
Le rassemblement citoyen doit l’emporter
S’il faut marcher dimanche, c’est pour participer de ce mouvement du peuple pour la liberté. À ce stade, le rassemblement l’emporte. Parce que nous avons besoin de témoigner ensemble de notre solidarité avec les familles des victimes et de notre profond rejet de ce totalitarisme inhumain que portent les mouvements djihadistes. Parce que nous avons envie de rendre hommage aux victimes et de rappeler notre attachement à la liberté, l’égalité, la fraternité.
Un mouvement citoyen s’est enclenché portant notre tristesse et notre révolte. Cette marche est politique car les actes commis sont politiques. Les cibles des agresseurs sont claires.
Détruire Charlie Hebdo, c’est viser la liberté d’expression et la laïcité. L’exécution d’un policier d’origine maghrébine, blessé, à terre, semble signifier qu’il est considéré comme un apostat, un traître – c’est ainsi revendiqué sur les réseaux djihadistes.
L’attaque meurtrière de l’épicerie casher est de nature antisémite.
C’est l’ensemble de la société de notre pays qui est agressée. Ce sont des crimes politiques. Ces actes touchent à des valeurs communes qui fondent le peuple français. Il est légitime et heureux que le peuple français se mobilise pour les défendre. Comment les forces politiques qui entendent représenter le peuple pourraient-elles se situer à distance de ce mouvement aussi juste qu’inédit ? Mais la mobilisation de dimanche doit rester avant tout citoyenne.
L’union sacrée est un contresens
Le PS et le gouvernement ont eu tort de vouloir préempter l’organisation en la confiant aux partis politiques. C’est une faute politique majeure. Elle brouille les repères et nuit à l’appropriation citoyenne large de cette manifestation, et donc à l’union populaire. La récupération politicienne et l’appel à « l’union sacrée » tournent le dos à l’élan démocratique nécessaire. Elle vise à brouiller les repères pour mieux récupérer politiquement. Elle est un piège, dans lequel la droite extrême s’est opportunément engouffrée.
Les personnes qui manifesteront dimanche ne viennent pas pour défiler derrière François Hollande, Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy. Elles ne viennent pas à l’appel des partis politiques mais à l’appel de valeurs à défendre. L’union sacrée est une faute, un piège, mais aussi un contresens. Si nous pouvons tous ensemble rappeler notre attachement à de grands principes généraux, l’analyse des raisons de ces crimes et les réponses politiques à apporter pour faire face aux défis posés ne sont évidemment pas unifiés.
Avec le peuple
Certains estimeront qu’il faut un Patriot Act à la française renforcé ou que l’heure est venue d’entrer dans une « guerre de civilisation », notamment contre le monde musulman. D’autres, comme nous, estimeront que nous avons besoin de plus de démocratie et de liberté, que seul l’État de droit peut se donner les moyens de faire face, qu’il faut lutter avec acharnement tout à la fois contre les réseaux djihadistes et contre le rejet des musulmans et l’antisémitisme, que les discours de haine ne peuvent que favoriser la haine, que l’heure est venue de la clarté dans nos relations avec les pays qui alimentent concrètement les réseaux d’Al-Qaïda et de Daesh.
Les défis seront intérieurs, mais aussi géopolitiques. Nous ne pouvons pas encore mesurer à quel point ces événements vont bousculer la société française et imposer un ajustement de nos propres réponses. Le débat sur la nature des politiques à même de faire face est devant nous.
Pour que nos réponses émancipatrices soient audibles et crédibles, nous devons nous situer dans le mouvement populaire. Et donc manifester. Pas avec ou derrière les tenants de politiques libérales ou de leaders xénophobes, mais avec le peuple.
Clémentine Autain. Publié sur le site de Regards.
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